Mehdi Jomâa, plus jeune chef de gouvernement depuis l'indépendance, mise sur le rajeunissement de l'équipe gouvernementale. Sur la haute expertise, l'indépendance et la transparence aussi. Il le clame à tout vent M. Mehdi Jomâa a présenté son cabinet. Des ministres jeunes, hautement diplômés et ayant fréquenté, du moins pour certains, des cercles privilégiés de management et de coaching. A l'étranger de surcroît. Que doit-on en penser ? Trop tôt pour émettre quelque avis autorisé. L'épreuve des cent premiers jours et le minimum requis pour tout examen exhaustif. Une règle fondamentale de la politique. Toujours est-il que M. Mehdi Jomâa bénéficie tout au moins d'un préjugé favorable. Nous osons y croire, au bout de deux années de l'exercice du pouvoir de la Troïka. Deux années intensément tragiques. Nul ne peut le nier. A moins d'être aveugle, ou faussaire; ou tout simplement en manque de la faculté d'entendement ! Mehdi Jomâa, plus jeune chef de gouvernement depuis l'indépendance, mise sur le rajeunissement de l'équipe gouvernementale. Sur la haute expertise, l'indépendance et la transparence aussi. Il le clame à tout vent. Il en fait un credo. Il s'y agrippe bec et ongles. En tête-à-tête, il me l'a confié lors d'une entrevue d'une heure, il y a deux jours : «Ce qu'on tient particulièrement à cœur, m'a-t-il confié, c'est de redorer le blason de l'Etat tunisien et d'ancrer de nouveau les valeurs du travail auprès de tous». Son constat frise l'amertume. Il déplore que les valeurs cardinales de la suprématie de la règle de droit et de l'autorité de l'Etat soit battues en brèche. Il constate aussi que l'Etat tunisien n'a plus si bonne presse ou prestance auprès des partenaires étrangers. «Vivement que la diplomatie tunisienne retrouve le panache qui était le sien du temps du président Bourguiba», murmure-t-il. En faisant son tour de table avant la formation de son gouvernement, il a même pris contact avec M. Habib Ben Yahia, ministre des Affaires étrangères du temps de Ben Ali et S.G. de l'Union du Maghreb arabe. Il est décidé et ferme. Son premier voyage à l'étranger sera à Alger. Le deuxième à Rabat, dans la bonne tradition diplomatique tunisienne. Quid du profil de son gouvernement sur les épineux dossiers des nominations partisanes à la tête de l'administration notamment ? Ici comme ailleurs, je m'en tiendrais à l'esprit et à la lettre de la feuille de route, rétorque-t-il d'emblée. Tous les gouverneurs, délégués et omdas à l'appartenance partisane avérée seront révoqués. Il s'y engage et y engage tous ses ministres. Les autres administrations ne sont pas en reste. Il y a bien évidemment le passif, le legs, incontournable en vertu du principe de la continuité de l'administration. Et puis cette loi de finances, impopulaire, contraignante, scélérate. Les yeux rieurs de Mehdi Jomâa s'obscurcissent. Il se confie : «Certes, certaines redevances impopulaires de la loi de finances font l'objet d'un sursis à l'exécution. Mais l'exécution d'un budget nécessite un appui étranger, à concurrence de 70%. Pour l'instant, il a des promesses de principe du FMI». M. Chédli Ayari, gouverneur de la Banque centrale, lui est d'un précieux soutien à ce propos. L'Algérie aussi est prompte à aider. Le Premier ministre algérien le lui a assuré lors de sa dernière visite-éclair dans nos murs. Les cinq pays du Conseil de coopération du Golfe sont, eux aussi, en stand-by, les Emirats Arabes Unis en prime. Tout un programme. Beaucoup de promesses aussi. Mais il y a beaucoup de «si» précisément. Pour l'instant, les poulains de Mehdi Jomâa semblent avoir du pain sur la planche. Ne l'oublions guère, leur gouvernement est éminemment politique. Malgré les urgences économiques et sociales. Son rôle essentiel consiste à parachever la transition qui, dans sa dernière phase, devra déboucher sur les élections législatives et présidentielle. Autant il bénéficie, de prime abord, d'un soutien largement partagé, autant il pourrait se retrouver au centre des feux nourris et croisés. Et sans pardon. Le délai de grâce sera de courte durée. Parce que les déclarations des bonnes intentions, si généreuses soient-elles, ne suffisent pas. Les deux précédents gouvernements de la Troïka, démissionnaires à leur corps défendant, en savent quelque chose. M. Mehdi Jomâa et ses ministres sont prévenus. Ils seront jugés sur pièce. Et promptement. Parce que la politique est cruelle.