On parle de victoire sur le terrorisme après les attaques de Ben Guerdène et la réaction menée de main de maitre par les forces sécuritaires et militaires. Nul doute, celles-ci ont bien réagi, maitrisé et décimé la horde sauvage, mais il faut relativiser le bilan et la présumée réussite. Tout compte fait, et quand bien même les 36 terroristes abattus, la Tunisie a laissé quand même 18 martyrs sur le tapis. Alors de quelle victoire parle-t-on ? A moins que la mort d'un terroriste, rattrapé par sa haine et sa barbarie, ne soit plus importante que le décès, au champ d'honneur, d'un brave soldat, d'un vaillant policier ou d'un civil terrassé par une balle perdu ou ciblée. Ce qui est en soi une odieuse aberration. Victoire à la Pyrrhus peut-être ! Il ne s'agit nullement d'incriminer quiconque, encore moins le gouvernement ou l'armée ou la police ou la gendarmerie, mais de resituer les choses dans leurs contingences et leurs proportions. Un seul soldat mort est un mort de trop, un seul policier mort est un deuil national, un seul civil mort est une atteinte à la sécurité nationale. Un seul mort pour la patrie est une perte incommensurable. Que dire alors de 18 victimes, fauchées en un jour ? Et même si les terroristes en accusent le double dans leurs rangs, parler de victoire n'a aucun sens et dénote d'une volonté d'abstraction irrecevable. Un autre point où l'amalgame frise l'indécence sinon l'insulte. On mélange les genres sans en saisir l'insigne maladresse ni en comprendre la sombre portée. Dans certains organes de presse, on parle de plus de 50 morts, comme si la mort d'un terroriste, lâche et traitre, équivaut au décès l'arme à la main d'un soldat ou un policier sacrifiant sa vie au nom de la patrie. Bien sûr, tout mort d'homme est triste, mais là n'est pas la question. Traiter sur le même pied d'égalité un ténébreux criminel et un homme d'honneur est scandaleux, voire même irresponsable. Il n'y a pas de compassion avec les terroristes, on ne leur déclare pas la guerre pour s'apitoyer ensuite sur leur sort. En outre, d'aucuns s'interrogent pourquoi les terroristes ont-ils décidé de commettre une opération kamikaze, vouée à l'échec, compte tenu des rapports de force en présence et des déséquilibres ?! Il n'est pas exclu que les attaques à Ben Guerdène ne soit qu'un ballon d'essai pour tester la réactivité, la force de déploiement et la tactique de combat des forces militaires et sécuritaires tunisiennes. Une diversion pour préparer un coup plus meurtrier. A la lumière des enseignements tirés, une opération de plus grande envergure serait menée. Le scénario, aussi funeste qu'il soit, n'est pas à écarter. Et pourquoi Ben Guerdène exactement ? Tout simplement parce que le contexte local offre des atouts, d'ordre géographique et sociologique, sans commune mesure nulle part ailleurs. La première urgence est de contrôler strictement toute la zone frontalière avec la Libye, et non seulement les passages réglementaires. Le chaos sévissant dans ce pays frère est notre pire ennemi. Les infiltrations de terroristes et d'armes ainsi que les réseaux de contrebande ancrés dans la région pèsent un danger permanent en alimentant les cellules dormantes en hommes, armes, moyens logistiques, plans d'attaque et ressources financières. Il faut couper les courroies de transmission et faire sauter les ponts d'approvisionnement.