DOHA (Par l'envoyée spéciale de TAP Néjiba Ben Dhaou) - "Le statut des femmes s'est amélioré au lendemain des révolutions arabes" estiment les participants aux débats de Doha (The Doha Debates), en votant 74% pour et 26% contre. Les participants ont ainsi rejeté la motion de ce forum selon laquelle "la situation des femmes se serait détériorée après les révolutions arabes". Tenu le 27 février à l'auditorium de l'Université Georgetown/Fondation du Qatar, le débat a porté sur les nouvelles restrictions qui seraient imposées aux femmes arabes avec l'arrivée au pouvoir de l'Islam politique, la multiplication des incidents à caractère islamiste et l'augmentation des craintes et des menaces. "Les droits des femmes arabes, notamment leur liberté d'expression et de décision, sont en jeu", avertit la motion. "Les droits et les libertés acquis par la Femme semblent aujourd'hui remis en cause", affirme-t-elle, prévenant que "la femme arabe doit aujourd'hui reprendre la lutte". Khadija Arfaoui (Tunisie), universitaire et chercheure spécialiste dans les questions de la femme et Iman Bibars (Egypte), co-fondatrice et présidente de l'Association pour le développement et le promotion de la condition de la femme, ont plaidé en faveur de la motion. Les deux oratrices ont souligné que les femmes arabes ont subi des pressions, au lendemain des révolutions, et souffert de nombreuses intimidations visant à les réduire au silence et à les obliger à abandonner leurs droits. "Le Mouvement Ennahdha a promis aux tunisiennes de ne pas toucher au Code du Statut Personnel" et qu'au contraire "les droits des femmes seront renforcés", a rappelé Mme Arfaoui, s'interrogeant "si c'est promesses seront tenues?" Les débats sur le port du voile à la télévision, le mariage "coutumier" (illégal en Tunisie depuis 1957) et la crise du "Niqab" dans l'université tunisienne "ont sonné l'alarme du retour de l'orthodoxie islamiste", a averti Mme Arfaoui. Elle a, dans le même sens, relevé que sur les 49 femmes élues à l'Assemblée Constituante, 42 représentent le mouvement islamiste, ce qui, d'après elle, "laisse un espace étriqué pour les militants des droits de la femme au sein de cette assemblée représentative". Dirigeant les débats, Tim Sebastian, ancien journaliste, fondateur et président des « Doha Debates » a répliqué que les chiffres cités par Mme Arfaoui sont 23% supérieur au taux de représentativité des femmes au Congrès américain. "Les femmes tunisiennes doivent être fières de la récente loi sur la parité dans leur pays", a-t-il dit. Mme Bibars a, pour sa part, rappelé qu'avec la montée en puissance des Frères musulmans en Egypte, les Egyptiennes ont perdu 50 sièges au parlement. Les phénomènes de discrimination et de harcèlement dont souffrent les femmes en Egypte ne sont pas nouveaux, a-t-elle affirmé, "Ils ont toujours existé dans la société égyptienne. Ils sont culturels et n'ont rien à voir avec la politique", a-t-elle précisé. Rabab Al-Mahdi, militante égyptienne et professeure à l'Université américaine du Caire, et Amel Jerary, politologue et universitaire libyenne, ont voté contre la motion. Les femmes sont aujourd'hui, et plus que jamais, mobilisées pour revendiquer des droits dont elles ont été privées par le passé, ont-elles considéré. La femme a été un acteur à part entière dans les révolutions arabes qui ont donné le pouvoir aux islamistes. Elles sont aujourd'hui capables de défendre leurs droits et leurs intérêts" a estimé Mme Al-Mahdi. Amal Jerary, admet, pour sa part, que l'amélioration de la situation de la femme arabe nécessitera du temps. "C'est un travail de longue haleine, et la révolution demeure une chance exceptionnelle pour les hommes comme pour les femmes" explique-t-elle. Les "Doha Debates" constituent, depuis 8 ans, un forum de discussion qui offre à la jeunesse arabe l'opportunité de débattre librement de questions sensibles. Les Débats sont diffusés par la BBC World News, depuis janvier 2005, touchant un public de près de 400 millions de téléspectateurs.