La Troïka, et en première ligne Ennahdha, récolte ce qu'elle a semé. Elle a usé et abusé de toutes les manœuvres dilatoires , de tous les écrans de fumée, de toutes les ficelles politiques pour éterniser, contre toute logique et décence, la période transitoire Aujourd'hui l'ANC et toutes les institutions qu'elle a mises en place sont contestées par une large frange de la population tunisienne, outre l'ensemble de la classe politique d'opposition et la majorité de la société civile. Les appels à leur dissolution ainsi que, plus grave, à la désobéissance civile marquent les rues, les espaces publics et les organes médiatiques. Le paysage politique actuel est nettement bipolarisé: La Troïka et les autres. Troïka est partie en vrille. Si le CPR et Ettakatol ont implosé, leur poids n'étant plus qu'un peau de chagrin, Ennahdha accuse une grande érosion de sa base électorale. Nul doute que le pouvoir use, abîme, mine mais cet aspect contraignant est autant prévisible que gérable. En revanche, la prestation de la Troïka à la tête de l'autorité publique n'a collectionné que les débâcles. L'échec et l'incompétence du Gouvernement, l'enjeu électoral, l'empiètement partisan, la nette décrépitude de la situation économique, social et politique, l'inféodation de l'ANC à la coupe gouvernemental, l'assujettissement de l'appareil de la sécurité et de la justice, tout autant de fiascos dont la Troïka assume la responsabilité première, discrédite terriblement son action et rend caduque sa légitimité. D'aucuns estiment que la volonté de la Troïka d'allonger son mandat, outre mesure, et au delà des arrangements transitoires convenus au préalable, n'est pas le produit de quelques obstacles de parcours, aussi impromptus et intempestifs qu'ils soient, mais bien une stratégie sciemment conçue et envisagée, au service d'un agenda caché dont les principaux objectifs pourraient être résumés comme suit: 1- Donner au gouvernement le temps nécessaire, quitte à menacer de mort quiconque coupable de s'élever contre la légitimité électorale, dans l'espoir de dégager un petit bilan positif qui sera un thème de campagne des prochaines élections. 2- Harasser la population jusqu'à l'en dégoûter de la chose politique. La patience et l'opiniâtreté ne sont pas ni dans la culture ni dans le caractère des tunisiens. Plus ils sont épuisés plus leurs ailes sont plombées. Soumis à cet étau, fait de pourrissement de la situation et d'écœurement, il n'est pas exclu qu'ils brillent par leur défection le jour du scrutin. Par conséquent, des nombreuses voix feront défaut à l'opposition ayant à l'esprit que le lectorat d'Ennahdha est immuable sans compter que ses militants et ses sympathisants se distinguent par un haut niveau de discipline. 3- Poursuivre son œuvre de soumission de l'appareil d'Etat. Il n'est plus un secret qu'Ennahdha se démène, sur tous les fronts, pour envahir la haute sphère de l'Administration tunisienne et mettre la main sur les principales articulations de l' Etat. Les visées électorales sont derrière cette politique de conquête. En toute logique, il faut une période de temps bien étendue pour installer définitivement la pieuvre nahdhaoui dans les structures de l'Etat. 4- Epurer les archives de l'Etat, particulièrement du Ministère de l'Intérieur, de tout document, de tout e trace, pouvant compromettre les leaders et autres grandes figures d'Ennahdha. un telle opération d'effacement nécessite certainement un certain tout. Pour preuve, pourquoi jusqu'à nos jours les archives douteuses n'ont pas été ouverts? Pourquoi le projet de loi sur la justice transitionnel croupit encore dans les tiroirs de l'ANC? En conclusion, Ennahdha ne compte pas lâcher le pouvoir et ne lésine sur aucune manœuvre pour s'approprier l'Etat Ad vitam æternam. Gagner les prochaines élections n'est pas une alternative mais une obsession, quitte à nourrir et exacerber la bipolarisation politique et la violence sociale. Tous les moyens sont bon à cet effet. Focalisé sur cet objectif, Ennahdha n'a pas hésité une seconde à faucher et à faire couler son Secrétaire Général, Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement, pour avoir osé confirmer l'échec de son gouvernement et proposer une nouvelle équipe composée exclusivement de technocrates. Le projet a été tué dans l'œuf dès lors qu'il était incompatible avec leur plan. Coincé dans sa posture de prédateur, Ennahdha n'a jamais montré une quelconque disposition à écouter et comprendre la rue ou à s'inscrire vraiment dans une démarche de consensus. En cas de mauvaise tournure ou de mouvement de contestation, ses bras armés, à savoir la mouvance salafiste et les LPR, sont là pour mettre un bon l'ordre et ramener les « égarés » sur le droit chemin. Une culture propre aux « frères musulmans » dont Ennahdha est la branche nationale: Le parti compte beaucoup plus que le pays, le pouvoir est plus important que l'intérêt supérieur du peuple.