Plus de vingt grossistes et intermédiaires arrêtés lors d'une campagne contre la spéculation    Rome : Un Tunisien expulsé pour mariage fictif afin d'obtenir un titre de séjour !    Le ciel en spectacle : éclipse solaire partielle ce 21 septembre    Coupe de la CAF – Entrée en lice de l'ESS face à Ahli Wad Madani à l'Azam Complex Stadium (14h00) : Se rassurer dès l'aller    Ligue 1 – 7e journée – Matches avancés – CSS : Attention à la marche !    Ligue 2 — 1ère journée : L'UST-l'USBousalem, l'affiche    Alerte météo : un puissant changement attendu en Tunisie dès la semaine prochaine    Retour des pluies : intensité accrue entre mercredi et dimanche prochains    16% de blessés en moins dans les accidents de la route cette année !    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    Six mois de prison pour avoir braqué un faux fusil d'assaut sur la police    Les Etats-Unis pourraient percevoir des milliards de dollars dans le cadre d'un accord sur TikTok    Schengen : ce que le nouveau système européen va changer pour les Tunisiens    Ahmed Ounaies : la décision marocaine sur les visas est «naturelle» et liée à la sécurité    Mise à niveau industrielle : 110 MD investis dans quatre secteurs    Pourquoi le dinar tunisien continue de se déprécier face à l'euro, malgré la croissance ?    Tunisie-Chine : inauguration d'un Centre de Formation en Médecine Traditionnelle Chinoise    Commentaire : Le pouvoir au peuple, non aux marionnettistes de coulisses    Mustapha Mnif: Vivre pour autrui    Plus de 400 000 élèves bénéficient d'une aide financière    Tunis accueille la 3e conférence internationale sur la pharmacie en oncologie    Tunisie : Plus de 100 000 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer    Le Portugal reconnaîtra officiellement la Palestine ce dimanche    Maroc, Kaïs Saïed, migration…Les 5 infos de la journée    Le président Saïed dénonce une campagne de déstabilisation depuis l'étranger    Boubaker Bethabet reçoit les félicitations d'Anas Hmaïdi pour son élection au bâtonnat    Sherifa Riahi : Intersection pointe des violations subies en détention    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    L'ombre comme ennemi, le vide comme allié    Hôpital Mongi Slim : inauguration d'un centre de formation en médecine traditionnelle chinoise et 7 unités de soin    L'huile d'olive tunisienne : les prix s'effondrent malgré la hausse des exportations    Liste des collèges et des lycées secondaires privés autorisés en Tunisie pour l'année scolaire 2025-2026    Israël promet « une force sans précédent » à Gaza-ville    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Travaux dans le sud de la capitale : prolongation de la déviation nocturne à Ben Arous    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    80 000 policiers mobilisés : Paris sous haute tension    La Société ''El Fouladh'' lance un concours externe pour embaucher 60 agents    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tunisie élections 2014 :
«Les politiques méconnaissent la réalité psychosociale du pays», affirme Sami Nasr
Publié dans WMC actualités le 10 - 11 - 2014

WMC : En 2011, les campagnes électorales se sont faites sur fond de crise identitaire et de lutte contre la corruption. Le parti islamiste brandissait à chaque fois l'argument “identité arabo-islamique et aliénation culturelle“. Les dernières élections ont montré que le peuple tunisien a voté plutôt “récupération de son identité culturelle“ certes mais ouverte et tolérante. Quelle est votre propre analyse de cet exercice électoral?
Sami Nasr : Analyser et comprendre les élections qui ont eu lieu en Tunisie en 2011, qu'il s'agisse des résultats qui en avaient résulté ou des campagnes menées à l'époque par les différents partis en lice, nécessitent aussi bien une étude sociologique approfondie de la réalité politique du pays qu'un examen objectif du contexte politique (partis et environnement politiques) ainsi que celle psychosociale du peuple tunisien.
Concernant la réalité politique du pays, jamais dans l'histoire contemporaine de la Tunisie on n'aurait connu un nombre aussi élevé de partis politiques. 150 dont les ressemblances ne s'arrêtent pas aux programmes et orientations mais vont jusqu'aux noms même des partis presque similaires.
Ainsi, un parti se fait appeler «Le Parti Justice et Développement», un autre «Le Parti Développement et Justice». Leurs lignes directrices et leurs promesses électorales sont aussi semblables. Ils se positionnent dans une large mesure en tant que “défenseurs de l'identité arabo-islamique“, résistants à la corruption et aux malversations, ainsi qu'à l'exploitation et la marginalisation des régions intérieures et défenseurs des classes sociales en situation précaire.
