L'outil budgétaire rythme la vie économique. C'est lui qui donne le tempo et les tendances de l'année. Son décryptage doit être clair et net. Tout flottement laisse la sensation désagréable d'un gouvernement qui pilote à vue, le nez sur l'événement. Intervenant lors du séminaire de la CONECT (Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie) sur les principales orientations budgétaires, Nabil Abdellatif (président du Conseil de l'Ordre des experts-comptables) a été catégorique, appelant à une fiabilisation du processus budgétaire. Une discipline dans la gestion des finances publiques n'est pas un luxe, car c'est la grille de lecture de la politique économique et financière du pays. Plus d'exigence en la matière, c'est plus de confiance dans le climat d'investissement et d'affaires. Le standard budgétaire: éviter les projections aléatoires L'actualité donne raison à Nabil Abdellatif. Le budget de l'Etat reçoit des modifications en cours de route. C'est mauvais signe, pour les milieux d'affaires. Il y a un impératif de rigueur en la matière. La manipulation des comptes budgétaires n'est pas un symptôme de bonne santé économique. En 2012, le budget a été réaménagé par une loi de finances complémentaire. Voilà qu'on réédite la chose en 2013. Ce n'est pas du meilleur effet pour l'image de la puissance publique. Fallait-il établir le budget de 2013 sur une hypothèse de croissance de 4,5% pour devoir la retoucher en plusieurs occasions pour enfin se rabattre sur un taux encore incertain de 3%? Les réajustements induits par cette projection imprécise troublent les esprits et ce sont les contribuables qui paient les effets de rattrapage ultérieurs. Les augmentations du prix de l'énergie, carburants compris, sont de cet ordre là. Ces mesures exaspèrent le bon peuple et sont un facteur d'instabilité dont il faut se prémunir au maximum. La soutenabilité de la dette: associer la société civile L'état de confusion, induit par l'hésitation budgétaire, conduit souvent à agir dans la précipitation. Une fois acculé, l'Etat n'a plus d'autre recours que la dette. Un budget doit être bouclé, quelles que soient les circonstances qui prévalent dans le pays. Or, si elle sauve la face de l'Etat, la dette ne manquera pas de grever les revenus des contribuables et parfois peut accabler les générations futures. Le creusement du déficit et l'emballement de la dette, c'est-à-dire les déterminants de la soutenabilité de la dette, peuvent-ils relever strictement de la seule volonté de la puissance publique? Le président du Conseil de l'Ordre des experts-comptables, au vu de la gravité de l'endettement public, appelle à associer la société civile. En l'apparence, notre encours actuel, qui est inférieur à 50% du PIB passe pour être soutenable, n'était qu'il a servi, en partie, à financer les salaires des fonctionnaires. Nabil Abdellatif sous-entend que la société civile peut faire écran aux écarts, en la matière. Débusquer l'épargne thésaurisée Le pays ne manque pas de ressources d'épargne. Mais, regrette le président du Conseil de l'Ordre, elle est abondamment thésaurisée. L'immobilier lui sert de refuge, au détriment de l'investissement productif. Il rappelle que les sociétés de placement sur le mode PONZI ont drainé des ressources considérables. Un bon arbitrage entre politique monétaire et politique budgétaire contribuerait à la réinjecter dans le système. Il faut s'y atteler! Lire aussi : Tunisie - Sociétés de collecte de fonds: L'escroquerie tolérée! Affaire Yosr Développement : Une affaire Madoff à la sauce tunisienne?