DEUXIEME EPISODE – EN HOMMAGE A SA CAMPAGNE Un cri, en toute pompe, dans l'arène d'encens et de Parchemin où s'activent déjà les gladiateurs des Certitudes attestées. Un coup de poing en plein entrain, et voilà que s'ébranle Le convoi des dons inédits, cueillis à l'instant dans des Vergers improbables et féconds. Une bourrade à même la voix/e déclenche l'éclair funeste De l'oracle, récitant à tue-tête, les prémices lugubres D'un printemps brumeux, aride et une Malédiction irrémédiable dans la liesse renaissante de la Procession, à mi-chemin du sourire froissé,Notre déclin déjà qui grimace sa haine du soleil ! - I – Mort sans appel, renaissance intempestive ce matin-même. Nous voilà au seuil de l'être indemnes et voraces d'ardeur, nous avançons vers l'étendue, là où jamais ne parviendrait le cortège funèbre de la horde. Je t'énonce sur toutes les places, te dessine sur les parois des âmes, t'invente, te réinvente et t'érige au plus haut du promontoire où étincellent les stances : Emanations, toute en chair, sous ma paume douloureuse et combien heureuse de t'avoir générée si resplendissante dans ta structure irrésistible et précaire. - II – Je suis déjà entier dans ton maintien de Reine. Ensemble, nous délogerons la pestilence maintenant que nous avons les bras des fauves en rut appétit, Notre trône ferons la terre en nous associée et toute accueillante, et refoulerons, dans le vide, la horde et ses relents de sainteté. Blanche comme la nuit cette page, où je te peins, résistant à la charrue haineuse des ombres. J'aurais aimé pourtant te tendre la main Par-dessus ce désert et, dans ta paume fertile, Imprimer tant de strophes réfractaires. Blanche et arrogante la page où tu n'es qu'une brise fugace Que j'entrevois entre les lignes, tremblante et vulnérable. J'aurais voulu pourtant t'écrire d'un bout à L'autre, et te dresser, dans la neige, tel un flambeau. Je te vois, dans tes rêves te déchaînant, qui fredonnes à même le miroir, ce même miroir que j'ai brisé dans la blancheur maculé où il m'est impossible désormais de te dire entièrement, ni sobrement. - III – Le moment est imminent qui exhorte le verbe, notre rêve, celui que nous avons conçu dans des sphères aériennes, pourquoi n'est-il plus là ? mais pleine à craquer est l'agora. Les voilà qui reviennent, jaillissant des lézardes d'un ciel si lourd. Terribles ils sont, et ravageuses les caresses des pattes visqueuses sur les flancs de l'horizon En lambeaux, et tout ensanglanté entre griffes et Incantations rocailleuses. Regardes, me dis-tu, ce ravin dans mon être, déjà sans fond en toi et insondable partout où résonnent les cymbales des cendres. Ô ces reliques qui nous piègent à chaque baiser ! nous voudrions tant aller cueillir les refrains en herbe dans les artères épargnées, mais nos Pas nous échappent déjà, déjà les pas pesants, à nos trousses, vagues déferlantes moissonneuses. Cannibales, me dis-tu une fois, alors que Je n'étais plus qu'une miette. Tu seras toujours là, ajoutes-tu, au moment où me marchent dessus Leurs sabots aguerris. Telle une guirlande, je te porterai au cœur, ô mon âme féconde, rien qu'un soupir, et j'enfanterai le monde qui s'en va. Qu'il s'en aille donc ce trou cette tombe, qu'il se dissolve ou qu'il implose, je saurai retrouver, d ans le chaos, les mots de ton être si cher. - IV – Elle parle la horde, engoncée dans le carnaval de ses frusques, musée hirsute à même la chair trépidante de rage, tout noir dans l'amorce Blafarde de l'aube. L'olivier, imperturbable dans sa robe opaque, hoche sa ramure et souffle dans notre nid le secret des mixions infaillibles pour que Se lève, dans la nuit opaque de l'horreur, notre soleil, fruit ô combien succulent ! la horde recule dans la ruée de l'éclat. Raconte, me dis-tu, raconte-moi ta mort, non, ton