L'Assemblée Générale des Nations Unies se prononcera, Jeudi 29 Novembre 2012, sur la demande palestinienne de bénéficier de la qualité d'Etat observateur non membre en lieu et place de son actuel statut d'observateur en tant qu'entité, accordée depuis 1974. Le choix du timing n'est pas arbitraire, la date a une éminente portée symbolique car elle coïncide avec le 65ème anniversaire de la résolution des Nations Unies, adoptée le 29 Novembre 1947, sur le plan de partage de la Palestine mandataire et l'établissement de deux Etats (arabe et juif). Tentatives palestiniennes de changer de statut Il est à préciser que le statut d'Etat observateur non membre est plutôt une pratique au sein des Nations Unies et non une procédure codifiée. Aucune disposition de la Charte des Nations unies ne prévoit ou régit ce cas de figure. Historiquement, ce statut n'a été accordé qu'à deux reprises : A la Suisse en 1946 avant son adhésion aux Nations Unies en 2009 et au Vatican, l'unique Etat qui se prévaut de nos jours de ce statut. Pour obtenir gain de cause, la demande, soumise exclusivement à l'Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité n'en étant pas partie prenante, requiert l'aval de la majorité des 193 Etats membres des Nations Unies. Au niveau strictement procédural, le nouveau statut n'ajoute rien aux palestiniens au sein des Nations Unies. Ils continuent à ne pas disposer du droit de vote, ne pas présenter des projets de résolution et ne pas briguer des postes dans le Secrétariat des Nations Unis. Ils se limitent à prendre part aux réunions et à prononcer des déclarations. Donc, la signification et la plus value de ce nouveau statut sont uniquement d'ordre politique. N'étant pas en mesure, en 2011, de faire aboutir sa demande d'adhésion aux Nations Unies en tant que membre de plein droit et à part entière dans la mesure où cette requête nécessite l'aval préalable du Conseil de Sécurité, outre la menace brandie par les Etats Unis de se prévaloir de son droit de véto, l'administration palestinienne a décidé d'emprunter une voie différente sans pour autant changer d'objectif, une voie plus longue mais plus sûre, motivée par le souci, somme toute légitime, d'éviter l'échec de sa démarche suite à un véto. Les enjeux du nouveau statut Cette rectification tactique, qui consiste à demander le statut d'Etat observateur non membre et de faire ainsi évoluer son rang actuel, obéit à trois principaux mobiles : 1- La reconnaissance internationale implicite d'un Etat palestinien 2- Il s'agit d'une étape intermédiaire plus élevée que la précédente avant de demander, dans une phase ultérieure, le statut de membre. 3- Le nouveau statut permet à la Palestine d'agir au sein de la communauté internationale en tant qu'Etat et non plus en tant qu'entité, ce qui lui ouvre de larges perspectives d'action et de lui offrir les moyens de mieux se positionner , notamment dans le système onusien. 4- Le nouveau statut ouvre la voie à la Palestine de d'adhérer aux organisations internationales, aux organismes et agences onusiens et aux traités et instruments internationaux, notamment la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour International de Justice (CIJ) Outre les pays en développement dont l'écrasante majorité votera, par principe, en faveur du projet, les pays occidentaux soutenant la démarche palestinienne sont motivés par d'autres considérations dont notamment : - L'octroi de ce statut est de nature à renforcer la position du président palestinien, Mahmoud Abbes, un homme de paix qui a le plus misé sur le dialogue et la négociation. - L'octroi de ce statut permettra de revitaliser le concept de la solution à deux Etats, en mettant sur un pied d'égalité Israël et la Palestine dans la perspective des négociations de paix. Donc, un facteur d'un meilleur équilibre du processus de négociation. Par contre, face au projet palestinien, les Etats Unis, Israël, Royaume Uni et Allemagne ont mis tout leur poids et exercé toutes les formes de pression pour en dissuader les auteurs. Pour l'Administration américaine, le règlement du conflit passe par les négociations et non les Nations Unies. “La seule manière d'aboutir à une solution durable est d'entamer des négociations directes“, a insisté récemment la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton. S'agissant d'Israël, l'argument est de tout autre acabit, il est, à certains égards, risible. Le projet palestinien de saisir l'Assemblée Générale et de soumettre au vote sa demande de bénéficier du statut d'Etat observateur non membre est assimilé “à une violation flagrante des engagements pris de régler le conflit avec Israël par des négociations et non par des mesures unilatérales”. Quant au Royaume Uni, son gouvernement a conditionné l'idée de voter favorablement le projet palestinien à l'engagement public, préalable et irrévocable de l'Autorité Palestinienne à garantir deux aspects : D'abord, le non recours aux juridictions internationales contre Israël. Ensuite, la reprise immédiate et sans conditions des négociations. A défaut de quoi, le Royaume-Uni n'accordera pas sa voix. C'est plus ou moins la même position affichée par l'Allemagne. Les principaux axes du projet de résolution Malgré l'hostilité et la pression de ce noyau dur, appuyé notamment par le Canada et l'Allemagne, l'Autorité palestinienne présenté à l'Assemblée Générale son projet de résolution dont le texte est articulé autour des principales dispositions suivantes : Les craintes suscitées par le nouveau statut En revanche, la démarche palestinienne, en cas d'aboutissement, soulève une double inquiétude : D'une part, Israël et ses partisans occidentaux craignent que les palestiniens saisissent directement la CPI ou d'autres instances internationales juridictionnelles et de poursuivre les autorités israéliennes devant la justice internationale, pour porter plainte contre Israël et/ou ses hauts responsables. Toujours est-il que la décision en la matière est, le cas échéant, d'ordre politique et reste tributaire de la discrétion et de l'appréciation des chefs politiques palestiniens. Ces derniers examineront bien la situation, étudieront bien l'opportunité et choisiront bien le timing avant d'entamer le recours. En réponse, les palestiniens affirment, à juste titre d'ailleurs, que si Israël n'est pas coupable de crimes de guerre ni de crimes contre l'humanité, il n'a aucune raison de redouter la CPI ou la CIJ. D'autre part, les palestiniens redoutent que, par mesure de représailles, les sanctions financières auxquelles les Etats Unis et Israël pourraient recourir. En effet, la législation américaine interdit de verser toute contribution financière aux agences spécialisées des Nations unies accordant le statut de membre à part entière aux Palestiniens (cas de l'UNESCO en fin 2011 qui, en octroyant ce statut à la Palestine, a été pénalisée immédiatement par les Etats Unis). Donc, il n'est pas exclu que le Congrès américain bloque les 200 millions de dollars d'aide promis aux Palestiniens. De son côté, Israël serait en mesure de ne plus reverser les taxes qu'il perçoit pour le compte de l'Autorité Palestinienne ou réduire le nombre de permis de travail en faveur des Palestiniens ou même suspendre les accords d'Oslo. En guise de filet de sécurité, la Ligue des Etats Arabes s'est engagé à financer l'Autorité Palestinienne, à concurrence de 100 millions de dollars par mois, en cas de sanctions financières américaines et/ou israéliennes. En conclusion, et malgré les pressions et les menaces dont fait l'objet l'Autorité palestinienne, et au-delà du large soutien accordé à la démarche défiante de cette dernière, la validation du projet portant nouveau statut ne changera point ni le dispositif de participation des palestiniens aux travaux onusiens quel que soit son rang aux Nations Unies ni la réalité de l'occupation militaire israélienne ni le rapport de forces en vigueur. Il s'agit essentiellement d'un acquis politique permettant aux palestiniens une meilleure marge de manœuvre, un levier de mouvement et de riposte plus significatif et un cadre de négociation plus équilibré.