« Gouvernement de guerre ». Voilà le dernier, et non des moins grotesques, bois vert d'Ali Laârayedh. Guerre contre qui ? Guerre pourquoi? Guerre comment? S'il s'agit de la guerre contre le chômage, contre le terrorisme, contre le coût de la vie, il est bien clair que son gouvernement a échoué à plate couture. Cela fait presque deux ans que les lieutenants de la Troïka sont sur le pied de guerre, en plein champs de combat, sans que leurs assauts se soient soldés par quelconque victoire. Rien que des échecs à répétition. Le pire c'est que la Troïka, clouée dans son camp, ne voit pas venir la débâcle. La crise politique bat son plein sans que la Troïka ne consente à lâcher du leste pour dégager un compromis de solution. Droit dans ses bottes, la Troïka continue de s'accrocher, vaille que vaille, aux basques de la légitimité et de dissimuler sa nudité derrière la feuille de vigne de l'ANC, au mépris même de son propre intérêt. En effet, le couperet économique et social est sur sa tête, le pays est au bord de la banqueroute, tous les indicateurs rasent le sol. Déjà que le Gouvernement fait des pieds et des mains auprès de l'Union Européenne pour quémander, voire mendier, une enveloppe financière pour équilibrer son budget annuel. Voilà un premier signe de la faillite annoncé. D'une part, le Gouvernement n'est pas en mesure d'assumer ses responsabilités publiques et les fonctions régaliennes de l'Etat. Et d'autre part, la Troïka, dont il est l'émanation directe, donc la tête (tricéphale) pensante, rechigne à franchir le pas pour ouvrir la porte de sortie à la crise. Coincée entre le chaos social et la crise politique, sans soutien interne ni appui externe, la Troïka devrait, un jour ou l'autre, après s'être démenée longtemps et de façon non moins sourde à faire le dos rond, à assumer ses choix, à montrer qu'est ce qu'elle a dans les trippes pour gérer une situation quasi insurrectionnelle. Si le duo UGTT/UTICA quitte pour de bon la table des négociations, on ne donnera pas cher de la peau de la Troïka. Cette dernière a montré toute la défaillance de son modèle de gouvernance pour pouvoir gérer un contexte de crise beaucoup plus grave. Jamais dans l'histoire moderne de la Tunisie, l'UGTT et l'UTICA, les deux partenaires sociaux majeurs , n'étaient autant sur la même longueur d'onde. Bien plus, les deux organisations nationales établissent la même analyse, parlent de la même voix et font entièrement bloc pour formuler, haut et fort, les mêmes revendications. Mais la Troïka, bouchée à l'émeri, myope jusqu'aux ongles, ne tient guère cette historique alliance UGTT/UTICA en ligne de compte, mais cherche à gagner du temps et à jouer le pourrissement comme alternative de salut. Le tandem UGTT/UTICA, les deux principaux moteurs de la machine socioéconomique nationale, ne pourraient rester Ad vitam æternam l'otage d'une Troïka, faisant les grands écarts, naviguant à vue et sans feuille de route. Un tel mépris est de nature à mener le pays droit dans le mur…des lamentations! Tout compte fait, on n'en est pas loin, on est juste à un doigt. Les observateurs avertis annoncent, le ton grave et l'œil mauvais, qu'à défaut d'une solution de la crise, l'Etat ne serait plus en mesure d'honorer les émoluments de ses fonctionnaires. Hypothèse où le risque de bouleversement social n'est pas à écarter. L'UGTT, jusqu'ici fidèle à son mot d'ordre de paix social, et jusqu'ici capable de tenir en laisse ses bases, ne manquerait pas de lâcher le morceau et la boite de Pandore, à juste titre d'ailleurs dès lors que la Troïka a refusé de faire les concessions nécessaires pour construire un consensus national. Le cas échéant, le Gouvernement Ali Laârayedh serait dans de très sales draps. En résumé, si la Troïka rate le virage politique pour faire sortir le pays de la crise, le tournant socioéconomique aura raison de son entêtement. Il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.