Création du Comité de suivi des politiques de criminalisation de la solidarité    Affaire de complot 2 : douze personnes devant la justice pour des crimes terroristes    LTDH : non à la torture, non à la répression des libertés !    Rached Ghannouchi et Rafik Abdessalem : Condamnation confirmée par la Cour d'appel    Le ministère italien de l'Environnement a autorisé le projet Elmed    ENNAKL Automobiles en avant dans le virage ESG de la Bourse de Tunis    Cette année, le prix du mouton de l'Aïd monte en flèche    Nabeul : Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue    Recensement : Plus de 3 millions de ménages concernés    Rassemblement demain à Tunis à l'occasion du 76e anniversaire de la Nakba    Taux de chômage et nombre de chômeurs en Tunisie ? Ce qu'il faut savoir    300 000 dinars pour l'approvisionnement alimentaire des élevages    Guerre en Ukraine: Situation actuelle (Ambassade d'Ukraine en Tunisie)    France : Qui est le député qui a osé refuser un voyage diplomatique en Israël?    Royaume-Uni/Etats-Unis: "La liberté de la presse dans le monde risque d'être durablement menacée" selon Amnesty International    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    CA : 5 billets par supporter pour le derby tunisien    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Daily brief régional du 17 mai 2024: Des peines de huit mois de prison pour 60 migrants irréguliers subsahariens    Daily brief national du 17 mai 2024: Kais Saïed discute du sujet du financement étranger des associations    La Tunisie au cœur des initiatives météorologiques africaines    Vient de paraître — Des sardines de Mahdia à la passion: des mathématiques La vie fascinante de Béchir Mahjoub    COINNOV : Ouverture de la deuxième session de candidature pour le Fonds dédié aux PME industrielles    Nabeul: Des élèves organisent "un marché de solidarité" au profit d'une association caritative [Vidéo]    Le CA affronte le CSKorba à Korba: Siffler la fin de la récréation    ST: Rêver plus grand    Ligue des champions — L'EST affronte Al Ahly en finale (Demain à Radès — 20h00) Mohamed Amine Ben Hmida : "Pour l'emporter, nous devons être concentrés et sobres !"    Exposition «punctum» de Faycel Mejri à la Galerie d'art Alexandre-Roubtzoff: L'art de capturer l'éphémère    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    Raoua Tlili brille aux championnats du monde paralympiques    Pourquoi: Diversifier les activités…    Pris sur le vif: La valse des étiquettes    Le Mondial féminin 2027 attribué au Brésil    Industrie du cinéma : une affaire de tous les professionnels    Mokhtar Latiri: L'ingénieur et le photographe    Météo de ce vendredi    La croissance n'est pas au rendez-vous    Le ministre de l'Agriculture supervise l'achèvement des travaux de surélévation du barrage Bouhertma    16 banques locales accordent à l'Etat un prêt syndiqué de 570 millions de dinars    Basket – Pro A : résultats complets de la J2 play-out (vidéo)    Palestine : la Tunisie s'oppose aux frontières de 1967 et à la solution à deux Etats    Bank ABC sponsor de la paire Padel Hommes    76e anniversaire de la Nakba : La Tunisie célèbre la résistance du peuple palestinien    En bref    Nakba 1948, Nakba 2024 : Amnesty International dénonce la répétition de l'histoire    Urgent : Une secousse sismique secoue le sud-ouest de la Tunisie    Le roi Charles III dévoile son premier portrait officiel    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les mosquées de la haine
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 03 - 2012


Par Hatem M'RAD*
Quand on parle de la nécessité de la neutralité des mosquées, personne n'ose prétendre le contraire, tant cela semble aller de soi pour un lieu censé être de prière, de quiétude et de paix de l'âme. Les mosquées ne doivent certainement pas être utilisées pour la diffusion de la propagande islamiste ou de la prédication salafiste contre leurs vocations naturelles, la piété et l'adoration de Dieu, et notamment contre les libertés individuelles. Elles ne doivent surtout pas se transfigurer en objet de haine. Autrement, on ne rentre plus à la mosquée pour entrer en communion avec Dieu ou pour s'enquérir de la paix intérieure, mais pour prendre des consignes de guerre.
On a en effet constaté qu'après la révolution, la cessation du contrôle de l'Etat sur les mosquées et sur les prédicateurs a été exploitée par les islamistes et les salafistes, qui ont aussitôt investi les lieux. De fait, actuellement, le ministère des Affaires religieuses recense 500 mosquées sous contrôle salafiste. La mosquée étant un lieu d'endoctrinement, de mobilisation spirituelle et électorale irremplaçable. Elle a servi en tout cas à attaquer de manière unilatérale les tendances supposées laïques, libres, modernistes des Tunisiens, sans que ces derniers puissent avoir un droit de réponse dans les mosquées mêmes. Il y a ici une rupture d'égalité entre les partis politiques si on utilise les mosquées pour la propagande politique à caractère islamo-salafiste. Les salafistes et les militants d'Ennahdha se plaignent de la chaîne de télévision publique Al Watania, en organisant des sit-in incessants devant le siège de la télévision nationale. Ils reprochent à Al Watania, service public, de ne diffuser ni d'informations objectives, ni neutres et de ne pas être représentative de tous les courants importants du pays. Mais, pour être encore plus objectif, on doit également souligner que le courant salafiste et islamiste détient 100% de la propagande dans les milliers de mosquées existantes dans le pays, outre le fait qu'ils ont une mainmise réelle sur 500 mosquées. Une propagande qui, elle, contrairement à la propagande légale encadrée et réglementée dans les médias (télévisions, radios, presse, campagnes électorales), n'est même pas contrôlée. Les courants et partis laïcs ne font pas, eux, de la propagande dans les mosquées. Ce qui est injuste. Depuis la révolution, les mosquées ne sont plus un lieu de prière, mais un lieu de propagande politique salafo-islamiste, une pratique encouragée par la passivité complaisante et calculée de la branche nahdhaouie du gouvernement.
