De l'avis de tous les acteurs politiques, l'initiative du Chef du gouvernement Hamadi Jébali tend vers sa conclusion imminente, ce week end au plus tard, soit par son avortement donc la démission de l'auteur de l'initiative, soit par sa concrétisation donc d'autres démissions, d'autres gens ou formations politiques. Les chiffres des sondages et les différentes déclarations attestent d'une large majorité favorable à l'initiative d'un gouvernement de compétences, non concernées par les prochaines élections. Cela n'empêche pas les réticents et les opposants d'avancer leurs arguments inégalement évalués par les uns et par les autres. Du côté du Front Populaire, l'opposition s'explique par des raisons de cohérence idéologique, appuyées par de nouveaux éléments liés à l'assassinat de leur leader, feu Chokri Belaïd, hissé au statut fort mérité de martyr de la patrie. Ce qui renforce le respect que suscite cette position, c'est son discours serein, le plus souvent, malgré la douleur de la circonstance. Cependant, d'autres formations tiennent un discours tellement galvanisé, même s'il prend parfois une certaine froideur de surface, que leurs porte-paroles en viennent à des arguments fallacieux et des analyses biaisées, avec une obstination ahurissante, à un moment où l'échange et la discussion, dans la modestie intellectuelle, constituent les meilleurs instruments de la démocratie de transition, et même de la démocratie en tout temps. De fait, on peut être contre la proposition d'un gouvernement de compétences, mais il est presqu'indécent de dénigrer franchement les compétences sur lesquelles a reposé le pays avant et après la révolution et qu'on accuse injustement de ne pas donner assez de leur temps pour traiter les dossiers. Malheureusement, c'est la preuve que ces gens ne connaissent pas leurs concitoyens ou qu'ils ont à leur propos des préjugés ou des animosités qui ne sauraient être de circonstance. Dommage que ce soit le CPR qui se caractérise par cette attitude (même si pour la plupart, cela n'est pas surprenant), en tout cas quelques-uns de ses responsables qui inspirent chez leurs concitoyens un vrai sentiment de méfiance quant à une charge d'agressivité intériorisée, vite trahie parfois par des réactions épidermiques à certaines provocations. Force est de croire en effet qu'à part son Secrétaire général (rompu à la malice politique), nombreux y sont qui font figure d'agitateurs de débats sur les plateaux des différentes télévisions. C'est ce qui pousse certains Tunisiens à penser à un état d'esprit d'exclusion violente et de séparatisme, partagé entre ce parti et l'aile dure d'Ennahdha, subsidiairement appuyés par le mouvement wafa dont le premier responsable est celui qui lui ôte la plus grande partie de sa crédibilité. Ce qu'il y a de nouveau, du fait de l'initiative de Hamadi Jébali, c'est la position d'Ettakattol. Je dois reconnaître que j'ai souvent été très critique à l'égard de ce parti et particulièrement son premier responsable quant à l'alliance contre nature qu'il avait scellé avec Ennahdha malgré la grande divergence politique entre les deux formations. J'ai cependant souligné, il y a quelques semaines, les signes dans ce parti d'un « regain de conscience » et d'un « retour aux sources » à même de le ramener parmi les siens : les démocrates et les modernistes. Aujourd'hui, plus que jamais, le parti de Ben Jaafar, malgré tout l'effritement qu'il a connu, confirme ce pressentiment et reprend la voie de la rationalité démocratique. C'est d'autant plus heureux que cela concorde avec une mouvance tout aussi alignée sur cette orientation, au sein même du parti majoritaire. Le geste du président du gouvernement paraît certes comme un acte héroïque, mais il ne semble pas aussi suicidaire que d'aucuns auraient tendance à le croire. Le plus important aujourd'hui, c'est que le parti Ettakattol est en passe d'intervenir efficacement à ce moment crucial de notre Histoire par l'appui qu'il apporte à l'initiative de Hamadi Jébali, tout en se maintenant dans l'ANC comme cadre de légitimité incontestable et incontesté certes (notamment pour la tâche qui est la sienne, la rédaction d'une constitution), mais ne contraignant guère le chef du gouvernement à lui soumettre la composition de sa nouvelle équipe. Ce parti au moins aura eu le mérite du constat objectif, comme Hamadi Jébali, comme Moncef Marzouki depuis un certain temps déjà mais sans effet malgré le statut, au moins moral, du président. Ce n'est pas le cas de ceux qui s'entêtent à défendre l'idée du « meilleur gouvernement de l'Histoire », « à tout prix », « même s'ils restent seuls » (Ce sont des propos de ministre). La Tunisie d'aujourd'hui n'a pas besoin d'hystérie, elle a besoin de consensus. Elle n'a pas besoin d'un nouveau langage de bois et du disque rayé de l'ancien régime pour justifier les insuffisances du présent et l'absence de résultats tangibles. Elle a besoin de fédérer ses enfants, TOUS ses enfants, pour respirer de tous ses poumons et de tous ses pores. Sans cela, elle risque d'étouffer sous l'effet d'une étreinte qui, en donnant l'illusion d'aimer, ne fait qu'ASSASSINER.