Heureux qui, comme Socrate ! Quinze jours déjà. Ou plutôt quinze jours, à peine, que l'ange Socrate nous a quitté pour un monde meilleur. Quinze jours, à peine, car déjà, pas mal de pseudo-tunisiens n'épargnent pas d'efforts pour l'oublier et le faire oublier. Pendant ces quinze jours, on aura tout vu : Des idioties et des encore plus idiotes. Mais rien n'y fait ! Il ne leur sera pas facile d'effacer de la tête et des cœurs des tunisiens, la face d'ange de Socrate. Et d'ailleurs, d'au-delà des cieux, de là où il est, Socrate n'en a cure de ces ingrats de ces sous-hommes. Il n'en a cure, car dans son esprit, il est parti la paix dans l'âme. Il n'est point parti pour eux. Il est parti pour ceux qui se souviendront toujours de lui, et qui lui seront éternellement reconnaissants. Reconnaissants pour son sacrifice sur l'autel de la liberté et de la sécurité des siens. C'est pour çà qu'il est heureux, là où il est, notre Socrate national. Il est heureux de la reconnaissance des siens et du souvenir qu'il aura gravé dans les esprits de ceux qu'il a aimé et qui le lui rendent si bien. Les assassins, auront beau vouloir effacer son doux souvenir, il aura toujours une place de choix dans nos cœurs, dans celui de ses sœurs, de sa mère et de son père. Il se suffira, aussi, de la reconnaissance de ses compagnons d'armes, ses valeureux agents, qu'il a, dans un ultime sursaut de bienveillance couverts de son pauvre corps pour les épargner du feu nourri des assassins. Il sait qu'il peut compter sur la reconnaissance, aussi, de ses camarades dans la garde nationale, dans la sûreté et dans l'armée, qui ne connaitront le répit que quand ils l'auront vengé. Alors, oui. Il peut être heureux, Socrate. Il est aussi heureux, Socrate, de n'avoir pas vécu les mascarades que subissent ses concitoyens après son martyr. Il est heureux de n'avoir pas à se morfondre dans la rage et la dépression de voir l'élite politique de son pays s'entredéchirer pour un fauteuil. Il est heureux, car au fond de lui, il sait qu'il n'est pas parti pour ceux-là. Il est, par ailleurs, heureux de n'avoir pas vécu suffisamment longtemps pour s'apercevoir de l'absurdité d'un pays où les jeunes de son âge se sacrifient pour que des centenaires, cupides et avides de pouvoir vivent et perdurent ne lâchant pas une miette de ce que cette stupide existence peut leur rapporter comme intérêts. Qu'il est heureux Socrate, là où il est. Les tunisiens devraient, à chaque fois qu'ils se souviennent de cet ange, se rappeler le refrain d'une chanson à la vogue ces derniers jours : « Tu étais formidable, nous étions fort minables » !