TUNIS, 19 jan 2010 (TAP) - Quand quelqu'un va à un concert et que le spectacle lui plait, il en parle tout de suite à ses proches et s'en désole pour ceux qui l'on raté, disait Lorca. Et si ce rossignol andalou, était encore en vie, il aurait sûrement ressenti cette même mélancolie. Mais il aurait, aussi, été heureux de voir, en cette soirée du 19 janvier 2010, sa poésie sortir du livre, pour être chantée aussi bien en espagnol qu'en arabe, par l'artiste tunisienne Sonia Mbarek. Cette première voix arabe qui a fait revivre, pendant une heure et demi, au théâtre municipal de Tunis, la vénération de ce poète et musicien pour l'Art, dans une parfaite harmonie entre poésie musicale et musique poétique, qui a fait, parmi les incalculables applaudissements, plus qu'un "Allah Allah" ou alors "Olé" à la manière des espagnols. Ce qu'appelait Fédérico Garcia, le "duende". Ce charme mystérieux et indicible, que Sonia Mbarek, la créatrice, a fait passer lors de cette soirée rehaussée de la présence du ministre de la culture et de la sauvegarde du patrimoine et de l'ambassadeur d'Espagne en Tunisie. Grenade, la passion, le sang flamenco et la poésie L'émotion est à son comble. Une communion se crée. Des scènes d'envoûtement naissent en écoutant "Jadaka al Gaithou" d'Ibn el Khatib ou encore le poème de Nizar Kabbani "Fi Medkhali el hamra" avant de continuer avec "les Trois rivières", un poème de Garcia d'après une composition de Sonia Mbarek. Le public est là, à l'admirer, chacun en dehors et en dedans de lui-même. Cela s'accentue avec "Mahla Layali Chbilya" (paroles Hédi Laabidi et musique de Said Chatta) ou encore "Hobbi Yetbeddel Yetjedd" qu'elle a interprété en alternance dans les deux langues. Hommage à Lorca et pour sa Grenade. Hommage aussi à Ali Douagi et Hédi Jouini dont la Tunisie a célébré en 2009 leurs centenaires. Car ce concert, comme le présente l'artiste, est "une lecture musicale tunisienne et arabe dédiée à Lorca et un spectacle pour l'échange, le rapprochement et le dialogue euro-méditerranéen en général". Pour ce poète qui a fait éclater dans ses écrits la tragédie et la peine et dans les coeurs, la douleur et la souffrance, Sonia Mbarek a interprété le chant funèbre traduit en arabe (musique Taher Guizani), explorant les tréfonds de son âme et de sa sensibilité pour Grenade. Grenade, sa passion, le sang flamenco et la poésie. Sans interruption, Sonia, accompagnée de son takht (Quanun, piano, violon, guitare basse, percussion et guitare sèche) a chanté aussi un poème de Abdelaziz Kacem (musique Rachid Yeddes) pour "cette légende qui a pleuré et fait pleurer", en tentant de retrouver dans la Gazela et la quacida de Lorca, le mawal dans sa dimension tragique et moderne, expression de douleur ou aussi de tendresse. Et en faisant rencontrer Lorca et Tarek Ibn Ziad, Sonia Mbarek, très ancrée dans l'imaginaire arabe, et à travers, sa voix captivante et retenue, a emporté le public, ce soir dans le chant profond de Lorca. Ce "cante jondo" qu'il considérait plus profond que tous les puits et toutes les mers qui entourent le monde, beaucoup plus profond que le coeur qui le crée et que la voix qui le chante parce qu'il est tout simplement infini.