“Deuxième conséquence, la tendance à ce que nous appelons en sociologie politique des représailles électives“.
Tout cela a eu de mauvaises conséquences sur les résultats des élections pour le choix des membres de l'Assemblée constituante, sa composition et ses performances. Le citoyen lambda non politisé s'est retrouvé dans une confusion de genres et de tendances, ce qui a eu pour effet: l'abstentionnisme. Plus de la moitié de la population a refusé de participer aux élections alors qu'elle en avait le droit et même l'obligation dans la conjoncture que traversait le pays.
Deuxième conséquence, la tendance à ce que nous appelons en sociologie politique des “représailles électives“. En témoignent les campagnes menées tambours battants pour l'ouverture des dossiers sur la corruption, ou encore le lancement d'investigations ciblant les anciens dirigeants du régime sans aucune distinction de rangs ou de responsabilités. Il y a eu aussi tout un programme pour médiatiser les dossiers dans des organes de presse qui n'osaient pas critiquer ou même évoquer tacitement les dépassements du système, à l'époque où Ben Ali gouvernait. Ces dossiers «corruption» ont été très présents lors des élections du 23 octobre 2011 auxquelles, pour rappel, ont participé près de 17 partis issus de l'ancien régime.
Comment expliquez-vous la victoire d'Ennahdha à ces élections?
Je ne vois pas de relation entre sa victoire et son programme ou ses promesses électorales. J'estime que son succès s'explique par:
- Ce que nous pouvons diagnostiquer dans la sociologie comme une explosion sociale inhibée. C'est une réaction à l'oppression depuis le début des années 90 des islamistes par l'ancien régime. Leur élection, l'expression du refus du peuple des pratiques répressives de l'ancien régime. Il a voté contre l'oppression et l'interdit. Il ne faut pas non plus perdre de vue la dimension historique de l'activisme politique d'Ennahdha, sa profonde implantation dans le pays, du nord au sud, et son contrôle de ce que le sociologue français Pierre Bourdieu appelle «Le capital social», c'est-à-dire un réseau impressionnant de relais et de relations humaines.
Quelle est la relation en matière de choix électoraux entre la géographie et la politique? Pourquoi les votes des zones côtières en Tunisie se sont cette fois-ci alignés au projet sociétal tunisien classique tout comme ceux du nord-ouest alors que le centre-ouest et le sud ont plutôt voté islamique ou gauche, donc ont choisi les mouvances extrémistes?
Pour ce qui est de la lecture sociologique des résultats des élections de 2014, je commencerais par des observations préliminaires:
- nous avons enregistré un recul significatif de la tendance islamique et nous entendons par cela le mouvement Ennahdha;
- une perte de terrain indiscutable et inattendue des partis symboles de la lutte contre l'hégémonie et le mal avant 2011, et lesquels bénéficiaient d'une position privilégiée auprès des médias;
- la montée en flèche d'un parti sans histoire et qui n'a jamais lutté ou milité pour une Tunisie démocratique ou meilleure, c'est celle de l'UPL, parti présidé par Slim Riahi.
Pour ce qui est de la division quasi-géographique des résultats des élections, c'est en fait l'expression de la complexité des crises qui déchirent les partis politiques dans notre pays. Nidaa Tounes a échoué à se rallier le sud et Ennahdha à se rallier les régions du nord à forte densité populaire.
“Si les partis veulent garder leurs positionnements dans l'arène politique, ils doivent accorder plus d'importance aux techniques de communication…“
Les partis politiques, qu'ils soient vainqueurs ou perdants, souffrent de deux déficiences:
- celle de l'art de communiquer avec les populations selon leur implantation à travers le territoire national. Certains partis ont chargé des agences de communication d'établir pour eux des études stratégiques pour de nouvelles approches en fonction des catégories socioprofessionnelles et sociogéographiques pour ensuite les jeter dans des poubelles. Si ces partis veulent garder leurs positionnements dans l'arène politique de la Tunisie, ils doivent accorder plus d'importance aux techniques de communication et faire appel aux experts en la matière pour mieux les éclairer sur les particularités de leur peuple.
Le peuple tunisien est peut-être devenu plus conscient et plus mûr politiquement mais son sens civique s'est beaucoup dégradé ces 4 dernières années. Est-ce à cause de l'absence de l'Etat et de la suprématie de la loi? Après environ 4 années de révolution, il est temps d'étudier attentivement la conscience politique et le sens civique du peuple tunisien. La question que nous devrions poser aujourd'hui est : est-ce que les Tunisiens étaient préparés aux élections?
