Une diplomatie dépassée par ses postures extrémistes Longtemps admirée pour son intelligence stratégique et sa capacité à peser malgré sa taille et l'absence de ressources naturelles, la diplomatie tunisienne se débat aujourd'hui dans un chaos d'incohérences. Entre discours maximalistes, rhétorique idéologique et dépendances économiques irréductibles, le pays donne l'image d'un acteur dépassé par ses propres postures, incapable de transformer ses mots en stratégie. Bourguiba et les pères fondateurs, qui avaient fait de la Tunisie un modèle de pragmatisme et de neutralité active, doivent se retourner dans leurs tombes.
Une diplomatie erratique et contradictoire Le président et ses thuriféraires fulminent contre l'Occident, rejettent le FMI et se rêvent champions d'une souveraineté de carton-pâte. Pourtant, 78 % du commerce tunisien demeure lié à l'Union européenne, et les Tunisiens résidant à l'étranger assurent une part vitale du PIB. Les « conditionnalités » dénoncées à Bruxelles se transforment aussitôt en sollicitations pressantes auprès d'Alger ou des monarchies du Golfe — lesquelles monarchies, ironie suprême, commercent ouvertement avec Israël, l'ennemi juré de la rhétorique officielle. Le 12 septembre, Tunis s'est abstenue lors du vote historique de l'Assemblée générale de l'ONU sur la reconnaissance de l'Etat de Palestine, rejoignant un club improbable : l'Iran et l'Irak. Quelques jours plus tard, au sommet de Doha, la Tunisie s'est contentée d'une présence spectrale, à mille lieues de ses envolées verbales habituelles. Revendiquer « toute la Palestine avec Jérusalem comme capitale, sinon rien » sonne aujourd'hui comme un dogme déconnecté des réalités géopolitiques — même les Palestiniens les plus extrémistes ne le revendiquent plus. Le discours de Bourguiba, prononcé le 3 mars 1965, apparaît aujourd'hui comme un avertissement tragique : le pragmatisme a cédé la place à l'idéologie et à l'immobilisme.
Alliances de façade et incohérences stratégiques Les alliances vantées avec l'Iran, la Russie ou la Chine relèvent davantage du folklore diplomatique que d'une stratégie sérieuse : échanges dérisoires, promesses creuses, absence d'investissements tangibles. Une politique confuse, irréaliste, démagogique — et, à terme, autodestructrice. Même les partenaires historiques, lassés, resserrent l'étau : l'Union européenne conditionne désormais son aide au respect des droits humains et à la transparence. Le projet maghrébin est en coma profond. L'alignement systématique de Tunis sur Alger, notamment en Libye et sur le Sahara occidental, constitue une faute stratégique majeure, contraire à la position équilibrée que la Tunisie a toujours défendue depuis l'indépendance. La diplomatie tunisienne est désormais perçue comme erratique, peu fiable et inaudible. Son rôle historique de médiateur s'est évanoui, sa coopération sécuritaire avec l'Europe s'effrite, et son isolement diplomatique s'accentue.
L'urgence d'une diplomatie réaliste En diplomatie comme sur tant d'autres sujets, le verbe a remplacé la stratégie. Mais dans un monde en crise, les slogans ne protègent ni les frontières ni les estomacs. La Tunisie, à force de confondre posture et vision, joue avec ses moyens limités comme si elle était une puissance et risque d'en payer le prix fort. Une diplomatie crédible ne se décrète pas : elle se construit avec réalisme, cohérence et anticipation. Ignorer cette règle fondamentale pourrait transformer le rêve de souveraineté en un désastre tangible pour le pays et ses citoyens.