La révolution qui vient d'ébranler les régimes tunisien, égyptien et libyen a mis à nu des gouvernances atypiques, impopulaires et peu valorisantes pour les dirigeants d'Afrique du Nord, réputés, pourtant par le passé, être moins corrompus et plus sages que leurs homologues arabes et africains. Ces mauvaises gouvernances, on peut les appeler par des néologismes: «Kleptocratie», «sionocratie» et «bédouincratie». La première s'applique parfaitement au président déchu, Ben Ali et sa famille qui, ont fait du pillage du pays leur crédo. Les Trabelsi, les frères et surs de Ben Ali et leurs sbires (hommes du parti au pouvoir, hauts cadres de l'Etat), étaient simplement, des vautours qui volaient très bas. Ils raflaient tout dans le pays, du nord au sud et d'est à l'ouest. Leur cupidité était telle qu'aucun secteur et aucune activité n'ont été épargnés. Ils étaient des raquetteurs, squatteurs, spoliateurs et usurpateurs de tout bien rémunérateur. Cette avidité excessive, digne des temps obscurs, n'a pas manqué d'exaspérer le peuple tunisien et de le pousser à l'émeute, d'abord, ensuite à la révolution. Résultat: Ben Ali et sa famille ont fui, comme de vulgaires voleurs, le pays. La seconde, «sionocratie», sied parfaitement au président égyptien déchu, Housni Moubarek. Lui aussi, tout comme les membres de sa famille et leurs hommes de main, a certes pillé son pays, mais il s'est surtout distingué, durant plus de vingt ans, par l'entretien de rapports très louches avec l'Etat sioniste, provoquant, du coup, l'isolement de l'Egypte dans le monde arabe. Jusqu'à la dernière minute de son mandat, il avait entretenu l'illusion d'un «processus de paix». Il a exercé des pressions sur l'Autorité palestinienne pour qu'elle poursuive les négociations alors que tout le monde savait que les Israéliens ne souhaitaient aucunement la paix. Il avait participé au blocus de Gaza (construction d'un mur de fer pour dissuader tout transport d'armes vers la bande). Il a fait échouer toutes les initiatives de réconciliation entre le Hamas et Fatah. Et pour ne rien oublier, lors des manifestations qui ont abouti à la révolution, des révolutionnaires brandissaient des slogans en hébreu, la seule langue que Moubarek comprend, selon eux. La troisième, bédouincratie, est une trouvaille de Kadhafi. Un tel système se distingue par le non-Etat, l'absence de président (remplacé par le leader), l'inexistence de partis (remplacés par des comités populaires qui dirigent l'administration), les comités populaires (protecteurs de la révolution) et plus tard les comités de contrôle récemment créés en raison de différends entre les comités populaires et les comités révolutionnaires. L'ensemble de ces structures sont de grandes inconnues. Personne ne sait comment leurs membres sont nommés. Globalement, Kadhafi ne jurait que par la tribu. Il était constamment protégé par sa tribu «El ghdedfa». Ainsi, lorsque le Colonel tient à se faire accompagner par sa fameuse tente à l'étranger, c'est tout juste pour rappeler à sa tribu que, même en dehors du pays, il ne l'a jamais quittée. L'affaire paraît folklorique mais elle constitue un message fort en direction des bédouins de sa tribu.