On attendait une liste, on a eu droit à un discours. Au terme de longues considérations qui rappelaient la nécessité d'un remaniement ministériel en cette phase précise de la transition, le président du gouvernement, Hamadi Jebali, a révélé, lors d'une conférence de presse qui a eu lieu hier, qu'il n'y avait pas de liste. Les discussions qui se sont poursuivies durant toutes ces dernières semaines n'ont donc tout simplement pas abouti à un résultat concret, à une nouvelle équipe ministérielle qui aurait répondu aux exigences autour desquelles il y avait pourtant consensus. Tout le monde ou presque est en effet d'accord sur le fait que nous avons besoin d'un gouvernement plus large quant à sa base politique, plus restreint quant au nombre de ses membres et, surtout, mieux représenté en termes de compétences. Il semble cependant que les divergences se soient maintenues sur la façon dont il faut comprendre ces exigences. Cela dit, le chef du gouvernement a également fait une annonce : il présentera un projet de remaniement à l'Assemblée constituante «dans les jours, et non dans les semaines, à venir». Il appartiendra aux députés de l'ANC de trancher à ce moment-là. Les concertations n'ayant pas pu mener à une formule consensuelle, place donc au vote autour d'une proposition donnée, dont Hamadi Jebali réserve la primeur aux constituants. Pour autant, le chef du gouvernement se veut optimiste. Et en donne les raisons. La première est, dit-il, qu'il existe un accord entre les partis autour de certaines priorités, à savoir qu'il faut hâter l'organisation des prochaines élections et, dans le même temps, offrir à cette échéance les conditions requises : l'achèvement de la nouvelle Constitution et la mise en place des instances en charge respectivement de l'organisation des élections, des médias et de la magistrature. Une autre condition autour de laquelle, souligne Hamadi Jebali, il y a accord : la nécessité d'un dialogue national qui n'exclut personne. Ce qui, à son tour, requiert un climat d'apaisement. Un tel climat passe par l'affirmation du caractère civil de l'Etat, seul garant des libertés, par la condamnation de la violence, de quelque nature qu'elle soit – religieuse, sociale ou politique –, par le refus de la lutte idéologique en tant que facteur de division de la société et, enfin, par le principe de neutralité de l'administration. Notons ici que le président du gouvernement n'est pas contre la présence, «en grand nombre», d'observateurs étrangers à l'occasion des prochaines élections : «A ceux qui invoquent l'argument de la souveraineté nationale à ce sujet, je réponds ‘'non''. La souveraineté nationale a d'autres façons de s'affirmer !» Pour Hamadi Jebali, «le remaniement n'est pas un but en soi, il est au service d'un programme». Et le dialogue reste à l'ordre du jour, que l'on accepte ou non d'intégrer l'équipe du gouvernement. En outre, malgré l'échec des négociations, l'initiative des pourparlers reste elle-même positive, indique-t-il. Etant entendu que le programme peut malgré tout être réalisé qui consiste à organiser des élections d'ici la fin de l'été prochain, afin d'offrir enfin aux investisseurs étrangers et locaux une vision plus claire sur la situation du pays. Le « coup de pouce » d'Ettakatol Bien qu'annoncée depuis lundi dernier, la déclaration par laquelle le président du gouvernement devait annoncer les résultats des négociations sur le remaniement ministériel a été précédée jusqu'à la veille par des pourparlers. C'est ce qu'a révélé Hamadi Jebali lui-même lors de la conférence de presse d'hier. Or il semble que ce sont ces discussions qui ont fait achopper les négociations, empêchant la constitution d'une liste. On apprend de source autorisée que la position d'un des partis de la Troïka, Ettakatol pour être précis, a maintenu sa position autour de la question de l'attribution du ministère de la Justice à une figure indépendante. Face au refus d'Ennahdha, et à défaut d'accord sur cette question, décision aurait été prise par le chef du gouvernement de mettre un terme aux négociations.