Une cousine, qui est un peu comme une sœur, m'a écrit ce message : « Lis cet hymne à la femme et écris-nous quelque chose pour la Journée internationale de la femme, toi le père de 5 merveilleuses ». Son message était suivi d'un article (probablement un statut sur facebook) où l'auteur commence par s'adresser aux femmes et finit par s'adresser aux hommes, partant souvent de citations parlant des femmes, pour les commenter. J'ai reçu son message au moment même où je réfléchissais à la façon d'attaquer ma chronique pour la circonstance. J'étais fatigué de ces gloses politiques que d'aucuns (moi compris) ont fini par prendre pour des closeries, passionnément revendiquées et jalousement gardées comme une propriété conjugale. J'y ai donc trouvé le tuyau à même de me tirer d'affaire en me suggérant de passer par des citations qui me paraissent vraiment de circonstance et qui valent plus pour les hommes que pour les femmes. Car dans mon esprit, une Journée internationale de la femme est d'abord un message adressé aux hommes. « Les hommes ont peur des femmes, alors ils les voilent », dixit Saphia Azzeddine, auteur du roman Confidences à Allah (2008). Belle phrase qui souligne la vraie faiblesse intérieure que l'homme vit comme une tension insoutenable sans le substitut qu'il lui trouve, celui d'une force prétendument protectrice alors qu'elle n'est que peur en lui et perte de confiance, pouvant se traduire dans toute forme de violence envisageable. « Ne frappez pas, même avec une fleur, une femme coupable de cent fautes. » Ce dicton anonyme s'inscrit pour moi dans la continuité du propos développé à propos de la première citation. Car je ne peux pas entendre parler de femme frappée sans penser à ma mère, à toute mère, et à l'insoutenable indignation que peut ressentir un enfant à voir frapper sa mère. Car la prodigalité altruiste et la générosité amoureuse, que nous reconnaissons surtout dans nos mères, sont en vérité chez toutes les femmes, pour peu qu'on sache s'en apercevoir. Une phrase de Victor Hugo m'interpelle aussi : « Le cœur de la femme s'attache parce qu'il donne ; le cœur de l'homme se détache parce qu'il reçoit. » Je me souviens alors qu'en tout être humain, il y a une part masculine et une part féminine, la proportion variant selon le genre, et j'ose espérer qu'en tout homme, jamais la part féminine ne perdra son effet. De fait, il y a une grande différence entre le sentiment comme un don de soi ou comme une charité : dans le premier, il y a le partage et le respect ; dans le second, il y a la supériorité et la domination. Aussi ne puis-je que souscrire à cette assertion de romancière américaine d'origine autrichienne, Vicki Baum, auteur de Lac-aux-Dames, par exemple : « Le pire sentiment que l'on puisse offrir à une femme est la pitié ». C'est à se demander de qui il faudrair avoir pitié : de celui qui en use ou de celui qui la subit. Je clos cette série de cinq citations, comme les cinq branches d'une étoile d'art à offrir à toute femme, par une phrase de Tahar Ben Jelloun : « Respecter une femme, c'est pouvoir envisager l'amitié avec elle ; ce qui n'exclut pas le jeu de la séduction, et même, dans certains cas, le désir et l'amour. » Je crois en fait que le sens qui s'y amène cherche à prendre place dans un concept inspiré par la littérature psychologique du début du siècle dernier, et relancé dans les années 80 du siècle, en l'occurrence le concept de l'« aimance », ainsi défini par son initiateur Abdelkébir Khatibi : « J'appelle aimance cette autre langue d'amour qui affirme une affinité plus active entre les êtres, qui puisse donner forme à leur désir et à leur affection mutuelle, en son inachèvement même. Je pense qu'une telle affinité peut libérer entre les aimants un certain espace inhibé de leur jouissance. En cela, elle réclame le droit à l'art et à la pensée dans l'univers si complexe et si paradoxal des sentiments. C'est donc un art de vie, telle qu'elle est et telle qu'elle advient… » Mais pour conclure, je vais me faire le plaisir d'offrir ce poème que j'avais écrit pour une autre fête de la femme, à toutes les femmes du monde et d'abord à toutes celles que j'aime : A la femme pour sa fête Femme est le cri de l'aube au sein de la douleur Comme de vie s'égoutte un sang chaud de la fleur Femme est le beau matin de ces plus belles choses Qui parent le présent du doux parfum des roses Femme est la baie de paix sous le soleil médian Où la flamme est sereine et le sommeil méfiant Femme est à l'horizon d'un soir crépusculaire Sage méditation du carnaval stellaire Femme est en moi en vous l'étrange percussion Qui réveille les dieux aux chants des sensations Et qui rappelle aux gens qu'ils ne sont pas prophètes Qu'ils ne sont les titans des folles démesures Qu'ils n'ont de l'être humain que la juste mesure Et qu'ils peuvent au mieux tenter d'être poètes