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Mr le Président : Votre projet de la cité médicale à Kairouan risque de ne pas voir le jour
Publié dans Tuniscope le 20 - 05 - 2021

Ilyes Bellagha, Président de l'association Architectes Citoyens addresse une lettre ouverte à Kais Saied à propos de la cité médicale à Kairouan
Monsieur le Président,
En tant qu'Architecte Urbaniste et citoyen concerné par la problématique de l'aménagement du territoire, permettez-moi de traiter de ce sujet afin que vous puissiez vous et le gouvernement, revoir la gestion de notre pays sous cet angle.
Monsieur le président, l'aménagement du territoire a deux objectifs majeurs, il consiste en l'accompagnement du développement économique des territoires et en la réduction des inégalités spatiales en termes économiques ou sociaux. C'est l'action volontaire et réfléchie d'une collectivité sur son territoire, soit au niveau local, soit au niveau régional, soit au niveau national.
Trois niveaux sont ainsi répertoriés : le local, le régional et le national. Chose qui ne peut que nous rappeler les strates d'une pyramide, image que vous avez souvent utilisé dans vos discours. Pour ces trois niveaux, des éléments de logistique sont nécessaires, un des plus primordial est ce qu'on nomme « le marketing du territoire » et ceci quel que soit l'échelle du territoire, une chose qui nécessite paradoxalement une certaine modestie et aussi une fierté et les deux sont nécessaires pour établir un répertoire qui deviendra un guide pour établir une attractivité du lieu.
L'attractivité du lieu n'est point totalement rationnelle. C'est une valeur perçue qui correspond en effet à la valeur que revêt l'offre territoriale dans l'esprit des cibles de ce territoire à « ses clientèles ».
Cette valeur perçue est composée d'au moins trois éléments :
- La valeur d'usage : exemple d'une ligne de train à grande vitesse qui dessert le lieu, une faculté prestigieuse, etc.
- La valeur hédonique : ce terme barbare n'est que celui d'un site qui peut dégager du plaisir, surprise, excitation, amusement…, un site peut dégager du plaisir par des sensations diverses ; sensation physique, odorante, visuelle, auditive, architecturale, etc.
- La valeur de signe : c'est la valeur symbolique de l'usage/utilisation, …j'étais à cet endroit…
Oui Monsieur le Président, n'en déplaise à certains, dont moi, le territoire est un produit et ceux qui y sont comme ceux qui veulent s'y établir sont ses clients, oui le libéralisme aussi bien politique qu'économique a dicté ses lois.
Le marketing territorial n'est ni une fin en soi, ni une recette magique pour des territoires en mal d'attractivité, il est un état d'esprit qui nous permet de « vendre ». Nous pouvons rebuter idéologiquement cette idée mais elle reste d'une réalité outrancière.
On ne gouverne pas comme on veut en ignorant ce qu'on peut.
Monsieur le Président, la situation financière de notre pays ne nous permet pas pour l'instant d'entamer des projets grandioses et volontaristes, nous sommes trop endettés et le spectre de 1881 est présent à nos esprits.
Ainsi, s'il arrive que ces projets se feront, ils risquent d'être un danger pour notre souveraineté.

Monsieur le Président, je vous invite de mesurer les éléments de la valeur d'attractivité pour le projet, la cité médicale à Kairouan, qui vous tient à cœur (la valeur d'usage ; la valeur hédonique ; la valeur de signe). Ces trois paramètres sont faibles ce qui nous mets devant deux scénarios :
Le premier est que l'état s'en charge.
- la valeur d'usage, confier à l'état cette besogne et vous savez plus que qui conque que l'état est presque en faillite pour assurer la construction de ces valeurs d'usage.
- la valeur hédonique, le mépris que les autorités locales, régionales et nationales vouent aux architectes et aux aménageurs d'espaces de nos villes. (pour preuve les horreurs qui ornent nos rond points ne nous présage d'aucun espoir).
- la valeur de signe, quelle valeur de signe que celle de s'établir à Kairouan ?

