Tous les avis s'accordent pour constater que le niveau de vie en Tunisie a sensiblement évolué. Outre le fait que la scolarité soit généralisée et que les dispensaires de la santé publique soient à la disposition des citoyens dans un rayon ne dépassant pas les 5 kilomètres dans chaque coin et recoin de la Tunisie, les autres services publics, comme le transport, se sont améliorés. Tunis dispose également et depuis plus de vingt ans, de l'unique métro en Afrique. L'eau sanitaire et l'électricité sont, pratiquement, généralisées à tous les foyers. Le taux de raccordement aux réseaux sanitaires dépasse également les 75 % dans toutes les grandes communes. La Tunisie est désormais au stade de la recherche de la qualité. De tels résultats sont désormais associés à de nouveaux objectifs. Le citoyen tunisien n'accepte plus d'attendre indéfiniment le moyen de transport, ni de faire la queue durant toute une matinée dans les services hospitaliers pour une consultation. Sans parler de la routine et du manque de créativité dans les rouages de l'administration. Le Tunisien veut désormais s'apparenter aux Européens. La proximité de l'Europe, le développement du savoir et la propagation des TIC ont aidé à ce que les citoyens réclament des améliorations dans les services.
Manque de civisme De son côté, l'administration juge que les citoyens ne font rien pour contribuer à cet essor de la société. Elle déplore un manque flagrant de sens civique, inhérent à tout développement. Selon l'administration, il y a des services qui ne peuvent se développer sans une contribution consciente des usagers : « Comment voulez-vous que la fréquence de la rotation des métros, diminue alors que les usagers n'ont pas encore appris le sens de l'ordre. Les passagers désirant prendre le métro ne laissent pas la voie libre à ceux qui descendent. Nous gérons un problème de sous-développement manifeste », dit l'un des responsables du transport public. Du côté des municipalités, c'est le même son de cloche : « la propreté de la rue est une responsabilité commune. Si chacun balaie devant chez soi, le problème est résolu. Or, les gens considèrent que la rue est une décharge publique. La même chose est constatée dans les espaces verts. Les citoyens ne les considèrent pas comme des espaces d'aération pour eux et n'en prennent pas les soins qu'il faut. C'est désolant. Mais, c'est comme ça. Nous gérons un manque déplorable de sens civique »,
Services déplorables Comme le transport public et les services de santé sont les services les plus fréquentés par les citoyens, les remarques des usagers se sont adressés spécialement aux prestations dans ces secteurs. Tous les usagers des moyens de transport public et de certains hôpitaux sont unanimes pour contester la qualité des services rendus. Ecoutons les : « Le matin lorsque vous montez dans un bus ou dans un métro, vous trouvez du mal pour vous asseoir sur un siège, dans le cas où vous en trouvez un bien sûr. Ce n'est pas parce que c'est inconfortable, on s'y est habitué, mais c'est parce que c'est sale. Il est couvert soit de poussière soit de terre et même d'autre chose plus crasseux, et parfois vous le trouvez mouillé, car il a plu la nuit et on a oublié de fermer les vitres. Un petit conseil, n'oubliez jamais de mettre un paquet de papier- mouchoir dans la poche ou dans la sacoche. Les stations sont pires, les papiers jonchent par terre, les poubelles pleines, les chaises souillées. Les femmes de ménage se promènent avec un matériel de fortune : des pots de peinture à la place des sceaux, des morceaux d'étoffe font office de serpillières et des balais usés. Et les tenues misérables et sales qu'elles portent ajoutent une touche pittoresque à ce spectacle navrant, vous les prendriez pour des mendiantes. Des agents de TRANSTU, qui ont préféré garder l'anonymat, nous ont affirmé que même les guichets ne sont pas bien entretenus et qu'il n'y a même pas de savon dans les toilettes. Les