Le présumé coupable, de triste mémoire, Kamel Ghadhgadhi ne peut plus avouer un orphelin mot et pour cause. Il est abattu à Raoued, avec ses secrets. Les cadavres ne témoignent pas. Pourquoi les forces de l'ordre n'ont-elles pas trouvé l'astuce et le moyen de le capturer en vie ?! Les techniques existent pour harponner l'assassin tout désigné sans le tuer. Il a fallu recourir à la tactique d'usure ou au gaz paralysant pour arrêter les terroristes vifs. Pourquoi les forces nationales n'ont rien tenté dans cette perspective. Il ne s'agirait pas de faire des appels à la reddition, les terroristes doctrinaires préfèrent la mort « en martyr » (de leur point de vue) que la capitulation. Donc, ce genre de procédé est forcément et automatiquement voué à l'échec. En tout cas, dans sa sagesse, à moins que ce soit pour d'autres obscures considérations, le Ministère de l'Intérieur en a jugé autrement, préférant le feu nourri et croisé, le bain de sang, à toute autre alternative moins violente visant à neutraliser puis attraper les criminels. D'ailleurs, est-il vraiment établi, preuves irréfutables à l'appui, que le tristement célèbre Kamel Ghadhgadhi est le meurtrier de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. Sur un autre plan, et pour se garder de tout procès d'intentions, il n'est pas exclu que les forces de l'ordre n'ont pu faire autrement. Toujours est-il que la question reste entièrement posée. Maintenant la montagne d'interrogations est réduite en cendres. Toute la Tunisie reste sur sa faim, continuant à avaler les couleuvres et à manger son pain noir. Un amer et non moins délétère goût d'inachevé. Quels en étaient les commanditaires ? Les donneurs d'ordre ? Les interfaces de financement ? Des questions désormais en travers de la gorge, tels de grands sanglots, dont l'écho ne sera plus qu'un écran de fumée ou de silence. Ainsi la quête de vérité sur les assassinats, notamment les commanditaires, est brisée en plein envol. A peine quelques jours après son investiture à la primature, Medi Jomâa fait un carton sur le plan sécuritaire, et cerise sur le gâteau, réduit au silence l'ennemi public numéro un. A-t-on tué l'assassin ou la vérité, ou bien les deux à la fois. Pourtant, le nouveau chef de gouvernement, s'est engagé à faire toute la lumière sur les assassinats. Maintenant avec des cadavres sur les bras, Mehdi Jomaa est pris dans le piège de la vérité. Le devoir de vérité est accablant en pareil cas. Le baptême de feu risque de tourner à l'épreuve de force. En tuant l'assassin présumé a-t-on rendu justice aux martyrs ? Est-ce que leurs familles et leurs proches seront en mesure d'en faire le deuil ? De se contenter de la version officielle ? Sur un autre plan, à supposer dialectiquement qu'il en soit l'auteur, ce qui reste quand même à démontrer, comment se fait-il que Kamel Ghadhgadhi, bien fiché et bien signalé, ne trouve aucun gène à se déplacer, en toute liberté et sans contrainte, du sud au nord, de Châambi à Roued, au cœur même de la Capitale Tunis, sans que les fins limiers du Ministère de l'Intérieur n'en savent rien ou n'en suivent la trace tout au moins? Le Ministre de ‘Intérieur, bombant le torse, ravi et fier de sa pioche, indique que les forces de l'ordre ont trouvé quatre armes. Quatre armes seulement pour sept terroristes? C'est quand difficile à gober. Les relents de mise en scène infestent l'atmosphère et bouchent la route de la bonne analyse. Juste une dernière question : il est précisé que Sofien Selliti, Substitut du Procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis, a confirmé la mort de Kamel Ghadhgadhi à Raoued. Aux dernières nouvelles, Raoued est une localité sise au gouvernorat d'Ariane, pourquoi alors recourir aux instances compétentes de Tunis, à moins que le gouvernorat d'Ariane n'en soit pas doté ou qu'un nouveau découpage territorial ait été effectué à l'insu de tout le monde.