Le 12 mai 1964 fut la date choisie par le Président Bourguiba pour annoncer la nationalisation des terres agricoles détenues par les colons étrangers. A cette occasion, le décret fut signé sur la même petite table ronde ayant servi à la signature des accords du protectorat le 12 mai 1881. Cette table historique est visible, de nos jours, au musée de Ksar Saïd. Ce protectorat devait durer 82 ans, jusqu'au 15 octobre 1963 avec le départ du dernier soldat français du territoire tunisien de Bizerte. En effet, ce fut 82 ans de servitude, de soumission, durant lesquels le peuple tunisien subit stoïquement le joug d'une occupation étrangère qui a maintenu le pays dans une léthargie étouffante, dégradante, humiliante... Colonisé à outrance, le pays fut saigné à blanc, sans aucune retenue, par la faute et l'inconscience des Beys qui contribuèrent, eux-mêmes, à la décadence et à l'asservissement du pays. L'exception fut l'installation sur le trône de Tunis, le 19 juin 1942, de Moncef Bey. Foncièrement patriote, il exigea des réformes, qu'il n'a pas obtenues, en faveur du rétablissement de la souveraineté tunisienne. Dès la libération de Tunis par les armées alliées, le 7 mai 1943, des ordres émanant du général Giraud intimaient au général Alphonse Juin de destituer ce Bey qui osait remettre en question les traités du protectorat. Curieusement, c'est le 12 mai 1943 que fut arrêtée la décision définitive d'informer officiellement le Bey Moncef qu'il devait impérativement céder le trône à son cousin Lamine Bey, soit 62 ans, jour pour jour, après la signature du traité du Bardo le 12 mai 1881. Le 14 mai, Moncef Bey fut exilé vers la ville de Laghouat, dans le Sud algérien. Transféré à Ténès dans l'Oranais, ensuite à Pau dans le midi de la France, où il décéda le 1er septembre 1948. Ouvrons une parenthèse pour signaler que de 1945 à 1948, la ville de Pau fut un lieu de pèlerinage obligé pour tous les nationalistes tunisiens. Ceux qui ne pouvaient pas se déplacer envoyaient des lettres de soutien auxquelles le Bey répondait par l'envoi de sa photo dédicacée. Ce n'est que le 20 mars 1956 qu'un protocole d'accord fut signé par Tahar Ben Ammar et Christian Pineau reconnaissant que la convention du 12 mai 1881, instituant le protectorat français, ne pouvait plus régir les rapports entre les deux pays. Les Tunisiens, conscients de cette liberté retrouvée et si chèrement acquise, se mirent avec enthousiasme au travail pour construire une Tunisie digne de nos aspirations et du sacrifice de nos martyrs. Puis vinrent la désillusion, l'angoisse, l'inquiétude, les manipulations sordides au service d'intérêts inavoués, profitant avidement et sans vergogne d'un Bourguiba vieillissant, malade et diminué, la peur des jours sombres … Oui, la peur d'un autre 12 mai, un 12 mai d'un autre genre, qui entraînerait le pays dans un cycle de frayeur qui le déstabiliserait en le rendant vulnérable, à la portée de toutes les convoitises. Avec la révolution du 14 janvier 2011, par le peuple et pour le peuple, cette révolution doit veiller à sauvegarder cette liberté retrouvée en se préservant certes des dangers extérieurs… Mais surtout craindre le chaos intérieur. Dieu nous en préserve. Sans calculs partisans, nous devons œuvrer ensemble, main dans la main, pour une Tunisie prospère et invulnérable… Tel est notre but… Persévérance, vigilance et engagement total, afin que plus jamais, sous quelque forme que ce soit, notre Tunisie ne puisse connaître un autre 12 mai 1881.