produits d'entretien manquent tout le temps et le nettoyage se fait le plus souvent seulement avec de l'eau, nous confient-ils. Les promoteurs de ces sociétés de nettoyage ne sont jamais là, ils ne se manifestent que pour percevoir leur argent ou lorsque survient un accident, toujours selon la même source. Une anecdote nous donne une idée sur l'état des lieux. Il n'y a pas longtemps, à la station Belhaouane, un ami à moi était monté dans un bus de la ligne 68, barbouillé par de vomissures. Le chef de gare a cherché en vain une femme de ménage, alors il a versé de l'eau, mais il n'y avait pas de balai pour la pousser dehors et nettoyer l'endroit. Là, le chauffeur a eu l'idée ingénieuse de l'évacuer par une série de coups de frein. La scène était inédite, amusante et surtout efficace. Il mérite vraiment un brevet d'invention pour ce « frein-ballet ». La situation n'est pas meilleure dans quelques hôpitaux où la puanteur des poubelles envahit les lieux » En interrogeant les intervenants sur la responsabilité des usagers, nos interlocuteurs ont acquiescé : « les usagers ont, aussi, leur part de responsabilité dans cette situation. Ces salissures, qui font des moyens de transport des endroits rébarbatifs, sont occasionnées par leur silence complice. Car si chaque usager assume son devoir de citoyen et intervient quand il y a un manquement aux règles d'hygiène de la part de quelqu'un d'irresponsable, il y aurait certainement beaucoup moins de saleté. Donc, il est évident que l'absence du sens civique de quelques citoyens participe largement au développement de ce comportement pathologique de ces gens qui jettent les mégots, les papiers, les « glibettes »...partout. L'autre responsabilité incombe aux chauffeurs et aux convoyeurs qui sont tenus d'être plus vigilants et de signaler aux chefs de gare les saletés se trouvant dans le bus ou la rame de métro afin qu'ils puissent prendre les mesures nécessaires à temps. D'ailleurs, il y a un autre intervenant assumant une partie de la responsabilité dans cette situation. C'est celui des gardiens recrutés pour assurer la sécurité dans les établissements publics. Sur ce plan également, le constat est négatif, l'objectif escompté est loin d'être atteint. Dans le métro, leur tâche essentielle consiste à garder les voies ferrées en interdisant aux piétons de les emprunter. Mission non accomplie, puisqu'on voit tous les jours ces derniers utiliser ces voies exactement comme des trottoirs. Et les agents de gardiennage sont la plupart du temps assis et contemplent ces scènes qu'ils ne peuvent pas empêcher. Ils ont peur de la réaction de ces contrevenants en particulier les malfrats parmi eux qui deviennent les maîtres des lieux dans les grandes stations telles que celle de Barcelone. Les gardiens sont bien complètement inoffensifs face à ces jeunes déchaînés. Il en est de même pour les femmes de ménage. D'ailleurs, le maigre salaire qu'ils perçoivent, est pour beaucoup, dans cette situation. Ils ne bénéficient vraiment pas de leurs droits et ils réagissent en conséquence. Cela expliquerait pourquoi on ne recrute pas de vrais gardiens pouvant assumer leurs responsabilités. Dans les hôpitaux, les agents de ces sociétés de gardiennage sont responsables dans une très large mesure de la zizanie qui envahit les lieux, puisqu'ils font entrer n'importe qui à n'importe quel moment du jour ou de la nuit. En fait, il ne faut pas leur en vouloir, ils n'ont ni la formation escomptée qui fait d'eux de vrais agents de sécurité, étant donné qu'ils sont ramassés dans les coins de rues au hasard, ni les moyens persuasifs qui leur accordent une certaine autorité, ils ne disposent que d'un pauvre uniforme grotesquement accoutré. Ils sont comme des épouvantails qui ne font pas peur. Il est souhaitable que les parties concernées interviennent pour remédier à la situation en obligeant les promoteurs de ces sociétés de sous- traitance à appliquer les cahiers des charges »