La dernière mesure décrétée par le Gouvernement Jomâa, d'une manière verticale et unilatérale, drastique et insolite (retenue sur les salaires et les pensions) suscite la colère et le dépit des commis de l'Etat. Saignés à blanc par les impôts et les cotisations sociales, retenus directement à la source, acculés à faire moult acrobaties pour tenter de s'en sortir, avec un pouvoir d'achat réduit à une peau de chagrin et un coût de la vie en perpétuelle flambée, le fonctionnaire tunisien, parent pauvre de la politique gouvernementale, est depuis quelque temps, notamment sous le Gouvernement Jomâa, le premier ciblé quand il s'agit de renflouer les caisses de l'Etat ou de faire face à des contraintes budgétaires. Dindon de la farce, la fonction publique continue d'être pillée et violée. Les fonctionnaires tunisiens font l'objet soit de diabolisation à outrance (bons d'essence et voitures de service ou de fonction) soit d'extorsion sur décision arbitraire et abusive. Une forme de racket légal en quelque sorte où les commis de l'Etat sont systématiquement exploités à volonté, sans vergogne, et sacrifiés sur l'autel d'un modèle de gouvernance à la fois douteux et fourbe. On dirait que la fonction publique tunisienne est responsable, de façon pleine et entière, de la crise économique et sociale et qu'à ce titre elle est tenue d'en payer les frais et les pots cassés. Il est indécent et non moins frustrant que les acquis sociaux des fonctionnaires tunisiens soient remis en cause ou sur la corde raide. Sur le dos et contre la volonté des fonctionnaires tunisiens, le Gouvernement Jomâa compte écrémer, durant les mois d'Octobre, Novembre et Décembre 2014, un montant s'élevant à 320 Millions de Dinars, enveloppe destinée exclusivement à la consommation et nullement à l'investissement. Après la contribution volontaire par ponction de quelques jours de travail et la participation à l'emprunt national, voilà que le Gouvernement Jomâa sort de son chapeau un nouveau mode de rançonner et de démunir les fonctionnaires tunisiens. Quand le gouvernement patauge, manque d'alternatives et de ressources, il se tourne automatiquement vers les fonctionnaires tunisiens et frappe fort dans leur bourse. C'est toujours cette frange de la force de travail qui trinque, qui est spoliée, qui est mise devant le fait accompli et qui est traitée comme la planche nationale de salut par excellence. La levée coercitive et sectaire de ces 320 Millions de Dinars est-elle compatible avec la Constitution ? La question mérite d'être posée. N'est-elle pas en infraction avec le principe de pérennité des acquis sociaux ? Et pourquoi le secteur privé n'est-il pas soumis à ce hold-up gouvernemental ? A cette occurrence, et par souci d'équité et d'égalité, le Chef du Gouvernement est tenu, juridiquement et moralement, à appliquer ces mesures d'une manière horizontale, sans en excepter aucun secteur, dès lors que c'est de l'intérêt national et de la caisse de l'Etat qu'il s'agit. Malheureusement, le Gouvernement Jomâa s'entête, vaille que vaille, à imposer son diktat et sa vision discriminatoire et inique, au grand dam des fonctionnaires tunisiens, catégorie socioprofessionnelle, autant ulcérée qu'elle puisse être, devenue la vache à lait du gouvernement qu'il trait à tout bout de champ et au moindre besoin budgétaire.