L'ONG Crisis Group, spécialisée dans la prévention et la résolution des conflits meurtriers grâce à une analyse de la situation sur le terrain et des recommandations indépendantes, a publié son rapport sur la Tunisie. « Les autorités éprouvent des difficultés à faire face à cette menace et à développer une politique publique de sécurité. Si la situation est en grande partie liée aux problèmes internes des forces de sécurité intérieure (FSI), le contexte régional n'aide guère. Pour faire face à cette violence, mais aussi mieux gérer les contestations politiques et sociales, une réforme d'envergure des FSI est nécessaire » dit le rapport. En effet, les attentats du Bardo et de Sousse ont dissipé le doute quant à la montée dangereuse de l'extrémisme et du terrorisme en Tunisie et pour y faire face, Crisis Group estime qu'une réforme et une stratégie sécuritaire sont une urgence. A cet effet et en plus de l'analyse, l'ong a publié les recommandations suivantes :
RECOMMANDATIONS Afin d'apporter une réponse équilibrée et proportionnelle à la montée du jihadisme et des violences sociales, et d'aider le pays à sortir de la fausse opposition entre ordre et liberté A la présidence de la République et au gouvernement : 1. Eviter la tentation de conférer des tâches de police judiciaire à l'armée nationale afin de corriger les dysfonctionnements des forces de sécurité intérieure (FSI) et d'améliorer la sécurité à court terme. 2. Multiplier les réunions de la cellule de coordination sécuritaire et de suivi, et privilégier un discours anti-terroriste qui ne soit pas antireligieux. 3. Poursuivre le projet de création du centre de regroupement des informations sécuritaires (fusion centre) et, au-delà de la Défense, de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, l'élargir à de nouveaux ministères (Education, Formation professionnelle, Affaires religieuses). 4. Organiser une conférence nationale ouverte à tous sur la notion de sécurité dans un état de droit, le rôle et les missions de la police, les causes de la fracture Nord/Sud et du jihadisme, la crise de confiance de la population envers l'appareil sécuritaire, et les moyens démocratiques de traiter les problèmes actuels, avec comme objectif de briser les tabous et établir un constat objectif. Aux principaux partis politiques : 5. Eviter d'instrumentaliser la menace terroriste sur le plan politique en en renvoyant la responsabilité sur ses adversaires. Afin d'améliorer la professionnalisation des FSI pour qu'elles répondent aux défis sécuritaires de la Tunisie de l'après Ben Ali Au gouvernement et à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) : 6. Mettre en place une série de consultations internes sur la manière dont les fonctionnaires de la sécurité conçoivent leur profession dans la Tunisie de l'après Ben Ali ; le bilan des échanges servant de base à un nouveau code de déontologie des FSI. 7. Créer, en collaboration avec les ministères de l'Intérieur et de la Justice, un Haut comité de la réforme et de la gestion du corps sécuritaire, élu par les membres des FSI dans le but de renforcer la cohésion du corps, de faire respecter les principes de moralité et de compétence, et de garantir la qualité des services de sécurité. Ce comité : a) participera à l'élaboration d'un nouveau code de déontologie des FSI en partenariat avec les commissions compétentes de l'ARP ; b) mettra en œuvre, de concert avec la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l'Intérieur, un plan de gestion stratégique et systémique des ressources humaines (cellule psychologique pour le recrutement, référentiel d'emploi et de fonction, informatisation des variables de compétences) ; c) participera à la révision des statuts juridiques qui fixent la mission, les modalités de recrutement, de formation, de promotion ainsi que les relations hiérarchiques des agents et des cadres des FSI, notamment la réduction des prérogatives de nomination et de mutation du ministre de l'Intérieur et de la loi n°82-70 du 6 août 1982 portant statut général des forces de sécurité intérieure. 8. Accélérer la création du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale du ministère de l'Intérieur. Aux ONG internationales, aux instances internationales et aux Etats partenaires de la Tunisie dans le domaine de la sécurité : 9. Soutenir de manière prioritaire la réforme des statuts, la mise en place d'un plan de gestion des ressources humaines des FSI, l'amélioration de la formation initiale et continue, notamment le projet du pôle de formation professionnelle de la sûreté nationale. 10. Coordonner les aides bilatérales et multilatérales. Afin de mieux exercer le contrôle démocratique sur les FSI et d'encourager leur professionalisation Au gouvernement et aux membres de l'ARP, notamment ceux de la Commission de législation générale, de la Commission de l'organisation de l'administration des forces armées et de la Commission sécurité et défense : 11. Participer à l'élaboration d'un nouveau code de déontologie des FSI, co-signer avec le Haut comité de réforme et de gestion du corps sécuritaire un agenda clair de réforme du secteur de la sécurité. L'ARP devrait mettre en œuvre cette réforme sous la forme d'une loi organique, comme prévu par la constitution. 12. Valoriser le travail de contrôle parlementaire de la Commission de l'organisation de l'administration des forces armées et de la Commission sécurité et défense (formation des députés sur les questions sécuritaires, embauche d'attachés parlementaires entre autres).