Il parait, à première vue, que l'heure des grands déballages a sonné à Ennahdha. C'est du moins, la première impression qu'on pourrait retenir de l'interview accordée par Hamadi Jebali, ce jeudi 27 mars, à la chaine Radio Mosaïque FM. En effet, Hamadi Jebali, s'est donné un effort fou pour se démarquer de son parti, en osant certaines critiques, pas trop méchantes, et en insistant sur le fait qu'il ait démissionné, pas pour des raisons de santé (c'est très important), mais pour pouvoir s'affranchir de la pression des décisions d'Ennahdha, et aussi, pour pouvoir donner toute la mesure de son art en politique, se permettant d'attaquer qui il veut, sans pour autant engager le parti, et dire ce qu'il pense sur ce qu'il veut sans se lier aux avis de la toute puissante choura. Bref, tout ce qu'il faut pour faire un prétendant « modèle » pour les présidentielles, en regroupant en un personnage, l'intégrité des gens qui ont peur de Dieu, la légitimité de ceux qui ont souffert les affres des geôles de Ben Ali, l'expérience du gouvernement, mais surtout, le mérite de faire son mea culpa concernant les erreurs de jugement et de décisions lors de son passage à la tête du gouvernement, et une soudaine lucidité politique et sociale qui lui donne l'autorité de dicter à l'actuel chef de gouvernement ce qu'il devrait faire, en collant (bien évidemment) aux exigences de la population et celles de la classe politique. Un bon discours d'inauguration d'une campagne électorale, auquel on a assisté cet après midi sur les ondes d'une Mosaïque FM, soudain assagie et plus conciliante et serviable. Et si on se permet une petite revue de ce qu'il a pu débiter lors de cette interview, la cause devient acquise. En effet, Il a commencé sur un « Ennahdha m'a déçu en 2013 » en allusion au refus opposé par le parti à son idée de gouvernement de compétences, pour poursuivre sur des non-dits concernant des allusions à des choses internes au fonctionnement du parti. Mais là, il a eu un petit dérapage, une sorte d'aveu inconscient lorsqu'il a reconnu qu'il avait, alors, décidé de quitter la scène politique pour « laisser le temps faire » ! Il a ensuite enchainé sur le fait qu'il n'y a aucun problème de santé derrière sa démission, et que tous les candidats à la présidence devraient apporter les preuves de leur bonne santé (là, c'était de par trop maladroit, peut-être). Après, il a fait allusion à son éventuelle candidature à la présidentielle, en prenant le soin de paraitre assez délicat pour l'assortir des conditions du pays ; pour ne pas faire trop « opportuniste et avide ». Il a, dans ce sens, déclaré que son vœu était de pouvoir servir le pays indépendamment de sa position au sein d'Ennahdha. Il a, par la suite, entamé un petit speech de mea culpa, histoire de se purifier des erreurs du passé, en en collant quelques unes, au passage sur le dos de ses anciens ministres, à propos des quels il a avoué qu'il avait eu le mauvais choix d'opter pour un gouvernement politique (Normal, à postériori, après avoir constaté l'attachement du peuple et de la classe politique à un gouvernement de compétences). Il a, par ailleurs, opéré un petit crochet par le dossier du terrorisme, pour se défendre de toute implication dans ces affaires, histoire de blanchir par la même occasion son parti. Il a terminé sa « performance » en se permettant de taquiner Moncef Marzouki (rien de plus logique quand on sait qu'il peut le compter, désormais, comme un sérieux rival), en lui donnant le conseil de se faire une raison et de démissionner. Pour arriver, enfin, au bouquet final en donnant la pleine dimension de son « savoir » en politique et en gestion du pays, en se permettant de donner des conseils à Mehdi Jomâa, curieusement, dans le sens de satisfaire les exigences du peuple (forcément, quand on est spectateur, on peut se permettre de faire l'expert). Donc, un beau portrait, on dirait même idyllique, que celui présenté par Hamadi Jebali, avec l'aide de quelques médias, qui ont pratiquement brossé un portrait robot de l'homme politique idéal pour la Tunisie, du moment, surtout, qu'il a quitté le navire d'Ennahdha ! Sauf qu'à y regarder de plus près, et sachant ce que tout le monde sait de la « nébuleuse » Ennahdha, on n'en sort pas comme çà, comme d'un moulin, et on ne quitte pas Ennahdha aussi facilement. Le Cheikh Rached l'avait si bien avancé en 2013, an avertissant que celui qui quitte Ennahdha oublie le pouvoir et toute carrière politique. Tiens ! Mais, au fait, ce n'est pas dans cette même déclaration, que le Cheikh a prédit un avenir politique glorieux à Jebali ? Eh bien, il semblerait que le moment est venu à Jebali pour faire son entrée par la grande porte, non sans avoir, au préalable laissé au temps le soin de « faire », comme il l'a dit. En d'autres termes, il se serait éclipsé de la scène, le temps jugé suffisant pour faire oublier « certaines choses » et le voilà prêt à remonter sur son beau cheval blanc (ou blanchi) de Calife.