Lors de la journée organisée par la Fédération Tunisienne de Football, portant sur le sponsoring sportif en collaboration avec la FIFA, le diagnostic d'un déficit d'image du « système football » en Tunisie a été mis en avant par les participants. Ce déficit expliquerait en grande partie les réticences des mécènes ou sponsors potentiels pour injecter de l'argent dans la filière footballistique, privant ainsi ce sport d'une professionnalisation accrue nécessaire à sa compétitivité au niveau international. La saison footballistique 2006/2007 étant finie, de nombreuses questions se posent concernant le championnat, malgré une fin de saison haletante sur le plan des résultats sportifs, le niveau technique devient de plus en plus médiocre (mis à part quelques matches), l'arbitrage a été très contesté, l'organisation et le financement des clubs sont plus que jamais à l'ordre du jour. La question de l'arbitrage et son image en Tunisie, en tant que composante principale de l'image des sports collectifs et du football en particulier, peut et doit être traitée d'une manière plus équilibrée, plus sereine, loin des surenchères passionnées auxquelles se sont livrées les médias, les supporters et les instances sportives le long d'une saison considérée « très chaude » à cet égard. SIGMA Conseil, bureau d'études indépendant et spécialiste des enquêtes par sondage a réalisé une étude portant sur le thème « Comment les Tunisiens jugent-ils les arbitres ? » où les « juges » sont jugés à leur tour. Il s'agit là d'une première dans le processus de rationalisation du traitement de la question de l'arbitrage en Tunisie. L'opinion des Tunisiens telle que relevée dans cette enquête ne doit pas être comprise comme étant une évaluation objective de la prestation du corps arbitral dans son ensemble, mais il s'agit de l'évaluation de la perception du public concerné par les sports collectifs et le football en particulier. Ce même public qui fréquente les stades, celui qui commente les matchs, qui supporte les couleurs de ses équipes et qui est visé par le ciblage publicitaire des sponsors et autres annonceurs, ce public est en quête légitime de la mise à niveau du sport roi, le football en Tunisie, tant ce sport suscite de la passion et représente des enjeux sur le plan économiques, sociaux voire parfois politique. Que dit cette enquête inédite, quels sont ses principaux résultats ? Et quels enseignements en tirer ? En réponse à la question « A travers ce que vous pouvez voir à la télévision ou sur les stades ou même entendre dire, dites-moi si vous considérez que la qualité de l'arbitrage est excellente, bonne mauvaise ou très mauvaise ? », 84.3 % des répondants (échantillon de 983 hommes de 18 ans et plus représentatifs des différentes catégories socioprofessionnelles selon les données de l'INS des zones urbaines) ont une mauvaise image de l'arbitrage (53.9% mauvaise et 30.4% très mauvaise), contre seulement 12.8% la considérant bonne (dont 1.8% considérée « excellente » !). 2.8% des interviewés se sont abstenus de répondre à cette question. Quand on a posé la question « Quelles sont les trois principales qualités d'un arbitre de sports collectifs tels que le foot, le handball ou le basket ? Question à choix multiples », l'impartialité et l'honnêteté est arrivée en premier avec 57%, suivies de la nécessaire bonne condition physique, bien avant des assertions telles que « la fermeté ou la sévérité » qui a recueilli seulement 23% des réponses ou encore « l'attention et l'écoute » avec 13.6%. Sur la principale difficulté à laquelle un arbitre doit faire face, les réponses été dans l'ordre : La pression des joueurs (34.2%) ; La pression du public (27.1%) ; Un temps de décision restreint (20.3%) ; L'impossibilité de revoir l'action (17.5%). 0.9% ne se prononcent pas. Quant à la violence verbale de la part du public à l'encontre des arbitres, la réaction des interviewés était la suivante : 69.9% la trouve excessive (46.7% toujours excessive et 23.3% souvent excessive), 30.1% la trouve justifiée (dont 23.9% « souvent justifiée » et 6.2% la trouvant « toujours justifiée » !). Sur la fonction d'un arbitre, les avis ont été assez tranchés : 85% des interviewés qualifient l'arbitre de « Sportif » avant tout, 33.2% de « Juge », 19.9% de « Médiateur », et 6.4% de « Policier » ! Pour améliorer leur image auprès du public, les interviewés proposent majoritairement qu'il y ait davantage de communication de la part des arbitres pendant et après les matchs, déplorent tout de même leur surmédiatisation et proposent qu'on révise leurs émoluments à la hausse, soit au niveau des enjeux sportifs et financiers des matchs à générer. Afin de mesurer l'attractivité du métier d'arbitre en Tunisie et donc d'en évaluer en partie l'image, l'enquête a prévu de poser la question suivante « Aimeriez-vous devenir un arbitre ? », 78.4% des personnes interviewés ont répondu « Certainement pas », 6.8% « Pas vraiment », soit un total rejet de 85.2% contre 8% ayant répondu « Eventuellement oui », 5.7% « Absolument oui », soit 13.7% d'agrément. Il est à noter que 1% de l'échantillon interrogé a déclaré qu'ils sont déjà des arbitres ! Le principal enseignement qui ressort des statistiques de cette enquête par sondage est la relative mauvaise image et son impact sur le niveau de confiance dont jouit malheureusement le corps arbitral auprès du public concerné par le sport collectif et le public footeux au premier chef. Un travail marketing de la part des instances arbitrales est nécessaire : pédagogie, séduction, valorisation du métier, communication ciblée et structurée (un seul porte parole, ), introspection et remise en cause, maîtrise technique, etc. ; D'autre part, les fédérations et notamment la ligue de football professionnel devrait s'orienter vers une professionnalisation des arbitres avec une valorisation conséquente tant en termes financiers (augmenter conséquemment leurs émoluments selon performance) que sur le plan moral. Enfin, au niveau des médias audiovisuels et écrits, le sensationnel, c'est connu, fait vendre, mais compte tenu de l'image des arbitres telle qu'elle ressort de cette enquête, les journalistes, sans pour autant concéder sur le terrain de l'objectivité, pourraient traiter la question de l'arbitrage avec un angle moins passionnel, plus raisonné que celui qui règne malheureusement dans les stades, les cafés et autres places publics. Les journalistes sont certainement conscients du rôle qui leur incombe, à savoir, participer à hisser tout le sport tunisien au niveau de ses ambitions, celles du succès et des palmarès internationaux et celles de l'ancrage des valeurs sportives et de l'éducation physique auprès de la jeunesse. Pour mémoire et pour être complet sur la question, il est utile de rappeler en cette période d'intersaison que le nouveau président de la FTF, M. Tahr Souid a promis à son élection, d'oeuvrer avec les membres du nouveau bureau fédéral à élargir la base, offrir plus d'opportunités de formation et encourager financièrement les arbitres pour accroître le nombre et trouver plus de choix dans la direction des rencontres quelque soit l'enjeu. "Nous ambitionnons d'arriver à une situation où on pourra se passer des services des arbitres étrangers", a-t-il souligné. * Directeur Général de SIGMA Conseil, bureau d'études statistiques Fiche technique : Enquête SIGMA, réalisée par sondage en face-à-face en 2007 auprès de 983 individus de 18 ans et plus dans le Grand Tunis, Sousse et Sfax, selon la méthode des quotas sur les tranches d'âge, les catégories socioprofessionnelles et les zones d'habitation selon les données de l'INS (recensement national 2004). Détails disponibles par email au [email protected].