13 août 1956 est une date-évènement riche d'une grande symbolique politique, sociale et culturelle. Dans un contexte marqué par le grand élan de la libération nationale, les Tunisiens ont décidé d'associer –sous l'impulsion de la volonté politique du père de l'indépendance Habib Bourguiba- l'œuvre de la fondation d'une société moderne et libre à l'œuvre de l'émancipation des femmes de tous les archaïsmes. Dans leur engagement pour l'indépendance nationale, les Tunisiennes ont démontré que leur «activité militante avait dépassé la revendication de la libération féminine pour s'intégrer dans l'action politique de libération nationale». C'est dans ce contexte qu'il faut situer la promulgation du Code du Statut Personnel le 13 août 1956. Vecteur d'une forte historicité, c'est-à-dire d'une grande capacité politique et culturelle de produire la modernité comme héritage de la pensée réformiste nationale, le Code du Statut Personnel est une œuvre législative qui établit une dialectique créatrice entre le mouvement de la libération de la société avec le mouvement de la libération des femmes. L'autre symbolique du 13 août 1956, c'est que la dynamique juridique et culturelle générée par l'adoption du Code du Statut Personnel a mis en évidence et en pratique le contenu concret que les Tunisiens ont donné aux notions d'égalité dans la différence et de liberté dans la responsabilité. Les relations hommes-femmes doivent être fondées sur la complémentarité et l'indépendance, l'amour, la complicité, le fait de vivre ensemble, simultanément, une belle aventure. Pas sur la peur, la négation d'autrui, la sujétion ou l'asservissement de l'autre. L'émancipation des femmes dans le contexte du 13 août 1956 cultive un vivre ensemble en harmonie, et en parfaite égalité ontologique, de droit, de respect, avec pour seul critérium déterminant la dignité humaine, que ce soit chez l'homme ou chez la femme. Les femmes ne se placent plus en situation «d'assistées» ou de «sujets mineures». Elles agissent, elles débattent, se mêlent de politique. Elles contribuent à toutes les formes d'expression culturelles et artistiques. Leur intervention, leur participation aux décisions dans l'entreprise, la région, la localité, et à tous les niveaux du pays est indispensable pour obtenir la reconnaissance de leurs droits et pour la promotion de la modernité. Cet apport féminin est un levier de progrès pour la société entière. Cette insertion des femmes dans la vie politique, économique et culturelle ouvre, en fait, sur un Deuxième âge de l'émancipation des femmes, celui d'un épanouissement de la subjectivité créatrice de l'élément féminin et celui de l'affirmation de «soi» feminine. Aujourd'hui cette symbolique progressiste et libératrice du 13 août 1956 se trouve menacée et mise en crise par une vision regressive et une approche paternaliste et archaïque qui cherche à donner le primat à l'homme aux dépens de l'individualité et de la dignité de la femme. Sous couvert de «complémentarité avec l'homme», un discours politique et idéologique dominant au sein de l'Assemblée nationale constituante vise à cantonner la femme dans une position de mineure et dans la posture de citoyenne.On parle d'un projet d'article de la future Constitution tunisienne qui stipule que «l'Etat assure la protection des droits de la femme sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille en tant qu'associée de l'homme». Ce qui veut dire simplement que les principes d'égalité et de citoyenneté sont remis en question. Dans son essence, la symbolique du 13 août 1956 est une dialectique de l'égalité, la parité et de la différence. Le nouveau rapport à soi et à l'autre masculin implique dans le contexte du 56ème anniversaire du Code du Statut Personnel un combat politique et culturel pour faire avancer les acquis au profit des femmes. Pointer du doigt les régressions qui touchent en particulier les femmes est une bataille politique primordiale. En combattant les régressions et les clichés à l'encontre des femmes, on fera du même coup changer la société, on permettra à tout le monde, aux hommes et aux femmes, de progresser. crédits photo (Flickr, anw.fr)