A quoi joue le Front Populaire ? La question est de plus en plus évoquée, pointant du doigt la formation de coalition entre des partis d'extrême gauche, surtout à l'occasion des derniers événements qu'a connus la Tunisie, d'abord à Kasserine, puis rapidement dans plusieurs régions du pays. Qu'il y ait du vrai dans ce soupçon, quand il ne s'agit pas de franche accusation, cela ne semble pas avoir l'ombre d'un doute dans l'esprit de la plupart des acteurs politiques, des observateurs et des citoyens. Une jeune contestataire kasserinoise de gauche n'a pas hésité à le souligner directement sur le plateau d'une émission de Samir El Ouafi, sonnant de la même cloche que d'autres intervenants un peu partout dans les médias. De façon un peu trop précipitée, nous semble-t-il, le porte-parole du FP n'a pas manqué l'occasion de réagir, aussi médiatiquement que possible, en annonçant l'intention de son groupement politique d'intenter un procès contre la jeune fille. Celle-ci est accusée de porter atteinte à l'image du Front Populaire qui serait, selon son porte-parole, l'objet d'une campagne de diabolisation généralisée. Façon de dire, comme le dicton de chez nous, « il faut frapper la chatte pour éduquer la mariée » ! Autant dire en définitive qu'il n'y a pas de fumée sans feu car, il faut l'avouer, il y a dans l'esprit de plusieurs citoyens un patrimoine d'opposition pour l'opposition qui est dans l'historique du FP. Cela se dit au nom d'une fidélité inaliénable à des principes idéologiques, même si souvent perçus comme anachroniques, de façon à rendre impossible, car inacceptable, toute souplesse à même de conduire vers une stratégie consensuelle, fût-elle relativement consensuelle, pouvant favoriser une relance de la dynamique de développement dans une paix sociale viable. Ce qui a peut-être compliqué la situation, c'est certaines coïncidences étonnantes. On relève par exemple qu'après le dernier remaniement ministériel, certains responsables du FP ont fait des déclarations suspectes comme de dire que ce gouvernement ne peut durer que deux ou trois semaines. Quelques temps après, le même Hamma Hammami qui, il y a quelques mois, déclarait que son parti n'avait « aucune prédisposition à gouverner maintenant », soudain affirme sur certains médias que le tour est venu pour que le FP dirige le pays et qu'il est prêt à le faire ! Or voilà que quelques semaines après le remaniement, presqu'autant que prophétisé par l'extrême gauche, la crise se déclenche non sans une sympathie franche et une justification appuyée. En bonne logique, il est difficile alors de ne pas comprendre l'attitude accusatrice constatée auprès de certaines formations politiques et de plusieurs citoyens. De là à poursuivre en justice une jeune activiste, qui est plus à ranger du côté idéologique du FP d'ailleurs, il y a franchement de quoi penser à la maladresse politique. Demain va-t-on intenter un procès contre le jeune chômeur contestataire, un ancien UGET, qui a pointé du doigt quelques députés FP ? « Allez comprendre l'idée que cette coalition se fait de la liberté d'expression ! », a commenté un ami de mon entourage. Il y aurait plutôt, pour cette formation politique, d'autres moyens de défendre son image et de montrer qu'elle peut être loin de l'opposition pour l'opposition, qu'elle peut être surtout dans la logique d'un consensus constructif en temps de crise, tout en se maintenant dans ce qui la caractérise et fait sa différence. Telle est l'urgence de l'instant, le reste n'est que rhétorique idéologique.