Réagissant à fleur de peau suite à l'agression commise à la Place Mohamed Ali, braquant l'opinion publique et la classe politique sur les rives de la confrontation, l'UGTT n'a pas voulu ou pu aller au bout de son idée et a accepté un compromis pour le moins bancal, voire sans consistance, en tout cas largement en deçà des conditions que la centrale syndicale a imposées comme plateforme de négociation et comme préalables à toute levée de la grève générale, notamment les excuses publiques et la dissolution des Ligues de Protection de la Révolution (LPR). D'ailleurs, comment de fait il que l'UGTT, d'une part incrimine Ennahdha et ses milices, et d'autre part, demande au gouvernement de s'en excuser ? Dans cette occurrence, l'accord conclu avec le gouvernement est plutôt une coquille vide dans la mesure où les deux exigences ci-dessus mentionnées ont été tout simplement éludées. L'UGTT s'est-elle rendu compte qu'elle a placé la barre trop haute et que la décision de grève générale est disproportionnée par rapport à l'affront subi ? Des menaces sur fond de corruption aurait-elles été proférées ? Pourquoi l'UGTT s'est-elle résignée à annuler la grève générale au lieu de la suspendre ou la reporter pour maintenir la pression et se frayer une sortie de crise plus honorable ? Tout autant de questions qui s'imposent d'elles-mêmes ! En annonçant officiellement l'annulation de la grève générale, prévue jeudi 13 décembre 2012, Houcine Abbassi a invoqué des raisons liées l'aggravation de la situation financière, sécuritaire et sociale du pays comme si , en une semaine, après avoir décrété la grève générale, le contexte national a complètement changé et empiré. La situation est la même le 4 Décembre et le 12 Décembre 2012. Si Houcine Abbassi était sensible çà ce genre d'arguments, il n'aurait jamais brandi l'arme de la grève générale. Les mêmes causes donnent les mêmes effets, en principe. Donc, soit l'annonce de la grève générale était une erreur au départ, d'où son annulation, soit d'autres obscurs motifs en ont constitué la trame de fond et le levier du revirement. En même temps qu'on peut saluer le courage et la sagesse de l'UGTT de faire marche arrière, quoiqu'au grand dam de ses sympathisants, on ne peut occulter que la centrale syndicale a essuyé un revers sur ses deux principales revendications, le bras de fer ayant fini en queue de poisson. En revanche, le parti Ennahdha, longtemps crispé et pointé du doigt, voire même voué à la vindicte, a sorti son épingle du jeu en desserrant l'étau sans faire pour autant son mea culpa ni profil bas. Pour sa part, les LPR ont limité la casse dès lors qu'aucune mesure de dissolution n'a été prise. Quant au gouvernement, qui n'est pourtant pas partie prenante au conflit, il a désamorcé la crise et atteint son principal objectif, à savoir, l'annulation de la grève générale. Il ne s'agit pas d'analyser la situation en termes de perte ou profit pour quelque partie que ce soit, ou de faire valoir une quelconque posture de confrontation ou une quelconque voie de règlement, loin s'en faut, mais toujours est-il que l'issue de la crise a été, dans une large mesure, au détriment de l'UGTT. Autrement dit, un piètre lot de consolation en guise de contrepartie. La montagne a accouché d'une orpheline souris. La décision d'annulation dont les motivations semblent contradictoires ne cadre pas avec les discours enflammés, les surenchères et les diktats de départ. L'épreuve de force étant évitée de justesse, il y a lieu de souligner le ton triomphaliste et même arrogant des leaders d'Ennahdha. Ce qui est de nature à remuer le couteau dans la plaie et à s'interroger sur la nature des rapports de force. En effet, Mohamed Ben Salem, Ministre de l'Agriculture, a affirmé que l'annulation de la grève générale est le seul point à l'ordre du jour des négociations entre le gouvernement et l'UGTT, donc à l'exclusion de toute autre question. De son coté, le chef du gouvernement Hamadi Jebali a déclaré à Hannibal TV que la dissolution des LPR n'est pas du ressort du gouvernement mais relève de la justice, précisant que le ministère de l'Intérieur n'a pas imputé la responsabilité des violences du 4 décembre aux LPR. Cette déclaration appelle deux commentaires ; - Les propos dédouanent et affranchissent les LPR - De par la loi, il revient au Secrétaire Général du gouvernement de saisir la justice. Quels enseignements peut-on tirer de ce bras de fer ? En conclusion, la crise, heureusement dépassée, a montré le profond malaise traversant la société tunisienne ainsi que le reflexe de stigmatisation conditionnant le mode opératoire et la grille de lecture de la classe politique tunisienne.