Officiellement, les responsables d'Ennahdha considèrent que les mosquées doivent être neutres. Rached Ghanouchi a déclaré, quelques mois après la chute de la dictature, que les imams et les responsables des mosquées se sont organisés de manière indépendante dans ces lieux mêmes après la révolution, et il faudrait les laisser faire. Le ministère des Affaires religieuses, débordé par la vague islamiste, fait des déclarations creuses sur la politique du ministère à l'égard des mosquées et de la formation ou la sélection des imams. Il a publié un dernier communiqué le 6 mars pour rappeler, encore une fois, que la nomination des cadres religieux au niveau des mosquées est du ressort du ministère et «qu'aucune partie (en dehors du ministère) n'a le droit d'intervenir sur cette question pour congédier, nommer ou muter de quelque façon que ce soit et sous n'importe quelle condition» ces cadres. Les autorités ont averti plusieurs fois. Mais un Etat qui avertit plus d'une fois n'est plus crédible.
La propagande islamo-salafiste ne s'est pas, elle, interrompue dans les mosquées. Ni le gouvernement Caïd Essebsi, ni le gouvernement Jebali n'ont pu s'attaquer à ce terrain. Il y a d'autres priorités économiques et sociales que la conquête des âmes. Le laxisme gouvernemental est payant pour les islamistes. Un bras de fer est engagé dans les mosquées entre Ennahdha et les salafistes pour exercer une influence dans ce lieu divin ou pour se partager le gâteau divin. Et les islamistes ne semblent pas vouloir susciter, avant les législatives, un conflit déclaré avec les salafistes. Y a-t-il un accord tacite sur les mosquées avec les salafistes? C'est possible. En tout cas, beaucoup de Tunisiens fréquentant les mosquées commencent à contester les prêches du vendredi, très éloignées des traditions islamiques tunisiennes. Certains ont contredit publiquement les imams en plein prêche, d'autres ont quitté les lieux aussitôt. Les discours attentatoires à la liberté d'opinion et d'expression, à la tolérance n'ont pas cessé dans ces lieux depuis la révolution. Pire encore, les mosquées sont en train de devenir un lieu où on sème la haine. C'est ce type de discours qui a entraîné les salafistes à insulter les juifs tunisiens, à agresser les femmes dans la rue ou encore à substituer le drapeau «noir» du califat au drapeau national tunisien à la faculté des Lettres de La Manouba. Outre les autres abus, comme les débordements sur la voie publique pour la prière du vendredi, causant d'énormes problèmes de trafic dans les grandes villes, malgré les interdictions du gouvernement Essebsi, comme les drapeaux salafistes drapant les mosquées ou encore la vente exclusive des livres de propagande salafiste ou des objets fétichistes qui leur sont rattachés devant les mosquées. Comme si la vente des livres salafistes ne suffisait pas dans les librairies, les souks et les supermarchés. Et depuis la révolution, l'Etat est totalement absent face aux provocations des prêches dans les mosquées
La neutralité des mosquées relève des déclarations de principe du gouvernement de coalition. Le CPR et Ettakatol sont curieusement silencieux sur la mise en œuvre des principes relatifs à cette politique. Et ils ne sont pas les seuls. Cela ne semble pas intéresser outre-mesure l'opposition. C'est pourtant de là que se transmet «le plus naturellement du monde» la férocité doctrinale des salafistes. C'est de là que se recrutent de jour en jour le gros de leurs bataillons et qu'ils prennent leurs consignes de guerre. Lieux de recrutement, lieux de propagande, lieux de mobilisation politique, lieux de guerre, lieux de haine, les mosquées ne sont plus des mosquées en terre d'Islam. Edifice cultuel de l'Islam, la mosquée ressemble davantage à un siège de parti politique ou à un meeting politico-salafiste agressif. La croyance elle-même n'est plus croyance, elle est de plus en plus action et pouvoir. Au fond, la télévision, Al Watania ou les autres, les radios, les journaux, dont ils contestent le contenu, ils n'en ont cure. Ils ont assuré leurs arrières dans les mosquées au vu et au su de tous, avec la bénédiction implicite des autorités.
Le président de la République souhaite interdire et sanctionner le takfir, il devrait tenter de contrôler ou de réglementer fermement une de ses sources : les mosquées.
*(Professeur de sciences politiques)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.