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Sommes-nous en panne d'avenir ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 02 - 2012


Par Jallel SAADA
En l'absence d'une vision politique réaliste mais aussi ambitieuse et d'une réelle volonté à instaurer et renforcer l'Etat de droit, la Tunisie semble s'avancer vers l'impasse. Sous les coups de boutoir des grèves, des coupeurs de routes, de la violence salafiste, des erreurs et de l'indécision du pouvoir actuel, la détérioration de l'économie s'accélère, les problèmes sociaux s'aggravent, l'insécurité perdure et s'étend, la corruption continue son petit bonhomme de chemin, l'autorité de l'Etat s'étiole. L'inquiétude générale qui en découle a pour conséquence directe de castrer les énergies créatrices et de décourager les investisseurs nationaux et étrangers.
Une telle situation est surprenante, surtout après les premières élections libres et démocratiques que nous venons de vivre. Mais, le discours pour le moins contradictoire et ambigu d'Ennahdha, le non-respect par Ettakattol de son engagement public consistant à ne pas nouer d'alliance avec ce parti ont privé le trio gouvernemental de la période de grâce dont jouissent normalement tous les vainqueurs d'élections.
Une majorité sans contrainte ni boussole
Par l'inadéquation de leurs discours et de leurs actes, le gouvernement de la Troïka et la majorité à l'Assemblée constituante, tous deux dominés par Ennahdha, ne réussissent pas à créer le climat de confiance nécessaire à la reprise des activités.
Un sentiment diffus traverse l'esprit des Tunisiens : alors que personne n'a contesté ses résultats, le processus électoral démocratique que nous venons de vivre semble déboucher sur un mauvais coup pour la démocratie. En effet, la loi organisant provisoirement les pouvoirs publics ou «mini-Constitution provisoire» devant régir le pays pendant cette période transitoire ne fixe pas la date des prochaines élections. Partant de là, la durée des mandats de l'Assemblée élue, du gouvernement et du président de la République reste indéterminée. Toutes les hypothèses sont donc ouvertes.
Pourtant, la loi électorale appelant les citoyens à élire leurs représentants à la Constituante limitait le mandat de cette dernière à un an en vue de la rédaction de la nouvelle Constitution du pays. Onze sur douze des partis les plus importants, notamment Ennahdha et Ettakattol, se sont engagés par écrit, devant le peuple, devant les électeurs, à ne pas outrepasser ce délai.
Se retranchant derrière des prétextes difficiles à défendre, la Troïka a imposé la non-mention de ce délai d'un an dans «la mini-Constitution provisoire». Dans ces conditions, il est tout à fait naturel que les Tunisiens s'inquiètent et se sentent floués.
Le temps presse et l'Instance supérieure indépendante pour les élections n'a toujours pas été appelée à reprendre son travail pour compléter et mettre à jour les listes électorales (quatre millions de personnes ne sont pas encore inscrites). L'alternance au pouvoir passera-t-elle par les urnes comme c'est le souhait de l'écrasante majorité des Tunisiens...? On ne peut s'empêcher de poser ce genre de question qui sème le doute. Pourtant, si Ennahdha, le CPR et Ettakattol voulaient réellement réduire les tiraillements politiques qui empoisonnent l'atmosphère générale, il leur suffirait de présenter à l'Assemblée constituante un texte de loi fixant le prochain scrutin législatif à la fin du mois d'octobre 2012. Une telle initiative sera, sans nul doute, saluée par l'unanimité des constituants et permettra au pays de reprendre enfin son souffle.
Le retrait de l'Etat constitue quant à lui la cause la plus alarmante pour le présent et le futur proche. Alors que la violence légale, celle relative à la défense des libertés et des intérêts publics et privés relève du seul monopole de l'Etat, nos forces de l'ordre sont régulièrement prises pour cible.
Pendant plus d'un mois, la ville de Sejnane a vécu sous l'autorité d'un émir autoproclamé. Pendant plus de deux mois, les cours et les examens ont été suspendus à la faculté de La Manouba, suite à son occupation par un groupe de salafistes. Il faut souligner au passage que le port du niqab n'est pas une affaire de liberté individuelle, mais de sécurité publique. Son port devrait être interdit dans tous les espaces publics. Qui se cache derrière le niqab : un terroriste, un malfaiteur voulant échapper aux forces de l'ordre, une personne recherchée par la justice, madame Leila Trabelsi, son mari ?... Les facultés de Monastir et de Sousse, des foyers universitaires sont pris pour cibles par des gens qui, eux aussi, se réclament de l'islamisme. Des menaces de mort sont proférées, des journalistes molestés, des commissariats de police attaqués et brûlés ; des groupes armés circulent. A qui donc revient la responsabilité de restaurer la sécurité et l'autorité de l'Etat ?
