Entre appui ferme, soutien conditionné, rejet modéré ou refus catégorique, tout autant des réactions mitigées des partis politiques, le dernier remaniement ministériel n'a donc laissé personne indifférent sur la scène politique nationale, sauf peut-être l'opinion publique nationale, écœurée de l'Elite politique et de ses frasques, pratiquement dissociée de sa mouvance et de son discours. Si dans les instances de direction des partis la fièvre monte d'un cran et la discussion bat son plein pour plancher et développer quelques positions, en réaction au dit remaniement; dans la rue, ce dernier passe presque inaperçu tant la confiance des tunisiens, du moins l'écrasante majorité, dans les hommes politiques est réduite à une peau de chagrin. Les gouvernements se succèdent sans que leur pouvoir d'achat et leur cadre de vie n'en soient pour autant positivement affectés, bien au contraire. Alors, ce gouvernement fraichement bombardé et le précédent passé dans la trappe de l'échec certainement le prochain, dont la venue est inéluctable compte tenu de la fréquence des changements, le tunisiens ne se sent pas concerné. La classe politique l'en est tellement dégoûté par sa course effrénée au pouvoir, sa guerre d'egos, sa quête meurtrière de leadership, sa propension à souffler sur le feu de la sédition, son nivellement par le bas, sa surenchère à tout-va, sa faculté à semer et à cultiver les graines de l'animosité et son incapacité à tenir un débat fructueux sur des programmes et des plans d'action et non s'égarer au sujet des broutilles sur fond politicien, partisan ou personnel. "Gouvernement de guerre"; a-t- il qualifié Youssef Chahed sa nouvelle équipe, comme si son précédent gouvernement était de paix ! Les fronts de guerre et les foyers de tension étaient multiples depuis Janvier 2011, tous les gouvernements étaient censés être des gouvernements de guerre. "Gouvernement de la dernière chance"; a-t- il ajouté ! Doit-on comprendre qu'en cas d'insuccès Youssef Chahed claquerait la porte et démissionnerait avec son gouvernement ?! A moins que la notion "dernière chance"; renvoie à l'idée que le nouveau gouvernement soit le seul capable de faire remonter la pente au pays et de mettre sur les rails le train socioéconomique et l'appareil productif. "Gouvernement de guerre"; associé à "Gouvernement de la dernière chance" laissent penser que c'est la dernière bataille que livrera Youssef Chahed avant de lâcher prise et de jeter l'éponge, en vue de traquer d'autres perspectives politiques, notamment un destin présidentiel. En termes d'arrangement, de taille et de portefeuille, la nouvelle coalition gouvernementale, composée de trois formations politiques, n'a pas accusé de changements structurels notables, sauf l'autonomisation des deux ministères de l'Industrie et du Commerce, réunis dans un seul département sous le gouvernement sortant. La taille n'a connu qu'une légère augmentation, due essentiellement à la séparation des deux ministères susmentionnés : 43 membres (28 ministres et 15 Secrétaires d'Etat) contre 41 membres (26 ministres et 15 Secrétaires d'Etat). Nida Tounes s'est taillé la part de lion avec 17 membres (12 ministres et 15 Secrétaires d'Etat), alors que le mouvement Ennahdha a glané 8 portefeuilles (4 ministres et 4 Secrétaires d'Etat). La troisième composante de la coalition, à savoir Afek Tounes, la récolte n'est pas mauvaise avec 4 membres (2 ministres et 2 Secrétaires d'Etat). Les partis Moubadara, Massar et Joumhouri ont placé chacun un seul ministre. Les autres ministres et Secrétaires d'Etat, 16 en tout, ont le statut d'indépendants ou de technocrates. Par ailleurs, il n'est pas interdit de parler de "Gouvernement macho". En effet, pour les femmes, leur nombre a enregistré une dégression, passant de huit (8) à six (6). En quelque sorte, bien que la taille ait augmenté, l'élément féminin a moins de présence. Quelle contradiction !! Un mauvais message quelque part. Egalité dans le discours mais discrimination dans la pratique. Sous le sceau de la boutade : Youssef Chahed a bien parlé de "Gouvernement de guerre", et dès lors que la guerre est toujours une affaire d'hommes, on lui trouve quelque raison pour évincer les femmes. Un vrai va-t- on guerre ce Youssef Chahed !! La proportion de trois femmes (3) sur vingt-huit (28) ministres, soit trois (3) de moins que le gouvernement précédent plombe non seulement les ailes de la démocratie mais aussi et surtout constitue un affront à l'esprit et à la lettre de la Constitution Tunisienne dont les dispositions pertinentes valorisent l'égalité et la parité. Aussi, c'est un choix à contre-pied du discours historique prononcé le 13 Août 2017 par le Président de la République Béji Caid Essebsi sur l'égalité dans l'héritage. Sur le principe, il n'est pas exclu de conclure que le Chef du Gouvernement ait fait un franc camouflet au Chef de l'Etat. Clairement, en Tunisie et dans les affaires politiques, la femme reste le parent pauvre. Elle est bien comme voix dans les urnes mais guère une voix dans une équipe gouvernementale. Au centre de la campagne électorale mais pas au centre du processus de décision. Toujours tenue à l'écart des instances du pouvoir et des hauts postes de responsabilité, la femmes tunisienne, largement appréciée en tant qu'électrice, continu de manger son pain noir et de ronger son frein. Il est quand même paradoxal que la Tunisie, qui est au premier rang dans le monde arabo musulman, en termes d'émancipation de la femme, continue à trainer ses boulets socio-culturels et n'arrive pas à franchir le pas. Une révolution culturelle en Tunisie ne serait pas de trop, ou plutôt nécessaire et non moins salutaire. En résumé, à ce stade, il est inutile de tirer des conclusions sur le remaniement ou d'en juger la compétence des gouvernants. Attendons voir le programme que livrera Youssef Chahed à la plénière extraordinaire de l'Assemblée des Représentants du Peuple, prévue lundi prochain, 11 septembre 2017.