Les géants chinois du e-commerce s'adaptent à la pression réglementaire américaine en renforçant leur présence publicitaire en Europe Shein et Temu, deux mastodontes chinois de la mode à bas prix en ligne, accélèrent leur stratégie de conquête des marchés européens. Face à une politique douanière américaine de plus en plus restrictive, notamment la fin annoncée de la fameuse dérogation dite de minimis, les deux plateformes multiplient leurs investissements publicitaires au Royaume-Uni et en France. Shein et Temu: une croissance soutenue Shein, spécialiste de la mode en ligne, a réalisé un chiffre d'affaires de 38 milliards de dollars en 2024, enregistrant une croissance de 19 % par rapport à l'année précédente. Toutefois, son bénéfice net a chuté de près de 40 %, atteignant 1 milliard de dollars, en raison de l'augmentation des coûts et de la concurrence accrue. Les Etats-Unis représentent environ un tiers du chiffre d'affaires de Shein, soit environ 12,7 milliards de dollars. En France, Shein a réalisé un chiffre d'affaires de 1,64 milliard d'euros en 2023, surpassant des enseignes établies comme H&M et Kiabi. Temu, la plateforme de vente à bas prix du groupe PDD Holdings, a connu une expansion rapide, avec un chiffre d'affaires estimé à 53,95 milliards de dollars en 2024, soit une progression de 59 % sur un an. Temu, arrivé sur le marché européen à l'été 2024, a rapidement augmenté sa présence, avec des dépenses publicitaires multipliées par 800 en un an. Selon une analyse de Morgan Stanley, le marché européen représenterait jusqu'à 37 % du chiffre d'affaires de Temu en 2024, soulignant l'importance stratégique de la région pour l'entreprise. Repli aux Etats-Unis, offensive en Europe Selon les données compilées en avril 2025, Shein a augmenté ses dépenses publicitaires de 35 % au Royaume-Uni et en France, tandis que Temu a gonflé ses budgets de 40 % en France et 20 % au Royaume-Uni. Ce repositionnement intervient alors que Washington remet en question l'exemption douanière de 800 dollars qui a longtemps permis à ces acteurs de livrer massivement sans frais aux Etats-Unis. En parallèle, les deux plateformes ont réduit leurs dépenses publicitaires américaines : -31 % pour Temu et -19 % pour Shein. Ce retrait est couplé à un ajustement tarifaire, nécessaire pour préserver leur base client américaine dans un environnement devenu moins favorable. Des ambitions internationales redéployées L'Europe n'est pas la seule à bénéficier de cette réorientation stratégique. Le Brésil devient également une cible prioritaire : Shein y a augmenté ses dépenses publicitaires de 140 % sur un an, et Temu y a multiplié les campagnes de visibilité en amont de son lancement officiel. Pour les experts du marketing digital, le marché américain est désormais saturé, rendant la conquête de nouveaux clients plus coûteuse. À l'inverse, des zones à fort potentiel comme l'Amérique latine ou l'Europe offrent une marge de croissance plus importante, malgré des défis réglementaires à venir. Résultats contrastés au Royaume-Uni Malgré cette forte exposition publicitaire, les résultats ne sont pas aussi fulgurants qu'espéré. Si les téléchargements d'applications sont en hausse, l'engagement utilisateur n'a progressé que modérément. Un signe que l'expérience client ou l'image de marque nécessitent encore des ajustements pour séduire durablement les consommateurs européens. Vers une fiscalité européenne plus stricte Dans l'Union européenne, la pression réglementaire se resserre également. La France pousse pour l'instauration de taxes spécifiques sur les colis à faible valeur, visant ainsi à rétablir une concurrence loyale avec les acteurs locaux. L'UE prévoit déjà de supprimer l'exonération de TVA pour les colis de moins de 150 euros d'ici 2028, mais Paris milite pour des mesures plus rapides. Une mutation stratégique accélérée Les offensives publicitaires de Shein et Temu témoignent d'un rééquilibrage stratégique à l'échelle mondiale. Si les vents tournent aux Etats-Unis, c'est désormais vers l'Europe et les marchés émergents que ces géants chinois tournent leur regard. Reste à savoir si leurs modèles économiques résisteront aux futures régulations européennes plus strictes et à une concurrence locale qui ne reste plus les bras croisés. Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!