Pourtant, le consensus est général autour de l'idée qu'il n'y aura pas d'investissement sans retour à la sécurité et conséquemment pas de solution au problème du chômage. En un an, ce dernier est passé de 600 000 à 800 000 personnes. De plus, en l'absence de vision claire et de décisions rapides et efficaces, ce chiffre est malheureusement appelé à croître au cours des prochains mois.
Il n'y a pas de vents favorables pour celui qui ne connaît pas son port ; serait-ce le cas de la coalition gouvernementale qui compte une armée de ministres mais ne dispose pas d'un programme ?...
Le pays attend ; mais, rien ne vient ! Aux sans-emploi, la Troïka promet du travail dans les pays du Golfe, en Europe et en Libye où la reconstruction nécessitera des cadres et une main-d'œuvre nombreuse. Pendant plusieurs semaines, cette équipe a semblé ignorer que l'insécurité qui règne en Libye et la crise qui sévit en Europe n'incitent pas à de tels espoirs. D'un autre côté, le rôle trouble des pays du Golfe n'incite pas à la tranquillité. Ils financent les courants islamistes, y compris les moins éclairés d'entre eux, abritent Zaba, sa femme, son gendre, Sakhr El Materi, qui détiennent dans leurs banques péninsulaires des fortunes extorquées à notre pays et cherchent, dans le même temps, à nous faire croire qu'ils sont les supporters de notre révolution ! N'est-ce pas eux qui ont envoyé, l'été dernier, leurs chars mâter le soulèvement populaire à Bahreïn ?
Quant au credo de M. Marzouki sur l'unité du Maghreb, nous l'appelons tous de nos vœux; mais, il est un fait que depuis le 5 juillet 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, les frontières qui séparent ce pays du Maroc n'ont été ouvertes que pendant sept ans, sept mois et trois semaines. Deuxio, dans un contexte de non-contrôle de la violence et de non-coopération effective entre les services de renseignements des pays maghrébins, l'ouverture des frontières et la liberté de circulation des hommes profiteront en premier lieu aux groupes terroristes.
Maladroits, Messieurs Rached Ghannouchi et Hamadi Jebali, pris dans leur piège de double discours, l'un à l'adresse des salafistes et l'autre à la partie modérée d'Ennahdha, mettront plusieurs jours avant de dénoncer les appels à la haine raciale et au meurtre des juifs lancés par une foule venue, en même temps qu'eux, accueillir M. Ismail Hania. Est-ce ainsi qu'ils comptent apaiser les esprits, rassurer nos compatriotes juifs, rétablir la confiance des investisseurs et encourager les touristes à venir en nombre redonner vie à nos hôtels, nos restaurants et notre artisanat ?
Il n'est pas possible dans un court article de presse de passer en revue tous les sujets qui alimentent nos inquiétudes. Je me contenterai donc d'évoquer le tout dernier. La diplomatie tunisienne vient de renvoyer l'ambassadeur de Syrie, sans avoir pris au préalable les dispositions nécessaires pour évacuer nos ressortissants ! Faut-il rappeler que gouverner, c'est prévoir ?
Un fait est certain, le nombre des déçus et des mécontents, y compris parmi ceux qui ont voté pour Ennahdha, le CPR ou Ettakattol, ne cesse de croître. Dans le même temps, l'opposition ne réussit toujours pas à présenter une alternative audacieuse et crédible.
Quel rôle entend jouer l'opposition ?
Va-t-elle se contenter de critiquer les dérives de la coalition majoritaire tout en proposant des correctifs ou bien entend-elle jouer un rôle central dans l'édification de la Tunisie d'après la révolution ?
Partis en ordre dispersé, atomisés, les partis de gauche, du centre et les listes indépendantes ont été les grands perdants des élections du 23 octobre 2011. Pourtant, c'est parmi eux que la Tunisie compte ses meilleurs fonctionnaires internationaux, ses meilleures élites universitaires, scientifiques, techniques, culturelles, artistiques... Le 24 octobre, la Tunisie s'est réveillée avec une gueule de bois dont elle a du mal à se remettre.
Si elle commence timidement à se rassembler par affinités, l'opposition ne semble pas encore avoir tiré tous les enseignements de son échec électoral. Elle ne semble pas avoir entendu les désirs profonds de notre peuple. Il est à craindre que les calculs partisans étroits et les combats de chefs qui sourdent ne préparent de retentissants et catastrophiques échecs à venir.
