Le journal français l'Humanité, publie dans son édition de ce vendredi 10 août, un article intitulé “Tunisie, les islamistes tombent le masque” qui brosse un tableau de la situation dans le pays et surtout dévoile les pratiques du parti Ennahdha qui applique strictement son programme imprimant son empreinte à la vie politique, économique et sociale du pays. Voici l'article dans son intégralité : L'éditorial de Dany Stive, Entre jasmin et lacrymo Libertés menacées, projet de Constitution bridant les droits des femmes, promesses sociales bafouées… le parti Ennahdha au pouvoir suscite crainte et colère. À l'entêtant parfum de jasmin, symbole du soulèvement du peuple tunisien, se mêlent aujourd'hui dans ce pays des effluves autrement nauséabonds : les gaz lacrymogènes de la police, et autres balles en caoutchouc, ont encore été employés hier à Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, pour disperser une manifestation d'opposants au gouvernement. Les relents fétides qui ont pour but d'asphyxier la révolution ne sont pas l'apanage de la rue. Dans l'enceinte de l'Assemblée nationale constituante (ANC), où s'écrit le futur texte fondateur de la nouvelle Tunisie, les représentants du parti islamiste Ennahdha n'ont de cesse d'étouffer le débat sous des considérations religieuses et leur volonté de restreindre les libertés fondamentales. Les démocrates tunisiens sont sur leurs gardes. L'indépendance de la justice, dans l'état actuel de la Constitution voulue par Ennahdha, ne serait guère plus assurée que sous le règne de Ben Ali, qui disposait des juges comme bon lui semblait. Le projet de l'ANC donnerait « au premier ministre le pouvoir discrétionnaire d'accepter ou de rejeter les décisions (...) concernant les nominations, les promotions et les mutations de juges », dénonce l'ONG Human Rights Watch. Sur le terrain, hier, devant le bâtiment abritant l'ANC, un ensemble de partis invitait la population à exprimer « leur condamnation, protestation et refus que la révolution ne se transforme en un butin de guerre, consacrant le principe de spoliation et d'hégémonie ». Malgré la répression, les manifestations ne cessent dans le pays. Sidi Bouzid et Tunis hier, Sfax avant-hier. Le peuple tunisien, un an et demi après son soulèvement, ne voit toujours pas sa situation s'améliorer. Le gouvernement ignore l'expression « dialogue social ». Entre la politique économique de Ben Ali et celle d'Ennahdha, aucune différence. L'ultralibéralisme reste la règle. Le ramadan a vu les prix des denrées alimentaires s'envoler. La spéculation bat son plein. Le taux de chômage frise les 20 %. Et, une fois encore, les femmes en sont les premières victimes, les islamistes encourageant l'embauche des hommes. D'autres dangers guettent les Tunisiennes. La commission des droits et libertés de l'ANC, grâce au parti islamiste, a présenté un article stipulant que « l'Etat assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée de l'homme dans le développement de la patrie ». Enterrée l'égalité des sexes, oubliée la citoyenneté des Tunisiennes, étranglée la dignité des femmes. Face aux vives réactions de la société civile, les islamistes avaient dû, il y a quelques mois, faire machine arrière quand ils avaient tenté d'imposer la charia au pays. Ils ne s'avouent pas vaincus. Les associations de femmes n'ont pas l'intention de les laisser faire non plus. Elles ont reçu, depuis Londres, l'appui d'Habiba Ghribi, première athlète tunisienne à monter sur un podium olympique. Auréolée de sa médaille d'argent, la sportive a dédié sa victoire à « tout le peuple tunisien, aux femmes tunisiennes, à la nouvelle Tunisie ». Hölderlin l'a dit : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. »