Il y a toujours assez de creux dans l'organisation et le fonctionnement des choses pour que n'importe qui trouve une place « à sa cause », au risque même d'amener une focalisation intense sur le marginal au détriment de l'essentiel. Tel est, me semble-t-il, le cas de toute la cacophonie qui voile l'essentiel des élections, surtout les législatives à leurs heures de campagne, au profit de cette histoire des parrainages présumés falsifiés, des candidats à l'élection présidentielle. Au fait, je ne sais pas pourquoi nous traduisons « tazkiya » par parrainage quand il ne s'agit pas d'un élu. A mon avis, quand il s'agit de signatures citoyennes, on parlerait mieux de « cautionnement », dans le sens politique, celui d'un « soutien ou d'une approbation, apportés à l'action de quelqu'un ». La personne qui cautionne, ici, a une fonction semblable à celle d'un témoin et son acte n'a donc de valeur juridique que par un acte légal qui le justifie, généralement une légalisation de signature. Là réside la différence entre le parrainage d'un élu du peuple, qui tire son autorité de l'institution ou de l'instance à laquelle il appartient par voie électorale, et le cautionnement d'un citoyen, n'importe quel citoyen, livré à sa propre autorité morale que personne que lui ne peut contrôler totalement. C'est pourquoi ce qu'on s'accorde à désigner de « scandale des parrainages » (sic !), n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. Le plus absurde, c'est d'en accuser les candidats, à moins d'une plainte en bonne et due forme contre l'un d'eux, qui aurait soudoyé un tiers, preuves et documents à l'appui. Souvenons-nous que soudoyer consiste à « payer quelqu'un pour s'assurer son soutien ou sa complicité ». Rappelons aussi que la loi punit pareillement celui qui soudoie et celui qui se laisse soudoyer. Il paraît même que des situations de ce genre ont été relevées au sein même de l'assemblée nationale constituante, auquel cas il aurait fallu sévir de façon intransigeante. Hors ce cas particulier, nul n'a le droit de parler de falsification et encore moins de corruption, d'autant que la dynamique ayant déclenché le scandale en question, sauf le respect dû à l'action de la société civile qui ne doit être soupçonnable d'aucune connivence, consciente ou inconsciente, paraît par trop suspecte du fait même qu'elle s'est pressée d'accuser certains candidats, plutôt que de relever les défaillances du système en vue de trouver les moyens de son ajustement à court et à moyen terme. Vous croyez qu'un candidat sérieux à la présidentielle peut se permettre de reproduire ou de laisser reproduire le même numéro d'une carte d'identité pour des centaines de noms ? La naïveté ou la mauvaise foi serait d'abord dans le fait d'y croire automatiquement. A la manière dont les signatures ont été recueillies, de façon généralement volontaire, n'importe qui pouvait abuser de la procédure dans un moment d'inattention des collecteurs de signatures : comme de mettre un faux numéro (fût-ce le numéro d'un décédé ou d'un opposant au candidat), ou de dédoubler subrepticement un nom et un numéro, etc. Et là, force est de penser qu'il peut y avoir eu infiltration de certaines listes de signatures, par des personnes malveillantes, pour affecter la réputation d'un candidat ou pour le mettre en difficulté juridique fabriquée de toute pièce. Je crois qu'à revoir la manière dont on est passé du premier état des choses (l'ISIE ne pouvant et ne devant rien publier de cette opération) à la situation de tout publier, parfois dans le travestissement même de certaines données, d'après les concernés, on sent plutôt la manipulation politique plutôt que le souci du bon fonctionnement des choses. Ce que certains oublient peut-être aussi, c'est que ce type d'affaires juridiques, s'il en est, ne peuvent avoir de valeur exécutive qu'après validation du verdict à tous les niveaux de la procédure pénale : surtout le jugement du tribunal de première instance et celui de la cour d'appel. Soit, au moins trois ans ! Alors, pourquoi ne pas laisser ceux qui se jugent concernés d'une manière ou d'une autre user de leurs droits ou devoirs juridiques et libérer le paysage politique devant les élections et les compagnes qui les précèdent ? N'est-ce pas plus important pour l'état actuel des choses, plus utile pour les citoyens et plus bénéfique pour la patrie ? A moins qu'au nom de certaines valeurs, dont il faudrait vérifier l'usage et les visées, certaines gens n'aient un quelconque intérêt à entacher les élections des couleurs du désespoir et la transition démocratique de la pâleur de l'échec !