Le second paramètre est d'intégrer ses trois éléments dans le projet et les confier au secteur privé, ce qui dénature votre idée si généreuse au départ celle d'un soin de qualité octroyé à tout citoyen quel que soit ses revenus. Ce vœux pieu est une chimère dans le monde des finances ; un investisseur privé ne cherche que le gain d'argent et n'installera son projet que là où il est sûr de faire du profit, son timing est différent de celui de l'état.
Monsieur le Président, un projet nous oblige à une grande modestie, une stratégie et une logistique ce que le vôtre est loin d'avoir. Vous semblez compter sur le génie militaire mais l'époque où les armées traçaient les villes remonte à l'époque romaine, une époque révolue, aujourd'hui l'urbanisme est un savoir-faire d'une équipe pluridisciplinaire.
Monsieur le Président, mesuriez-vous l'impact de ce grand projet sur les espaces alentours ? Avez-vous à l'esprit que pour une centaine d'hectares planifiés, des centaines et des centaines d'hectares d'habitats spontanés sur des terrains agricoles vont voir le jour ?
Je ne suis pas certain qu'économiquement, en dehors des salaires qui iront aux tunisiens que ce projet ne sera pas par un effet pervers une hémorragie de devise car sans que je ne sois un économiste, les capitaux investis seront étrangers ce qui implique que les dividendes vont s'expatrier.
Monsieur le Président, tout projet est normalement une réponse issue d'un diagnostique global, sinon il devient le fait du prince. Un projet comme vous nous le présentez devrait être normalement le centre d'un réseau déjà existant, un citoyen dans sa région ne se déplace vers ce centre névralgique que si le besoin se fait sentir, les premiers soins doivent être servis à proximité, vous n'avez fait Monsieur le Président que transférer le centre existant vers un autre centre projeté, ce qui est contraire à une politique de décentralisation.
Aujourd'hui, on conçoit les réseaux comme des nœuds et des vecteurs où chaque nœud offre un rôle, une spécialité hospitalo-universitaire à la pointe de la technologie. Les déplacements entre les croisements de ces vecteurs se font par des voies ferroviaires ou autoroutières, selon une distances qui de nos jours ne se calcule plus en kilométrage mais en temps consenti, les avantages sont multiples car on rapproche les points cardinaux du pays et on facilite en même temps le déplacement des biens et des personnes.
Alors que votre programme politique se conjugue à la perfection avec « le marketing du territoire » puisque cette notion s'intéresse au trois niveaux du territoire.
- Le niveau local : une échelle humaine de la société où la meilleure des décisions ne peut se prendre que d'une manière directe, c'est la définition même de la démocratie directe doublée d'une instance technique qui se charge du marketing de ces localités.
- Le niveau régional : une échelle médiale, il est le nœud du réseau des localités, il a plutôt un rôle de modérateur et de synchroniseur entre ceux qui décident au niveau local. Pour cela, il comprendra des représentants de localités (élus ou désignés par tirage au sort) et lui-même doublé d'une instance technique qui se charge du marketing de la région, c'est la démocratie participative.
- Enfin le niveau national qui regroupe des représentants des régions (élus ou désignés par tirage au sort) doublé lui aussi d'une instance qui n'est que le ministère des plans et de l'attractivité des territoires, c'est la démocratie représentative.
Monsieur le Président, notre régime politique vous empêche de prendre de telles décisions et le gouvernement en place, pour lui ce sujet est le dernier de ses soucis, mais rien ne nous pousse à s'avouer vaincus, il y a surement dans notre constitution une philosophie qui nous permet d'aboutir à créer des instances de démocratie directe et de démocratie participative.

J'ai l'honneur, Monsieur le Président de la République, de vous prier d'agréer l'expression de ma très haute considération.

Ilyes Bellagha
Président de l'association Architectes Citoyens


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