J'ai été agréablement sensible à une banderole, sur la route X de la capitale, où il y avait un texte dont je n'ai capté que le titre en grosses lettres : « La Propreté, la République ». Une phrase si bien cousue pour une si belle fête, celle de la République. Une phrase qui nous éloigne de la folie cauchemardesque d'un prétendu défenseur des droits de l'homme qui est venu nous dire un jour : « La Tunisie est en ruine de Bizerte à Béni Guerdane ; il n'y a jamais eu de république et c'est moi et mon parti qui allons l'y instituer ». On était prêt à l'écouter s'il avait reconnu le mérite des fondateurs et de leurs successeurs tout en dénigrant et en condamnant les traîtres et les malfaiteurs. Mais ce nihilisme-là ne pouvait dénoter que d'une saleté intellectuelle dont le peuple s'est vite rendu compte et qu'il n'a pas tardé à balayer. La Propreté, la République ! Malheureusement, une absurdité historique nous a mis, après janvier 2011, dans un état de délabrement généralisé. Des amis nous disaient qu'une révolution a toujours un prix. A la bonne heure ! Mais on attend toujours les dividendes de la révolution. Il paraît qu'ils sont partis ailleurs, dans d'autres poches loin d'être plus saines que celles éjectées par le séisme social de 2011. Quant au peuple, il a eu droit à toutes les misères, mais à aucun des conforts ou des bonheurs qu'il espérait en adhérant au mouvement d'ensemble de la danse avec les loups. Tout est devenu pollué, dans un nivellement par le bas des lieux jadis les plus soignés et les lieux aux conditions hier précaires, aujourd'hui désastreuses. Tout ou presque a pris la couleur de la saleté, depuis nos rues jusqu'aux lieux publics et les établissements officiels, depuis notre manière de (nous) conduire sur la route jusqu'à notre manière de penser notre citoyenneté. Il fallait bien un slogan de réveil : La Propreté, la République ! Au-delà de l'anecdotique, ce slogan est d'une profondeur certaine. C'est un appel public et une invitation générale à commencer par l'application du dicton de chez nous : « Que chacun balaie devant chez lui ! ». En termes plus philosophiques, pour lutter contre la peste, Albert Camus écrit : « il faut faire ce qu'il faut. » Ainsi, nous aurions d'abord à nettoyer ce qui au plus profond de nous constituerait une atteinte à l'éthique citoyenne, en vue d'une propreté du cœur et d'une propreté de l'esprit. Nettoyer en même temps le fond de nos rapports sociaux et ne pas les soumettre au narcissisme et à l'égoïsme des petits calculs politiques, pareils à ces petits calculs d'épiciers si liés au commerce miséreux qu'ils ne peuvent rien voir ni espérer de la grandeur. Tout cela devrait commencer par une mobilisation générale pour nettoyer le pays des ennemis de la République, celle qui a vu naître la Tunisie moderne le 25 juillet 1957. Cela devrait se manifester dans une propreté physique, celle de nos corps et celle de notre environnement. En résumé, cela devrait se concrétiser en une culture à asseoir partout où un message culturel peut passer, la culture de la République (de) la propreté.