La candidature de l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens (U.G.T.T.) au prix Nobel de la paix n'est ni un acte d'allégeance ou de glorification, mais tout simplement une reconnaissance, non pas politique ou syndicale, mais fondamentalement éthique. Alors que le pays est en pleine tourmente, que le spectre de la guerre civile pointe à l'horizon suite aux assassinats de deux leaders politiques – deux événements qui ont traumatisé la majorité des Tunisiens, toutes tendances confondues –, que les institutions semblent bloquées, que le doute et l'inquiétude commencent à habiter les esprits, surgit l'U.G.T.T. avec une idée simple ;le dialogue national ; et une perspective claire, une feuille de route, censées ouvrir la voie à une renaissance de l'espoir, à une espérance tant attendue. Le dialogue est l'antidote de la violence car quand les hommes ne dialoguent pas, ne se parlent pas,ne communiquent pas, quand le langage des mots n'opèrent plus, c'est la langue de la violence qui prend le pas. Ramener des adversaires que tout sépare à une table de négociations, c'est déjà le commencement de la sagesse, c'est s'approprier le sens premier du politique : la PAIX. C'est bien cette fin qui pointe à l'horizon comme une exigence morale et une tache à réaliser. C'est une idée régulatrice et des tensions et des aspirations des uns et des autres, car elle ouvre le chemin du possible, lieu de réconciliation de la tension permanente entre le réel et l'idéal ; il s'agit d'assurer les conditions de satisfaire la revendication à une vie digne parce libre, de répondre au souci de construire une démocratie consensuelle et tolérante capable de construire une société juste et solidaire . Ne s'agit-il pas là de revendications légitimes à l'origine de la révolution ? Le dialogue national ne fait que rappeler ces valeurs pour qu'elles ne perdent pas et que les rêves des tunisiens ne s'évaporent point. Aux antagonistes, il ne fait que rappeler que des valeurs, en ce qu'elles ont d'absolu, peuvent se négocier, que la solution n'est pas dans le compromis mais dans la compréhension, que la tolérance, dont on ne cesse de dire l'urgence, ne peut venir que d'une intelligence partagée. Peut- être, faut il rendre au mot dialogue tout son sens et sa force. Dia-logue, veut dire distance de l'écart entre positions nécessairement plurielles. La fécondité de tout dialogue est de mettre en vis-à-vis cette pluralité et des antagonismes sous- jacents. Mais dans dialogue, il ya aussi logos, Raison. C'est par cette raison que toutes les positions communiquent entre elles . Certes tout dialogue n'est pas exempt des tensions des rapports de force et des stratégies obliques. Ou réside donc son efficace ? son opérationnalité ? C'est dans cette capacité à pousser les antagonistes à décloturer leurs positions, à les mettre en vis-à-vis, à revisiter ses positions, à réfléchir à nouveaux frais, quitte à bousculer les certitudes, les parti pris . D'aucuns ne sont pas sensibles à ces arguments parce que prisonniers d'un parti pris politique ou idéologique et d'une étroitesse d'esprit et se laissent aller à des spéculations nihilistes. Ils semblent oublier ou feindre d'oublier que la première valeur pour tout homme est bien la vie. Or c'est bien cette valeur que veut consacrer l'initiative de l'U.G.T.T., affirmant la suprématie de la vie sur tout. Il n'y a de liberté que consacrant la vie, il n'y a de dignité que fêtant la vie. Il n'y a d'espoir et d'espérance que pour la vie. Ce cheminement, au socle du dialogue national, est dans l'état des choses une exception tunisienne. Il revient aux historiens de faire un jour le bilan d'affirmer ou d'infirmer ce jugement ; le politique n'en est point capable.