TUNIS, 22 avr 2011 (TAP) - L'espace El Teatro à Tunis a abrité, vendredi après-midi, une rencontre sur la Révolution tunisienne et la nécessité d'opérer une rupture avec l'ancien régime, rencontre animée par le poète Mohamed Sghaier Ouled Ahmed qui a réuni le poète et philosophe syrien Adonis et le sociologue tunisien Tahar Labib. La rencontre a permis d'évoquer des questions fondamentales qui n'ont cessé d'accompagner l'intellectuel tunisien et arabe en général concernant la Révolution tunisienne, ses tenants et ses aboutissants. Tahar Labib a relevé l'aspect surprise qui a marqué cette Révolution en tant qu'évènement historique, mettant l'accent sur l'absence de l'encadrement politique sur le terrain. Cependant, dit-il, la surprise doit s'estomper si l'on prend en considération l'ensemble des luttes intellectuelles et sociales qui ont jalonné les années passées. Tahar Labib a fait remarquer que le paradoxe de cette Révolution réside dans le fait qu'elle est venue dans une période de régression de la pensée révolutionnaire et des références qui en découlent dans la région arabe, mais cela, a-t-il concédé, ne doit pas porter ombrage à l'élan spontané exprimé par la jeunesse et l'ensemble du peuple, car la Révolution ne se limite pas à un moment donné, mais constitue un processus de longue haleine, citant à ce propos les différentes étapes qui ont marqué la Révolution française de 1789. L'orateur a, d'autre part, salué la Révolution tunisienne en tant que première révolution arabe et mondiale du début du 21ème siècle, recommandant toutefois, d'être vigilant et de veiller à faire face aux ennemis potentiels. Il a indiqué que ''l'optimisme de la volonté doit être accompagné par le pessimisme de la raison''. Il a ajouté dans ce contexte que l'Histoire nous apprend que la Révolution détruit parfois ses enfants et qu'elle peut oublier ses objectifs, appelant à opérer une rupture totale avec l'ancien régime, de manière à changer les pratiques et stratégies politiques, sociales, économiques et culturelles, et de ne pas se contenter d'introduire des réformes ici et là. Adonis était complètement d'accord avec Tahar Labib sur ce point. Il a insisté dans son intervention sur la nécessité d'une rupture capable de garantir le progrès dans tous les domaines, précisant que la Révolution ne consiste pas à détruire, mais à construire. Il a ajouté que la Révolution doit englober tous les domaines de la vie politique, économique et culturelle, mais il a exprimé son pessimisme quant à la capacité des sociétés arabes, souvent soumises aux pressions des idées traditionnelles et obscurantistes, à assurer la rupture souhaitée, c'est à dire l'adhésion à l'aventure de l'édification, de la modernité et de l'innovation. Il a souligné, par ailleurs, que l'instauration de la démocratie qui est, en principe, l'objectif majeur de la Révolution, nécessite le respect de l'autre et des opinions contradictoires, outre le rejet de ceux qui croient posséder la vérité absolue ou qui veulent utiliser ''le sacré'' dans les rapports sociaux et le jeu politique.