Le gouvernement de technocrates a affirmé que les conditions pour la tenue d'élections libres et transparentes sont appropriées et a annoncé le démarrage des élections presque avec des feux d'artifice. Personnellement et en tant que sociologue, j'ai, à maintes reprises, déclaré que le code électoral est convenable malgré quelques imperfections.
“… On a préparé les noces électorales en l'absence des principaux concernés, les mariés“
J'ai aussi affirmé que l'ISIE est neutre et indépendante et effectivement, on a permis aux observateurs nationaux et internationaux de suivre et de surveiller les élections, ce qui est bon pour le pays et l'image ainsi que les messages qu'il renvoie au national et à l'international.
Mais le plus important aurait été de préparer le citoyen lui-même à exercer son devoir et droit de vote. Si je peux me permettre l'expression, j'ai eu la nette impression qu'on a préparé les noces électorales en l'absence des principaux concernés: les mariés.
“La généralisation de la culture de la médiocrité…, la détérioration du pouvoir d'achat des classes moyennes… ont entraîné un grand taux d'abstentionnisme chez les jeunes“
Le peuple tunisien n'était pas prêt pour les élections. Mais les diktats politiques et médiatiques l'ont mis sous pression: c'est ce que nous appelons une situation psychosociale. La généralisation de la culture de la médiocrité, de l'échec et de la défaite, la détérioration du pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires, la crise de confiance avec les partis politiques qui s'est creusée au fur et à mesure de leur exercice sur la scène publique et la peur du terrorisme, ont donné suite à un grand taux d'abstentionnisme chez les jeunes qu'on a ignorés ces quatre dernières années et également à un vote sanction contre la Troïka et ses opposants.
Une grande partie du peuple tunisien déclare haut et fort que les crises économiques, sociales et sécuritaires ont été causées en partie par l'échec des gouvernements successifs au pouvoir depuis 2011, à l'incompétence et l'incapacité des partis politiques lesquels, loin d'aider à reconstruire le pays, ont limité leurs rôles aux revendications abusives, ont œuvré à l'instabilité sociale et ont jeté du feu sur l'huile de la rue. Résultat: nombre de projets salvateurs n'ont pas pu être réalisés.
L'instabilité sécuritaire mais surtout sociale ont entraîné une régression économique. Quelles sont, d'après vous, les conditions qui permettraient au prochain gouvernement de reprendre les choses en main et de remettre la machine économique en marche?
Une partie de la solution réside dans la relance des investissements nationaux et internationaux. Mais personnellement, je pense que notre seule échappatoire dans les crises qui attendent le pays dans les prochaines années dépend du degré de conscience du citoyen tunisien quant aux exigences de cette étape.
“Ils ont délibérément leurré le peuple en ne lui expliquant pas qu'il devait se préparer à la phase postrévolutionnaire“
Nous savons que tous les partis ont fait appel à des experts et des compétences économiques, ce qui prouve qu'ils sont eux-mêmes éclairés sur l'importance des enjeux socioéconomiques et sécuritaires qui attendent le pays. Mais ils ont délibérément leurré le peuple en ne lui expliquant pas clairement qu'il devait se préparer à la phase postrévolutionnaire. Tout au contraire, ils lui ont promis monts et merveilles. Leurs promesses électorales ont été des illusions et ont frôlé la fiction mais le peuple s'est réveillé.
“Il faut mettre les personnes qu'il faut aux places et se libérer des pratiques des postes sur-mesure“
Le succès du prochain gouvernement dépendra, donc, du rétablissement de la confiance entre lui et le peuple. Il faut l'éclairer quant aux risques sur l'économie du pays lorsque les institutions et départements publics travaillent à hauteur de 10% de leurs capacités.
Son succès dépendra de son courage à dire la vérité au peuple et à réhabiliter les jeunes et les régions marginalisées en ne les considérant pas comme des assistés structurels mais comme des acteurs dans l'édification de la Tunisie de demain et des responsables dans le succès de tous les projets en cours ou à venir.
Le plus important réside, toutefois, dans le courage des partis à faire fi des égos des uns et des autres pour servir les intérêts du pays et les exigences de la prochaine phase qui ne sera pas des plus aisées, qu'il s'agisse de l'exercice gouvernemental ou encore des conditions de vie pour les Tunisiens. Pour ce, il faut mettre les personnes qu'il faut aux places qu'il faut et se libérer des pratiques des postes «sur-mesure» qui ont mis à mal le pays.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.