Apparemment, la Tunisie est en passe de vivre une campagne électorale d'anthologie. Une campagne comme le monde n'est pas près d'en revivre. Une campagne inédite. Inédite de par le fait qu'elle se caractérise déjà, alors même qu'elle n'est officiellement pas commencée, par une absence totale de programmes et de vraies stratégies électorales, si ce n'est celle d'assener le maximum de coups vils et de coups en dessous de la ceinture à tout concurrent qui a eu la « mauvaise idée » de s'interposer entre certains candidats et leur Graal tant convoité, le palais de Carthage en l'occurrence. Cette campagne s'annonce vile et dégradante, et laisse craindre le pire pour quand les résultats seront annoncés. Et ce sont, malheureusement, certains médias, inconscients de leur rôle de lucarne à travers laquelle le monde entier scrute cette « démocratie naissante », se sont investis dans le commérage et les médisances, d'une manière qui laisse craindre qu'ils ont été, de fait, mis sous le contrôle de certains mécènes qui se cachent derrière des candidats en lice pour l'investiture et en mal de programmes sérieux, malgré leur supposée compétence. Car aujourd'hui, en ce mercredi 24 septembre, le tunisien a eu droit à un avant goût du spectacle désolant que sera cette campagne, et ce, à l'occasion de la parution des premiers chiffres, annoncés par l'ISIE et assimilés, avec grand effroi, par certains, à des prémices de résultats. D'où le branle bas de combat sonné à la hâte et dans la précipitation pour contester, à défaut des résultats mêmes, du moins leur signification ou même les bases juridiques de leur obtention. Et la palme revint dans ce « cirque » à une « honorable » chaine de radio privée qui commença par annoncer les résultats en question, à savoir le nombre de signatures de parrainages recueillis par chaque candidat à la présidence. Résultats qui ont eu « le tort » de placer dans une position inconfortable certains candidats loin derrière un concurrent qui a, décidément, eu le chic de venir tout chambouler, et tout remettre en question avec son retour, fort remarqué, au pays. Cette chaine de Radio a, donc, enchaîné immédiatement après l'annonce de ce « classement », sur un plateau dont le sujet était, tout à fait par hasard, les fameuses signatures de parrainage des candidats à la présidentielle. Et bien qu'il ait été question de débattre des signatures monnayées par certains députés de l'ANC, et d'avoir comme invité, sur le plateau, le personnage qui avait osé dénoncer cette pratique scandaleuse, le programme n'en a pas moins commencé par d'interminables discours autour des signatures des électeurs (et non des députés), comme quoi ces signatures et quel qu'en soit le nombre ne pouvaient rien signifier, du moment que l'ISIE s'était avouée incapable d'en vérifier l'authenticité, et que n'importe quel candidat aurait pu se payer les « services » de certains électeurs moyennant certaines sommes d'argent. La polémique aurait pu s'arrêter à ce stade, laissant aux animateurs et autres chroniqueurs, un semblant de soupçon de bénéfice de doute quant à leurs objectifs, leur cible et, éventuellement, leurs donneurs d'ordres. Mais non ! Il fallait à certains de ces chroniqueurs faire preuve d'excès de zèle en poussant le bouchon un peu plus loin (un petit peu trop loin), en ajoutant une précision qu'il jugeait de taille, à savoir que les « tarifs » des signatures de parrainages variaient selon les régions. C'est ainsi qu'il disserta qu'alors qu'à Tunis, une signature se monnayait aux environs de cinquante dinars, ce tarif était beaucoup moins onéreux dans certaines régions « marginalisées et affamées » par l'ancien régime, au point qu'à Kasserine, a-t-il choisi pour exemple, la signature se monnayait à dix dinars. Or, ce que ce monsieur semble ignorer, c'est qu'il a, grâce à cet ajout, permis d'identifier le candidat objet de leur ire, qui est issu de Kasserine et qui s'est retrouvé, justement, à la tête du classement en question avec 60 000 parrainages de citoyens. Il semble de même ignorer qu'il a, par voie de conséquence, permis de donner une idée sur son donneur d'ordre, celui qui est le plus directement « gêné » par ce classement. Mais il semble, surtout, ignorer qu'il risque de se mettre sur le dos une bonne partie des tunisiens, de Kasserine, mais aussi des régions intérieurs du pays, qui avaient donné leurs signatures à ce candidat et qui s'identifient à lui, et placent par leur geste leur confiance en lui. Et ce que l'on sait des tunisiens de ces régions, c'est qu'on ne badine pas avec l'honneur des cavaliers des steppes, et on déteste, plus que tout qu'on soit traité de « vendus ». Espérons qu'après ces dérapages « contrôlés », et la mascarade de la foule des candidatures « insensées », la campagne électorale gagne en lucidité et en niveau, et nous épargne ce genre de comportement qui ne peut que bafouer l'image déjà par trop entachée de notre chère Tunisie !