Un voile d'opacité et de mystère irradiait la période ayant succédé le putsch de l'ancien président de la République, Zine El Abidine Ben Ali. De la destitution du leader Habib Bourguiba à la réconciliation furtive avec les islamistes, l'ancien ministre de la Jeunesse et des sports, Hammouda Ben Slama s'est épanché, dans un long entretien accordé au journal arabophone « Akher Khabar » sur le pacte conclu entre le président déchu et le président actuel du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi et la chute brutale qui s'en est suivie. Deux décennies sont passés. Ennahdha est passé de la clandestinité à la légitimité réécrivant plusieurs fois son histoire et conduisant plusieurs mutations. Pourtant, un pan de l'histoire reste enseveli sous les décombres des secrets d'histoire en l'occurrence le pan inhérent à la brève réconciliation nouée avec Ben Ali. Hammouda Ben Slama a, dans son entretien avec « Akher Khabar » levé une partie du voile en attendant de livrer entièrement son récit de ce cours de l'histoire dans un livre qui paraitra prochainement. Le pacte Ben Ali/islamistes L'ancien ministre a affirmé avoir œuvré pour une réconciliation avec les islamistes rappelant s'être opposé à la condamnation à mort prononcée contre Rached Ghannouchi. Ben Slama estime que l'ancien président a voulu se poser comme l'ultime rempart pour les islamistes en accentuant les tensions pesant alors à leur encontre. Il souligne que l'ancien président a présenté des gages aux islamistes en s'engageant à élargir les assises de l'islam au sein des bases sociétales (enseignement et médias) et en levant leurs peines. Un pacte conclu en échange d'un accord de non-nuisance. Plus tard, des réunions secrètes sont organisés sous les bonnes auspices du même Hammouda Ben Slama, dont le penchant pour Rached Ghannouchi est connu. Ces réunions avaient lieu sans l'assentiment de plusieurs ministres, perplexes sur le rapprochement entre Ben Ali et les islamistes. Le ministre de l'Intérieur lui-même ignoraient ces rencontres qui se passaient avec l'aval de Ben Ali et comptaient comme participants Rached Ghannouchi, Abdelfattah Mourou, Hamadi Jebali du côté des islamistes et Abderahim Zaouari et Moncef Rouissi du côté des « laïcs » du pouvoir. « Seul Kamel Ltaeïf soutenait ces initiatives », a précisé Ben Slama soulignant que ces réunions duraient de longues heures. Les clauses du pacte incluait la participation des islamistes aux élections législatives de 1989. cette participation devait servir d'alibi à la vitrine démocratique que le régime devait alors fournir au reste du monde. Les islamistes feraient des résultats respectables aux élections et obtiendraient 4 à 5 sièges à la chambre des députés. Du gagnant-gagnant, dira-on sauf que Ben Ali avait minimisé l'influence d'un mouvement savamment structuré et s'abritant constamment derrière l'ultime argument d'autorité: la religion. La lente descente aux enfers: Prenant conscience de la bombe à retardement qu'il avait lui-même mis en avant, Ben Ali se rétracte. Pour réduire l'ampleur de la catastrophe, Ben Ali falsifie les résultats de l'élection et finit par s'attirer le courroux des islamistes. Les velléités des islamistes et leurs ambitions déçues ont viré vers le ressentiment et la rancœur. Les attentats de Bab Souika ont lieu. La rupture est consommé. La répression s'intensifie avec l'arrivée d'Abdellah Kallal et Hamed Karoui, hostiles aux islamistes. Dans les deux rangs, ils y avaient ceux qui gardaient encore l'infime espoir d'un apaisement. C'est peine perdue. La machine de la répression tournait déjà à plein tube et rien ne pouvait arrêter la mise en abîme d'un régime qui a fait de la répression un instrument de peur. On musèlera la presse et usera de la répression pour mater les foules. Deux décennies plus tard, Ben Ali est aux abois et les islamistes exultent. En février 1991, Hammouda Ben Slama est remercié. Ses penchants pour les islamistes jouent en sa défaveur. Il se retirera plus tard de la vie politique. Ben Hammouda souligne que la fuite des islamistes a été opérée avec la complicité de sécuritaires et était, par conséquent, connue.