Tout le monde ou presque était au rendez-vous de la rencontre annoncée avec le président du Gouvernement, Mehdi Jomaa, à travers la conférence de presse diffusée en direct par la plupart des médias nationaux, publics et privés. En fait, tout le monde était branché sur cette tradition d'évaluation, en mode démocratique, d'un nouveau gouvernement, cent jours après sa prise en main des affaires de l'Etat. Les uns avaient le poignard bien aiguisé sous la manche ; les autres, un grand bravo brûlant au bout de la langue. Mehdi Jomaa était bien préparé, psychologiquement au moins, même si cela n'est pas nouveau puisque le président du gouvernement s'est souvent distingué par une sérénité déroutante pour certains de ses interlocuteurs, d'autant plus que ces derniers trahissaient vite un arrière discours autrement motivé que par la quête de la vérité. La plupart des Tunisiens devaient se sentir rassurés d'opter, dans les sondages, pour ce jeune dirigeant doté non seulement des compétences de sa spécialité, essentiellement économique, mais aussi d'un potentiel non négligeable de compétences de gouvernance et de communication. Ils savent qu'il n'est pas éligible à la prochaine échéance, mais en votant pour lui ils expriment leur soif de certaines valeurs qu'ils aimeraient voir chez les dirigeants politiques de leur pays, à l'aube d'un nouvel avenir qui se construit. En tout cas, le président du gouvernement a laissé une impression de sincérité et de vérité, même dans les réponses qui pouvaient ne pas satisfaire ceux qui les attendaient. Et comme à son habitude, il a souligné les mots clés de son échange : compétence, honnêteté, impartialité et rentabilité. Le tout intégré dans un concept fondamental, celui de la responsabilité citoyenne, à quelque niveau que l'on soit ou que l'on agisse : de la plus haute instance du pouvoir, à la commune position de la citoyenneté de base. Il y a de quoi croire que la plupart des citoyens se seraient vraiment contentés du seul symbole du pouvoir, qu'est ce monsieur sympathique, après les déboires d'autres instances dérapant parfois jusqu'à un ridicule insoutenable, pour toute personne ayant le moindre respect pour l'Etat et le droit. C'est d'ailleurs à l'Etat que Jomaa entend redonner les moyens d'action et la pleine efficacité de sa fonction. Pour ce faire, c'est le langage du droit qui doit recouvrer sa souveraineté, dans une vraie séparation des pouvoirs. Le plus important, c'est la note d'espoir et d'optimisme non feint qui a prévalu, contre tout catastrophisme et tout dénigrement de l'Etat, tous deux forcément nuisibles à toute tentative sincère de redressement économique et de transition démocratique. Cela veut-il dire que tout est au mieux dans le gouvernement de Mehdi Jomaa ? Loin s'en faut ! Car il y a bien certaines inadéquations honnêtement soulignées et certaines défaillances franchement dénigrées. Quelles que soient les réponses sorties alors par Mehdi Jomaa dans un mouvement de respect pour son équipe, ce qui peut être à son honneur, vu le contexte, le président du Gouvernement ne manquera probablement pas de creuser ces points peu lumineux du rendement de son équipe pour couper l'herbe sous les pieds de ses détracteurs qui augmenteront peut-être, au fur et à mesure que les élections approcheront. Nous avions dit, dès le début de l'année 2014, que ce jeune homme n'aurait pas la tâche facile. Aujourd'hui, il ne le sait que trop même si dans l'ensemble on peut considérer qu'il a gagné la bataille des cents jours. Reste que pour les Tunisiens, ils n'ont vraiment d'autre choix que de soutenir ce gouvernement de transition, d'un soutien critique, répétons-le, jusqu'à l'échéance prévue, s'ils entendent vraiment voir le bout du tunnel. Il y va de leur avenir personnel et de l'avenir de leur patrie.