Dans Un long chemin vers la liberté (Paris, Fayard, 1995, p. 645), Nelson Mandela écrit : «Quand j'ai franchi les portes de la prison, telle était ma mission : libérer à la fois l'opprimé et l'oppresseur. Certains disent que ce but est atteint. Mais je sais que ce n'est pas le cas. La vérité, c'est que nous ne sommes pas encore libres ; nos avons seulement atteint la liberté d'être libres ; nous n'avons pas encore fait le dernier pas de notre voyage, nous n'avons fait que le premier sur une route plus longue et plus difficile. Car être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. La véritable épreuve pour notre attachement à la liberté vient de commencer.» Cette longue citation semble résumer toute la démarche politique de Nelson Mandela le révolutionnaire authentique. Avec une audace et une force hors norme, il a su et pu en tant que chef d'Etat opérer une réconciliation des noirs et des blancs dans un esprit de refondation nationale et dans une perspective de mise en mouvement de toutes les énergies sociales et économiques. Avec comme pour résultat corollaire : l'avènement d'une Afrique du Sud comme puissance économique régionale. C'est là qu'il faut situer l'alchimie à la manière de Nelson Mandela : réussir le processus de transition démocratique en capitalisant les acquis qui sont là, loin de la logique «bien révolutionnaire » de la table rase et en mettant en marche de grands chantiers générateurs de croissance et de progrès. Il a pu, ainsi, éviter à l'Afrique du Sud les dérapages que connaît le Zimbabwe dirigé par l'ancien guérillero Robert Mugabe et fanatiquement attaché aux «idéaux» de la révolution et qui se trouve plongé dans une crise politique, économique (très grande inflation) et sociale (pénurie alimentaire). Les dirigeants et l'élite politique de notre pays gagneront à garder en tête l'expérience de l'Afrique du Sud et celle du Zimbabwe pour éviter aux Tunisiens d'autres difficultés. Ils gagneront aussi et surtout à s'inspirer de la démarche de Nelson Mandela pour répondre à l'horizon d'attente des Tunisiens de plus en plus désenchantés par le «rendement» de la classe politique et de plus en plus impatients de voir le processus de transition démocratique mené à son terme. Le long combat mené par Nelson Mandela a fait de lui un homme à l'horizon étendu et à l'esprit audacieux. Il a fait de lui un dirigeant politique très fin unissant le sens tactique à la plus grande fermeté sur les principes. Puissent donc les dirigeants et l'élite politique dans notre pays et tous les Tunisiens qui s'interrogent sur le devenir du pays chercher dans le discours et le parcours politique du Grand Nelson Mandela des motifs puissants de dépasser leur égocentrisme et de s'attaquer, sans plus tarder, aux problèmes qui préoccupent les Tunisiens en suivant l'exemple de Nelson Mandela, le révolutionnaire authentique qui a tant chéri «l'idée d'une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec des chances égales.» Sans haine ni rancune ni exclusion. Un idéal et un modèle qui appellent les protagonistes de la vie politique à oublier leur petit calcul politicien, à rompre avec un révolutionnarisme d'un autre temps. Le temps historique tunisien n'est ni celui des tribunaux révolutionnaires ni de la Terreur de la révolution française. Le lieu, le temps historique et le contexte changent. La Tunisie de 2011 n'est pas la France de 1789. Le temps historique de la Tunisie d'aujourd'hui exige de rapprocher toutes les forces vives politiques, économiques, sociales et culturelles pour le bien de tous les Tunisiens et la prospérité du pays. Tout le reste relève du populisme et de la démagogie.