De Huawei à BYD : La tournée de Kais Saied en Chine pour un avenir innovant    Météo : Un peu plus de douceur et de la pluie par endroits    Fark: Tahar Elleuch    Tunisie-Chine : de nouveaux chemins croisés aux objectifs communs    La stabilisation du Yen Japonais est essentielle pour les marchés financiers mondiaux    Top 10 mondial et arabe des pays producteurs et exportateurs de Lait    Activités du Chef du gouvernement du 27 au 31 mai 2024 | Retour des TRE : un projet de décret pour des avantages fiscaux    Débats autour de la question de l'eau: Pour un usage rationnel des ressources hydriques    Mes Humeurs: Tourisme : de l'attention avant toute chose    Dr Ali Bousrih: Un illustre vétérinaire    Tunisie-Chine: Déclaration commune sur un «partenariat stratégique»    Pourquoi: Des prix qui font tanguer…    «Je me suis bâti sur une colonne absente» de Meriam Bouderbela, Asma Ben Aissa, Ali Tnani et Haythem Zakaria à la galerie le Violon bleu: Filer les temps    Ons Jabeur affrontera Clara Tausen    Relations sino-arabes...Cap sur une coopération solide    Solidarité mondiale : les capitales se lèvent pour dénoncer les crimes sionistes    Tunisie – Les avocats refusent l'intégration des magistrats limogés dans leur ordre    Tunisie – METEO : Pluies orageuses éparses sur le nord et le centre    Gestion des dons : le Croissant-Rouge tunisien répond aux accusations    Hamza Belloumi s'explique sur le reportage censuré des quatre vérités    USA : Patatras pour Biden, la condamnation de Trump l'a dopé, les dons de campagne explosent    Drame à Bizerte : un étudiant arrêté pour le meurtre de son père et l'agression de son frère    BCT : le TMM se stabilise à 7,97%    Découvrez les trésors cachés des Peintres Italiens en Tunisie à la TGM Gallery    Sousse : à peine 32 000 moutons alors qu'il en faut 90 000, quant aux prix…    Gabès : Des projets qui amélioreront la qualité de vie et ils avancent bien    La France barre la route d'Israël : il ne vendra pas ses armes dans le plus grand salon européen    Bizerte : mandat de dépôt contre le jeune qui a tué son père    Un expert explique les séismes en Tunisie : Rassurant et terrifiant à la fois    Hydrogène vert : Un accord avec un géant saoudien, après le méga marché avec le français Total    CAB : Renouer avec le succès !    Roland-Garros | Ons Jabeur passe aux huitièmes : Le cœur et le savoir...    UST : Aucun risque pris    Lancement de l'«Encyclopédie numérique des Couleurs» : Cartographie des infinités chromatiques, une initiative tunisienne !    L'auteure française Catherine Cusset à La Presse : «C'est difficile aujourd'hui d'être femme sans être féministe»    Cessez-le-feu à Gaza : Le Hamas réagit positivement à la proposition de Biden    L'équipe nationale : Première séance d'entraînement au stade Chedly Zouiten    Olfa Abdelkefi Chakroun: L'architecture et l'empathie    La société Eagle Pictures de Tarak Ben Ammar distribuera le film Megalopolis de Coppola    Andriy Lunin écarté du groupe de Real Madrid avant la finale    Roland Garros : Ons Jabeur affronte Leylah Fernandez pour une place en huitièmes de finale    Sfax : Démantèlement d'un réseau criminel actif dans l'immigration illégale    Vague de chaleur mortelle en Inde    Urgent : Secousse tellurique à Bizerte    Météo : Légère hausse des températures    Tunisie: Ce dimanche, accès gratuit aux musées    Pour des raisons de santé, Wael Dahdouh met fin à sa visite en Tunisie    Le Festival du Cirque en Tunisie revient dans une 7e édition du 1er juin au 5 juillet 2024    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Qu'est-ce qu'un art révolutionnaire Monsieur le ministre ? (suite)
Publié dans Tekiano le 23 - 06 - 2012

«L'art doit être beau mais pas révolutionnaire », cette phrase lancée par le ministre de la Culture pour justifier la fermeture du palais Abdellia pose question. Quel art possible en Tunisie après la révolution quand il ne doit pas «être révolutionnaire» ?
En tant que spectateur nous sommes nous-mêmes tellement obsédés par des stéréotypes créés par ce débat qui tient la Tunisie depuis des mois que notre cadre référentiel change. Par exemple, en arrivant devant une photographie montrant une femme voilée de noir tenant un bébé dans ses bras, on prend facilement le raccourci «La photographe a voulu donner une dimension humaine à cette femme qui est souvent stigmatisée ; elle en a fait une Madone, avec un côté maternel qui adoucit le noir de son voile.» Or il n'en est rien.
