TUNIS (TAP) - En sortant après environ deux heures d'affilée de rire et d'humour, une quadragénaire souffle "dommage pour ceux qui ne sont pas venus". En l'interrogeant, elle s'est contentée tout simplement de dire "c'était tellement sympathique, spontané, vrai et original, que j'ai retrouvé le goût du rire" avant d'ajouter "mais j'ai eu aussi des frissons quand Bendir Man a gentiment fait plaisir à une future maman en lui chantant "Redeyef". Une chanson qu'elle n'a jamais entendue mais que le jeune artiste prodige Beyram Ben Kilani l'avait pourtant chanté en 2008 pour porter un clin d'oeil sur les événements étouffés du bassin minier de Gafsa qui semblait être classés à jamais par l'ancien régime. D'ailleurs, samedi soir, au musée de Carthage, Bendir Man, sorti enfin des confins de la toile, n'a pas oublié à l'ouverture de son concert de rendre hommage à la manière des "chanteurs enchanteurs du passé" à l'artisan du changement", en lui dédiant sa célèbre chanson "99 pour cent démocratie". Accompagné d'une danse farouche de moustiques qui envahissent équitablement cet été 2011 tous les quartiers de la capitale, Bendir Man a fait son entrée de star sous les ovations d'un public cosmopolite de tout âge, de toutes catégories et de toutes nationalités. Personnage drôle et charismatique que certains ont découvert pour la première fois, Bendir Man a enchaîné avec une nouveauté "Elli Baadou" (Au suivant). Une chanson dans laquelle il dépeint avec beaucoup de satire, la scène politique et médiatique après la révolution. Sur un rythme fort, c'est une bulle d'oxygène qu'il a fait exploser, invitant petits et grands à ne pas sombrer dans le sommeil, gardant leur acuité visuelle et auditive parfaitement acérée. Cloué sur sa chaise, collé à sa guitare, décontracté dans sa tenue qui ne passe pas inaperçue, il a lancé un message: "que les droits élémentaires de l'homme ne soient pas bafoués et que la charité ne soit pas le mot d'ordre: le peuple est là". "Et Viva la révolutionne", rétorque son acolyte algérien Baaziz, de son vrai nom Bakhti Abdelaziz. Faisant son entrée sur scène, il a tenu à livrer en détails les secrets de son expulsion en 2008 par Ben Ali. Le motif "trouble à la sécurité de l'Etat" après une série de blagues sur les clans de Ben Ali et Trabelsi, lors d'un spectacle au théâtre municipal de Tunis. Sur ces notes réjouissantes, Baaziz, le "grand frère" de Bendir Man partage lui aussi avec ses mots provocateurs, les soucis de Bendir Land. Chacun d'eux a apporté aux "Nuits de Carthage 2011" un dispositif scénique intime et suffisamment merveilleux pour surprendre et pour faire savourer à l'assistance "Le goût de la liberté: la liberté de s'exprimer dans les règles de l'art. Du coup, les yeux restent grands ouverts et les oreilles n'en perdent pas une miette. Dans le halo de lumière tamisée, un autre personnage attire admirablement le regard, le saxophoniste français Didier, l'aîné, qui n'arrête pas de virevolter sur scène. Tous ensemble, avec la troupe au grand complet (Bass, batterie, violoncelle); ils ont tissé les fils d'une histoire, d'une aventure, d'un rêve et d'un espoir, le temps non pas d'un spectacle ordinaire mais d'une ballade musicale bien colorée, où les "BB" ont formé, le moment d'une soirée étincelante un véritable tandem de choc. Et si les deux font la paire, c'est parce qu'ils ont chanté des histoires abracadabrantes, autour d'une chronique centrale : les maux du système, les drames des harragas, et la peur des "nouveaux assaillants". Baaziz l'a crié fort "Non, la Tunisie vous ne l'aurez jamais". Bendir Man a transmis le message dans "Au suivant": la révolution ne doit pas se perdre entre les mains de ceux qui ont le vertige du pouvoir.