La grande manœuvre en politique est la capacité de remplir un vide par du vide et le dernier remaniement ministériel tant attendu et annoncé en grandes pompes par le chef du gouvernement illustre cette tentative de panser les plaies profondes d'un pays en souffrance et en mal de gouvernance par un simple cachet d'aspirine. L'attente d'un jackpot technocratique capable de relever les défis de l'emploi et de l'inflation, d'instaurer une gouvernance progressiste et d'édifier un état équitable résolument tourné vers l'utilité publique s'est révélée utopique. La déception est à la hauteur de cette attente et ceux qui croyaient naïvement que le remaniement allait être en phase avec la nouvelle morale politique et ses règles scientifiques et méritocratiques découvrent, estomaqués et médusés, que c'est un simple lifting politicien en totale inadéquation avec cette période de crise profonde. Le casting parle de lui-même et si de coutume dans les démocraties respectueuses, un remaniement est opéré pour donner un nouveau souffle , atténuer la contestation ou sanctionner un rendement insuffisant, chez nous le remaniement est opéré surtout pour récompenser quelques ténors des girouettes spectaculaires de leur allégeance et de leur suivisme aveugle aux grands manitous de la politique et pour limoger d'autres pour leur indépendance et leur rigueur dans le travail. Décidément ce pays marche sur la tête. Ainsi le ministre des affaires sociales Omar Youmbai est limogé malgré sa parfaite maitrise des dossiers sociaux et ses bons rapports avec la centrale syndicale et Othmen Battikh , ministre des affaires religieuses , est sanctionné pour sa rigueur et son intransigeance dans le dossier de la Mosquée de Sfax. Le bafouillage est total et l'action s'est muée rapidement en amateurisme politique pour marquer cette nouvelle année 2016 avec un casting qui n'apporte aucune valeur ajoutée au dysfonctionnement actuel, à la léthargie qui prévaut et à l'absence de vision stratégique du gouvernement. La cuvée Essid 2 ne s'annonce pas un millésime mémorable et ceux qui ont parié sur la technocratie déchantent en découvrant les nouveaux arrivés et leurs parcours. L'exemple de Khaled Chaouket est frappant. Connu pour son tourisme politique et ses girouettes successives entre Ennahda, l'UPL et Nidaa, sa nomination intrigue et interpelle les observateurs. L'autre exemple du bricolage politique est la nomination de Mongi Marzouk. Scientifique reconnu, chercheur et ingénieur en télécommunication, il est parachuté au portefeuille de l'Energie et des Mines alors qu'il avait occupé auparavant le ministère des télécommunications entre 2012 et 2014 avec succès. Impossible de comprendre les motivations d'un dysfonctionnement aux antipodes de la règle élémentaire des nominations judicieuses : a right men on a right place !