Réagissant timidement à l'annonce du président de la République, Béji Caïd Essebsi, à l'occasion du 61ème anniversaire du code du statut personnel, d'une proposition de l'égalité entre l'homme et la femme en matière d'héritage, Ennadha a opté jusqu'ici pour la discrétion. La plupart des leaders du parti islamiste ont, en effet, adopté un profile bas, se gardant de donner une position tranchée à l'égard de la proposition du président de la République. Les principaux dirigeants du parti se sont contentés tout au plus de dire que la question ne constitue pas une priorité pour le pays à l'heure actuel étant donné les problèmes économiques auxquels fait face la pays. Même l'ancien secrétaire général du parti et ex-chef du gouvernement, Hamadi Jebali , n'a pas ouvertement exprimé d'opposition, lors de sa réaction au projet, se contentant de concentrer ses critiques sur la détérioration de la situation dans le pays. Mais pour les observateurs averti, cette position n'est qu'un subterfuge et une tactique pour faire le dos rond en attendant de trouver la parade pour lutter contre ce projet. Ayant tiré la leçon des élections de 2014 où ils ont été battus à plate couture, les islamistes d'Ennahdha ont décidé de mettre en berne leurs revendications religieuses allant même jusqu'à proclamer la séparation entre le politique et le religieux. Etant convaincu que les considération religieuses représentent le dernier souci des Tunisiens, Ennahdha a opéré dernièrement un revirement radical , éloignant les faucons du parti afin de donner l'image d'un parti ouvert , prônant un Etat civil et la tolérance. Cette situation a contraint le parti a ne plus promouvoir ouvertement les causes religieuses, allant jusqu'à se démarquer de la confrérie des Frère musulmans. Soupçonnant que la proposition de Béji Caïd Essebsi, d'égalité dans l'héritage, soit motivée par des considération politiciennes au services d'agendas électorales notamment à l'approche des municipales , Ennahdha a décidé de sortir son arme secrète, celles des mosquées. Ennhadha sait que sa base est farouchement opposée à la proposition de Béji Caid Essebsi. Des imams et autre religieux affiliés au parti , ont exprimé ouvertement leur opposition à l'idée de l'égalité en matière d"héritage. Pour ne pas perdre le soutien de sa base, Ennahdha a décidé d'agir en combattant ce projet indirectement et avec des moyens détournés et sans compromettre. Des prêches politisés On se rappelle qu'en 2012, Ennahdha doit sa victoire aux élections législative à l'utilisation massive des mosquées et imams pour faire passer son message politique et mobiliser les électeurs. Cette fois encore, le parti islamiste a décidé de recourir aux mosquées pour en faire une tribune politique. Les derniers prêches dans une grande majorité des mosquées dans la cité Ettadhamen, à titre d'exemple, réputée être contrôlées par des imams issus des rangs du Mouvement Ennahdha , ont vertement critiqué la proposition d'égalité entre homme et femme en matière d'héritage. Ils ont souligné l'existence de versets clairs et concis qui portent sur les procédés de répartition de l'héritage, affirmant que dans plusieurs cas , la femme est favorisée au détriment de l'homme. Le fait de rappeler le point de vue de la religion en matière d'héritage n'est pas en soi , condamnable mais revenir sur la question après toutes ces semaines alors que l'opinion publique a commencé à oublier le sujet, suscite des interrogations. Evoquer l'égalité dans l'héritage lors du prêche du jour de l'Aïd al-Adha, alors que les thèmes le plus appropriés sont incarnés par la symbolique du sacrifice du mouton par le père Abraham et le dernier prêche du Prophète (PSL) qui est demeuré un moment fondateur de l'Islam, est inapproprié. Il dénote d'une manœuvre politique pour distiller aux oreilles des fidèles en ce jour de ferveur religieuse que cette proposition d'égalité dans l'héritage va l'encontre des principes de l'Islam. Certainement des instruction ont été données par Ennadhha aux imams en question, une manière de désigner un bouc émissaire sans se compromettre. Encore une fois, les calculs d'Ennadhaa pour mobiliser un front religieux lors des prochaines élections risquent d'être inexactes et de lui réserver des surprises à l'instar de celle de 2014.