Jours tranquilles à Hammamet. Où le tourisme peine en ce ramadan 2012. Tout le long de la plage de sable fin allant du café Sidi Bouhdid (fermé le jour) jusqu'à Yasmine Hammamet, c'est à peine si vous rencontrez un marchand ambulant. Mahmoud est un irréductible. Il vend des fruits dans un grand couffin et les propose à des touristes qui n'en achètent que très peu. Hammamet. Avenue des Nations Unies. Dimanche 12 août 2012. 13 heures. Assis sur un tabouret en bois, Hichem, quatorze ans, tricot de corps et pantacourt bleu, attend, sur le perron du salon de thé que tient son père, tout le long de la grande avenue qui va jusqu'à la Gare, une estafette qui vient le livrer café, thé, sucre et autre eau minérale. Pour passer le temps, il compte le nombre des voitures qui passent, comme on égrène un chapelet. «Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit C'est tout ce qu'on a mieux à faire par cette chaude journée durant laquelle le chaland manque beaucoup», lance-t-il d'un air amusé. «Car, le soir tombé, on ne se presse pas au portillon. Le ramadan, ce n'est pas seulement à Hammamet, une baisse d'activité le jour, c'est aussi une baisse de fréquentation le soir», poursuit-il. Tous les parasols ne sont pas occupés Un peu plus loin, et en remontant vers la Gare, les abords de l'hôtel Sindbad ne sont pas jonchés, comme d'habitude, de voitures. Sur la plage de cet hôtel, tous les parasols ne sont pas occupés. On y rencontre, pour l'essentiel, quelques clients tunisiens, habitant l'hôtel ou de passage, venus passer la journée. Issam, médecin dans la banlieue sud de Tunis, est de la partie. Il occupe un parasol avec son épouse et ses deux filles, Aïcha et Fériel, 4 et 6 ans, qui sirotent un soda. Son épouse, esthéticienne, applique une crème solaire en écoutant de la musique sur son Smartphone. «Il est préférable d'être ici plutôt que de prendre une longue sieste sous un climatiseur dans mon appartement de Mégrine. Elle a d'ailleurs prévu de rompre le jeûne dans un restaurant de la ville. A une demi-heure du Maghreb, elle prend une douche sur place, et puis s'en va. Un menu à 25 dinars comme on en trouve dans quelques restaurants de la ville. «Et la journée est bien remplie». Car la plupart des restaurants de Hammamet ont fermé boutique en ce ramadan 2012. Et à chacun son programme. Amine, qui gère un restaurant à côté du Fort, dans la médina, a décidé d'entreprendre quelques travaux de plomberie. «Question de m'occuper un peu et de partir d'un bon pied. Car, aussitôt ramadan terminé, ça va bien démarrer!», lance-t-il. Tout le long de la plage de sable fin allant du café Sidi Bouhdid (fermé le jour) jusqu'à Yasmine Hammamet, c'est à peine si vous rencontrez un marchand ambulant. Mahmoud est un irréductible. Il vend des fruits (bananes, coings, oranges, raisins ) dans un grand couffin qu'il porte sur le dos. Il les propose à des touristes qui n'en achètent que très peu. Short blanc et chemise kaki, la quarantaine, la peau bronzée, il dit qu'«ils sont fauchés. Et puis cet All inclusive (formule proposant l'hébergement, les repas et les boissons) nous a compliqués la vie». «Les touristes prennent, dans un sac en plastique, ce qu'ils trouvent au sortir du déjeuner. Cela leur sert de nourriture alors qu'ils bronzent dans l'après-midi», rappelle-t-il. «L'oisiveté est mère de tous les vices» Deux policiers installés sur un quad visitent et revisitent la plage, interpellant, de temps à autre, des jeunes installés sur le sable. Brève et calme discussion et puis ils reprennent leur chemin. C'est que la nuit du samedi 11 à dimanche 12 août 2012 a été chaude à Hammamet. Une bonne partie de la discussion dans les cafés de Hammamet, après la rupture du jeûne, tournent, d'ailleurs, en ce dimanche 12 août 2012, sur les incidents qui ont lieu à Hey Jebli et à Hey Ouled Baten, deux quartiers de Hammamet, où des affrontements se sont déroulés entre les forces de l'ordre et des habitants. Dans un café de la Gare, Mansour, qui habite à Hey Ouled Baten, à proximité de Hammamet sud, y va de son récit. La police aurait arrêté un jeûne qui s'adonnait à de nombreux trafics, dont la vente de la drogue. «Accouru pour exiger la libération de son frère, un jeune de ce quartier s'est immolé par désespoir; il a été transporté d'urgence au Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous. Une vingtaine de jeunes auraient été arrêtés». «C'est malheureux, estime Radhouane, employé dans une banque de Hammamet, l'oisiveté est mère de tous les vices. C'est le chômage qui est responsable». Massaoud n'est pas du même avis: «Il n'y a pas de chômage à Hammamet. Les jeunes ne veulent plus travailler!» La discussion s'emballe. Pour Ismaël, chômeur, «peu importe que l'on soit chômeur ou pas. Voyez les prix. La sardine est à 3 dinars le kilo et le maquereau à 8 dinars!». Alors, il pense avoir trouvé la parade. Il part chaque jour avec sa canne à pêche de 10 à 16 heures. Il y pêche quelques poissons s'adonnant à un passe-temps favori. Il vend ses poissons, récolte des sous qu'il dépense le soir dans les cafés et les fast-foods de Hammamet. Même s'il sait que cela ne peut, à la longue, nourrir son homme. Encore moins bien remplir une vie!»