Tabler uniquement sur l'échec annoncé de la Troïka comme tremplin de retournement de situation relèverait de la naïveté politique et contribuerait à aggraver la morosité générale des Tunisiens touchés par le syndrome de l'angoisse. Ces derniers ont compris que l'équipe actuelle au pouvoir ne peut pas donner plus qu'elle n'a déjà donné et, au-delà du brouillard qui plane sur la scène tunisienne, leur regard se porte sur les prochaines échéances électorales. Dans moins d'un an ! Du moins en principe.
Comment redonner espoir aux Tunisiens ? Comment rassembler et canaliser les énergies créatrices, celles qui ont fait chuter l'ancien régime ? Comment arracher la grande masse silencieuse au défaitisme qui la taraude ? Elle représente la moitié du corps électoral réel soit quatre millions de personnes. Ces derniers avaient boycotté les élections du 23 octobre 2011... Comment mettre le pays en marche dans le sens de la réalisation des objectifs de notre révolution ?
Après la standing ovation du Sénat américain qui a salué notre Révolution, après l'admiration que cette dernière a soulevé dans le monde entier, après l'impact direct qu'elle a eu sur les peuples arabes qui continuent à pourchasser des dirigeants corrompus et injustes, les Tunisiens voient grand, très grand. Ils ne peuvent absolument pas se satisfaire du bricolage qu'on leur présente en guise d'avenir. Ne pas comprendre cela, ne pas le percevoir, relève d'une évidente incapacité à évaluer les potentialités que recèle encore le puissant volcan qui a changé le visage de notre pays.
Notre peuple attend un projet de société à la mesure de ses ambitions, un projet capable de canaliser les énergies créatrices et les immenses ressources humaines dont regorge le pays aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières. C'est autour d'un projet collectif mobilisateur, d'une feuille de route tout au moins, que se construira l'alternance et non pas par des tractations individuelles entre dirigeants et cadres des partis.
La Tunisie est en mesure de devenir le «tigre» de l'Afrique, du monde arabe et de tout le bassin méditerranéen. C'est vers ces hauteurs que notre peuple aspire accéder, c'est vers ce cap que nous devrions tourner nos regards !
Il y a soixante ans, quand nous accédions à l'indépendance, la Corée du Sud était un pays sous-développé souffrant d'un état de dénuement total, similaire à celui de la Tunisie de cette époque là, sans richesses minières, sans pétrole, sans élite scientifique, manquant de tout... La suite nous la connaissons tous. Ce pays est devenu le premier constructeur naval au monde, le premier dans le domaine du BTP, Hyundai et Kia sont coréens, Samsung, est coréen… Aujourd'hui, ce pays est devenu la 12e puissance économique mondiale !
Les Coréens l'ont fait, nous sommes sans nul doute en mesure de réaliser de tels miracles !
Cette ambition nécessite des réformes profondes touchant tous les domaines d'activité. Et c'est à cet exaltant programme de réformes qu'il faut se mettre rapidement au travail.
Laissons donc les débats stériles aux nostalgiques du passé, ne gaspillons plus nos énergies. Ennahdha tente à nouveau de fourvoyer le débat national en le plaçant sur le thème de la Charia comme source principale d'inspiration du législatif, comme si la Charia était une solution aux problèmes concrets du développement. Laissons-leur ces combats d'arrière-garde et occupons-nous à tracer la route qui mènera notre pays vers les hauteurs, vers le progrès économique et social, vers plus de liberté.
En glorifiant la culture de la connaissance, du travail et de l'effort, en mettant en œuvre les politiques qui contribueront à la réalisation de cet idéal, nous ferons de notre peuple un bâtisseur d'avenir et de notre pays une vitrine pour le monde.
C'est autour d'un tel projet d'avenir que nous devons rassembler notre peuple et c'est autour de ce même projet que le grand parti réformateur et démocratique devrait se constituer.
Voilà ce que je dirais à mes compatriotes pour qu'ils soient la levure de ce grand parti réformiste et démocratique dont notre pays a besoin.
Quant aux dirigeants politiques et aux personnalités indépendantes se réclamant du courant réformiste, je leur dirai : rassemblons, au sein de ce parti démocratique, toutes les énergies éparses pour que notre rêve collectif devienne réalité.
Démocratique, ce parti se dotera d'un statut permettant aux différentes sensibilités de s'exprimer pour enrichir et féconder les débats par leurs apports mutuels. Dans ce nouvel espace, les ambitions individuelles seront respectées et, à chaque échéance électorale, des primaires seront organisées pour désigner le ou les candidats les mieux placés pour défendre le programme de ce parti. De telles garanties statutaires constitueront un solide ciment pour tout l'édifice.
Nous sommes en mesure de sortir notre pays de l'impasse, nous ne sommes pas en panne d'avenir !


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