meurtre ô mon aimé ! raconte-moi la dague et ses ravages, et ton sang, sur les soutanes, tout le long de leur piété, et l'agonie enfin sous coups, ruades et morsures. Dans mes bras est ta tombe, tes cendres dans mon limon, je te sens déjà en moi qui pousse les parois de l'avènement. - V – Mon sol te convoite déjà et te désire au-delà de la faim elle-même et de la hargne, dans leurs bras, démolissant notre astre, ce nid que nous avons bâti dans les cimes, Ô toi qui t'agites dans les rets de ta mort, dis-moi encore que la patrie c'est ce nid même, précaire et combien froid, que l'endurance érige dans le parcours confisqué. L'hiver s'épanouit dans le désert où désir n'est plus. La moraissance, Sur toutes les façades comme un bouquet d'appels, un miracle avéré et inexpugnable, fulmine la horde, il n'y a point d'expérience qui Sache, du prodige, élucider l'excellence. La moraissance est là, sous le soleil, drapée dans sa dignité de pitre ; elle respire d'aise, respire la santé dans les miasmes de son verbe antique, avance sur le soleil, Sa faucille en travers des dents, escortée par sa Horde. - VI – Je suis là, dit-elle, pour défaire la fierté des lumières et déjouer la marche inexorable. Elle avance à rebours, évolue à reculons, la moraissance, et crible de déchirures la lumière du jour, la moraissance ; elle est l'hier qui triomphe du moment à peine eclos, la moraissance, l'éternité est là, dit-elle, pour effacer, dans le cœur, son goût pour l'infini. Pourquoi faudrait-il que vivre et mourir n'entremêlent pas les mains pour embrasser, de la durée, toute son étendue ? Vivre et mourir, c'est là le cycle de l'indigence, explique la moraissance exaltée. Mourir, et de sa mort même, dans la mort accomplie et irréfutable, reprendre l'instant Révolu : un même frisson se répercutant, d'un Eveil à l'autre, comme un décret du ciel, ni vieux, ni neuf, simplement éternel ! - VII – Atrophie sans nom, lèpre intransigeante, ma main corrompue m'abandonne dans la cohue Studieuse, puis un œil, encore un bras, une Jambe tombe à son tour, mon nez ne se lèvera plus jamais vers le soleil, je m'effiloche sous la Ruée, échappant à l'emprise de ta main amoureuse. J'entends claquer la horde des mains et psalmodier des stances rugueuses, tant de stances Rébarbatives dans l'agora désertée par l'humain. Que dire au soleil qui se dérobe, à la lune qui grimace de dégoût à l'écoute de mes ballades ? L'étoile filante, ralentissant sa chute, m'implore De la précéder dans le gouffre. Désormais, je suis à l'étroit dans mon être Equivoque : suis-je toujours le même, ou suis-je investie par le bras magnanime de la horde hirsute ? son rictus au livre, elle me traîne vers des sources plus saines, vocifère-t-elle sur toutes les tribunes. Boire ou ne pas boire, c'est là la voie du salut. - VIII – Le nectar est là, boira qui voudra, aux récalcitrants la ciguë, nids de couleuvres à chaque soupir, à chaque tournant des sifflements et des piqures à profusion. Qui ne regarde sa mort les yeux ouverts, ne Saurait goûter à la joie d'être, dans son être, comme dans un suaire. Qui ouvre les yeux verrait la vermine se repaître de son être, et entendrait se plaindre sa chair, livrée au pilori. Qui refuse, de son destin, le terme, préfèrerait L'éphémère à l'absolu. C'est cet aveugle-là que pourchasse la horde dans les artères stériles. Si tu te rendais, me dit-elle, nous t'épargnons ta mort, qu'en dis-tu ? Je hoche la tête. Le soupir d'après, elle tire, la horde, à bout portant, et je m'écroule dans tes Bras, couverte de sève, dans ton cœur battant a tout rompre : nous voilà unis de nouveau dans l e parcours ; nous irons, par tous les sentiers, annoncer à la moraissance notre renaissance au soleil, alors que repose, sur le pavé, la triste peau de notre mort révolue.