SMSI. SMSI. SMSI. Depuis quelques temps, on ne parle que du SMSI. Le sommet onusien qu'accueille Tunis actuellement est sur toutes les lèvres et même ceux qui n'ont jamais touché un clavier savent maintenant ce qu'est la fracture numérique, la gouvernance d'Internet et Internet tout court. Ne serait-ce que pour cela, le SMSI avait du bon à être organisé en Tunisie. Le problème est que, depuis au moins trois ans, je ne parle pratiquement que de cela, et depuis quelques semaines, toute ma vie professionnelle ne tourne qu'autour de cela : le SMSI ! Au moment du Sommet, même ma vie privée ne tournera qu'autour de cela. Raisons professionnelles obligent, je ne peux écrire que sur le SMSI dans les rubriques d'actualité. Dans celle des chroniques, je vais essayer de m'échapper un peu à ce que l'actualité exige pour parler d'autre chose. C'est que le monde, en parallèle du SMSI, a continué à tourner, et on ne se rend pas vraiment compte de ce qui nous arrive, nous qui sommes concentrés sur le plus grand événement mondial en matière de société de l'Information. A l'instar des Européens, et de multiples autres pays développés, la Tunisie a adopté un nouveau système horaire : l'heure d'été et l'heure d'hiver. Quand on a repris l'heure d'hiver en septembre dernier, on n'en a pas beaucoup parlé vu qu'on attendait d'accueillir le ramadan. Et puis on s'est occupé de l'aïd et puis le SMSI. Une petite halte est pourtant nécessaire pour établir un petit bilan sur cette expérience. Qui va établir le bilan ? Quels sont les résultats ? Va-t-on répéter l'expérience ? A toutes ces questions, on nous répond qu'on est en train d'étudier la question et qu'on va obtenir la réponse bientôt. Mais vu le ramandan, l'aïd et le SMSI, nous n'avons pas cherché, nous autres journalistes, à obtenir ces réponses. En attendant que toutes ces activités finissent, j'ai trouvé de quoi me mettre sous la dent entre deux événements du Sommet. Il s'avère que, selon une étude des plus récentes, «85% des Français se réveillent de bonne humeur lors du passage à l'heure d'hiver». En clair, ils vont aux boulots tout joyeux, tout contents. On imagine aisément la productivité qui suit cette bonne humeur ! Est-ce que la même chose peut être extrapolée en Tunisie ? En théorie, oui. Car qu'est-ce qui empêche un Tunisien d'être joyeux et content à l'instar du Français lors du passage à l'heure d'hiver ? En théorie donc rien. Portant, en pratique, il s'avère que non. Je dis ça comme ça sans l'appui d'une étude quelconque qui puisse fortement me démentir. Et ça ne m'étonne pas vraiment, car on cherche toujours à nous démentir et à nous dire le contraire de ce qu'on a affirmé dès lors qu'on n'a pas un document justifiant ce qu'on avance. Et c'est le cas, vu que je n'ai aucun document appuyant mes déclarations que le Tunisien, à l'heure d'hiver, se réveille de bonne humeur. Et comment ! Lui, qui s'apprête à se réveiller de bon matin alors qu'il est en train de jeûner et que la veille il a tardé au café devant son rami, autour de sa chicha, sirotant son thé, comment peut-il se réveiller de bonne humeur ? Comment peut-il l'être lorsqu'il entre au boulot, il croise à la porte d'entrée son chef de service avec sa gueule de bois en train de lui demander des comptes sur les raisons de son retard ! Comment peut-il l'être, lorsqu'il va au marché à 11 heures, il trouve plein de gens ! Il n'arrive toujours pas à comprendre ce qu'ils font au marché, au lieu d'être au boulot ! Il ne comprend pas ces embouteillages de 14 heures et ces queues infinies devant le boulanger à 17 heures ! On dirait qu'on fait exprès de lui empoisonner l'existence, lui le pauvre Tunisien qui tient à veiller tard la nuit, à se réveiller tard le matin, à rejoindre tardivement le boulot, à aller à 11 heures au marché, à rentrer à 14 heures en voiture, à attendre 17 heures pour acheter le pain Pourquoi faut-il que tout le monde fasse la même chose que lui, en même temps que lui ! Et puis après, il y a l'aïd et le concert des enfants qui veulent tous acheter de nouveaux vêtements. Non qu'il soit pingre, mais c'est que partout où il va, il y a des bousculades ! Tiens ! Cette année, il a décidé de laisser tomber les coins où il a l'habitude d'aller pour leur préférer le nouveau centre commercial, le plus grand de toute la Tunisie. Il sait que c'est géant, car lui, il sait tout ! Eh bien quand il y est allé, il a trouvé des milliers de personnes avant lui ! Décidément ! Tout est fait pour qu'on lui gâche sa bonne humeur ! Et voilà maintenant que le ramadan est fini et que l'aïd est fini et qu'il s'apprête à reprendre sa joie de vivre, qu'est venu le SMSI. Ce qui le dérange, ce n'est pas le plan de circulation et toutes les procédures sécuritaires imposées par la visite dans notre de pays de dizaines de Chefs d'Etat. Non, au contraire, ceci lui permet de gonfler le torse parce qu'il vit dans un pays abritant un important événement mondial. Ce qui le dérange, c'est que lorsqu'il s'apprête à parler du SMSI, du fossé numérique, de la fracture, de l'Internet, etc., il se rend compte que tout le monde en parle ! Mais pourquoi veut-on lui empoisonner l'existence et l'empêcher de vivre sa vie et ses passions tranquillement ? Que 85% des Français se réveillent de bonne humeur à l'heure d'hiver, c'est bien et on imagine que les Tunisiens le sont également. En théorie, répétons-le. Ceci nous permettra d'envisager de répéter l'expérience l'année prochaine pour qu'elle devienne tradition. La différence est que quand le Tunisien se réveille de bonne humeur, il y aura certainement des centaines d'autres pour la lui gâcher ! C'est ça la différence qui fait qu'en pratique, le Tunisien ne peut jamais ou difficilement du moins- être de bonne humeur !