Après une intifadha de 6 mois contre la dictature du guide, une lutte armée farouche, lente, précautionneuse dans les principales villes de l'est libyen, bastion traditionnel de la rébellion et une série ininterrompue de flux et de reflux dans les différents champs de bataille, du littoral méditerranéen aux confins du Djebel Nafoussa, du nord à l'extrême sud désertique, les maquisards libyens, dont une bonne partie s'est adossée, avec le consentement tacite du gouvernement tunisien, au couloir stratégique de Dhiba-Wazen, pour le ravitaillement, l'évacuation des familles, le soin des blessés et le repos du guerrier, viennent de remporter la partie après avoir pris le contrôle de la capitale Tripoli, bombardé du ciel à longueurs de journées, depuis le début des affrontements, occupé le poste frontalier de Ras Jdir, mis en déroute les Kataeibs sur tous les fronts et nettoyé la forteresse de Bâb Elazizia, l'ultime tanière de Kadhafi, qui a régné sans partage sur ses compatriotes pendant 42 ans. Tout au long des terribles événements, qui ont jalonné les épreuves du peuple libyen depuis le 17 février 2011, les Tunisiens, marqués au fer rouge par les déclarations hostiles et menaçantes du colonel, au lendemain du triomphe de la révolution de la liberté et de la dignité, ont manifesté une solidarité sans faille aux insurgés, soutenu les familles des combattants de la liberté, réfugiées en Tunisie, réduit les partisans de Kadhafi -des intellectuels unionistes pour la plupart à l'image d'Innoubli, chef d'un parti politique d'opposition(sic) aux ordres de Ben Ali- au silence sur les plateaux de télévision et fait du pays la base arrière de l'effort de guerre des rebelles, notamment les montagnards de Nafoussa. Ce qui a favorisé l'osmose de l'idéal révolutionnaire chez les deux peuples frères. Désormais, une page douloureuse de l'histoire tripolitaine est tournée et une nouvelle est en train de s'écrire chez un voisin éprouvé, meurtri, exsangue, dont la destinée a toujours été liée à la nôtre et vice versa. Seulement, avec une superficie de 1,8 million de kilomètres carrés, une production pétrolière d'environ deux millions de barils par jour (17ème rang mondial), qui peut atteindre facilement, insistent des experts internationaux, les trois millions, des réserves pétrolières et gazières très importantes, estimées à 41,5 milliards de baril (10ème au monde) et 52,7 milliards de m3, ce qui place la Libye au 1er rang des pays producteurs en Afrique dans le domaine des hydrocarbures, le Conseil National de Transition (CNT), dont la légitimité est maintenant reconnue sur le plan arabe et international, est en mesure, dans cette phase allante, de redresser la situation sécuritaire du pays, de retisser des liens sociaux, mis à mal pendant le conflit, de dominer le quotidien, de rétablir la confiance, d'adopter des compromis, de déverrouiller le pays sur les grands enjeux économiques régionaux, d'illustrer les chantiers qui recèlent les promesses d'avenir et de parer au plus pressé. D'ailleurs, d'après des sources gouvernementales, le marché libyen de demain, en ouvrant les portes de la reconstruction nationale, peut absorber plus de 300.000 ouvriers tunisiens, accueillir les grands groupes du bâtiment du pays, construire des alliances dans les domaines les plus divers, tels que les bureaux d'études, les cliniques privées, les TIC, les industries alimentaires, les assurances, les banques, les pôles technologiques et la gestion des ressources humaines. Il est important pour les élites des deux pays, dans un contexte postrévolutionnaire, de tout temps champ magnétique d'exigences sociales, propice aux surenchères politiques, de laisser les idéologies à la porte, de tenir le cap au moment où tout les monde s'agite, de dépasser la dictature du court terme et d'examiner les choses avec distance. Afin d'acquérir une lucidité panoramique sur les enjeux régionaux, de tourner un carrousel de rêves dans la région du Maghreb, de favoriser, au plutôt, l'émergence d'une zone de libre-échange tuniso-libyenne, de libérer l'emploi, de refonder de nouveaux rapports économiques, de capitaliser les nouvelles ardeurs, issues de révolutions fondatrices, de conserver une vitalité démocratique. Qui veut ce qu'elle imagine. Et peut ce qu'elle veut. Car, ni la compétition, ni la politique, ni l'histoire ne sont finies. Au contraire, nous dit un membre du gouvernement provisoire, avec la présence de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord), tout près de chez nous, les plaques tectoniques de la géopolitique, de la géoéconomie et de la géoécologie se sont remises en mouvement, et ces réajustements ne se feront pas sans mal.