L'artiste n'a pas pris en photo une femme voilée. L'histoire de cette femme est «révolutionnaire» dans la mesure où le 13 janvier 2011, six mois avant la photo, cette même femme, enceinte de cinq mois s'était prise une balle perdue dans l'épaule. La photographe était allée à l'époque dans l'appartement où elle avait trouvée les traces de sang et de balles. Elle est revenue six mois plus tard pour rencontrer cette jeune femme et l'a photographiée, épanouie, ayant donné naissance à son bébé. L'impact de la balle à la fenêtre sera le détail qui montre l'histoire derrière l'image. Une histoire universelle, celle des violences lors des manifestations et une histoire parmi d'autres de la révolution tunisienne. Cette femme est une tunisienne comme une autre qui a vécu aussi les violences du 14 janvier et non pas juste une «femme voilée».
Voilà ce qu'est un art qui «révolutionne» au vrai sens du terme, comme le confirme la photographe Sophia Baraket : «L'art révolutionnaire serait celui qui fait changer les différents points de vue, celui qui permet à une société de casser avec ces différents réflexes artistiques et sociétales, celui qui permet à celui qui le voit de voir le monde sous des angles différents. Celui qui te change toi-même en profondeur. A la fin de la lecture d'un livre, ou la vision d'un film, ou encore d'une oeuvre picturale; Tu te retournes et tu te dis ah, ça sera plus jamais comme avant. Une vraie révolution.» Sans s'en rendre compte la photographe est passée du mot «révolutionnaire» au mot «révolution» car impulser le changement a bien plus d'impact que l'exposer ou le montrer.
Ainsi Monsieur le Ministre, sans le savoir vous avez pointé un fait important dans votre argument. La sociologue Jocelyn Dakhlia avait insisté lors d'une visite en Tunisie au festival de Regueb sur la différence entre un «art qui fait sa révolution» et un «art révolutionnaire» qui resterait trop dans la réactivité face à l'actualité et ne serait pas prendre de la distance. «Les artistes doivent avoir une capacité à être dans la nuance, l'apaisement. Plutôt qu'entrer dans le rapport de force, les artistes doivent établir un équilibre. Il doit faire ressentir la complexité plutôt que de prendre parti car les Tunisiens ont besoin d'avoir plusieurs regards, de voir la différence».
Ainsi peut-être le seul défaut de certains artistes est d'être encore trop dans un art émotionnel qui confronte au lieu de suggérer. Mais ce défaut ne doit en aucun cas être puni par la censure ou la fermeture du lieu-dit dans lequel les artistes peuvent s'exprimer. Il doit pousser à prendre de la distance. Quant au religieux, l'utiliser dans l'art ne revient pas forcément à «être subversif» ou «porter atteinte au sacré», sans oublier que l'art islamique fait aussi parti du patrimoine tunisien comme l'évoque l'œuvre le voile de l'illusion qui utilise des pages du Coran calligraphiées de lettres dorées pour son installation. «La religion peut aussi donner une impulsion, une inspiration comme on le voit dans le milieu des rappeurs arabes. Même le marché de l'art aujourd'hui est réceptif à l'art religieux. Il faut trouver un juste milieu entre l'art purement contemporain et l'art exclusivement musulman. Le monde artistique tunisien ne doit pas se réduire à une force anti-islamiste» déclare la sociologue. Sa réflexion est édifiante sur un point : l'artiste aussi «révolutionnaire» ne doit pas forcément participer au schéma qui divise en deux la société, il ne doit pas être érigé en défenseur de la «laïcité» ni en «force conservatrice», il doit trouver sa place en s'exprimant librement. «Mais la révolution ne doit pas être un diktat dans l'art, instaurer un totalitarisme révolutionnaire est contre-productif. L'artiste ne doit être pas être instrumentalisé à des fins politiques.» conclue Jocelyn Dahklia. S'engager oui mais savoir dépasser son engagement avec l'art, telle est peut-être la mission de l'artiste tunisien aujourd'hui. Pourquoi n'y arrive –t-il pas ? Pourquoi l'art «révolutionnaire» reste encore la seule ressource de l'artiste aujourd'hui ? Et bien justement parce qu'il est sans cesse confronté à des obstacles, dans l'espace public où une simple représentation théâtrale le 25 mats 2012 débouche sur les violences et le vandalisme par des groupuscules, où un simple évènement à la Marsa devient défenseur de «l'homosexualité» selon un journal donc condamnable, où enfin, une exposition est réduite le jour de sa clôture à un art «dangereux» faisant «l'objet d'une enquête judiciaire». Comment ne pas rester «révolutionnaire» dans ce genre de situation ?
Votre phrase monsieur le Ministre pousse l'artiste aujourd'hui à être dans une confrontation permanente : celui de la «résistance». Votre accusation contre les artistes pousse ces mêmes artistes à rester dans un art qui se bat pour exister plutôt qu'un art qui pousse à la réflexion. Oui l'art en Tunisie est «révolutionnaire» et n'a pas encore fait sa «vraie révolution», mais c'est parce que vous le cantonnez, avec de telles déclarations et de tels actes, à rester dans l'éternel combat, à jouer un rôle qui n'est pas forcément le sien, à se battre pour sa liberté d'expression et de création au lieu de l'exercer librement.
Lilia Blaise
A Lire
- Qu'est-ce qu'un art révolutionnaire Monsieur le ministre ? (1)
- Quand le ministre de la Culture ne défend pas la culture
- Le ministre de la Culture décide la Fermeture du Palais Abdellia et porte plainte contre les organisateurs du Printemps des arts


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.