La presse électronique est devenue un phénomène incontournable qui a porté une véritable révolution dans le monde des médias et de la communication, dont les dimensions et les effets politiques, sociaux, économiques et culturels sont évidents. La réaction face à cette profonde transformation varie selon les cultures, les intérêts et la capacité à intégrer l'innovation et la création. Il y a ceux qui accueillent favorablement cette révolution qu'est la presse électronique, y contribuent et adhèrent à son développement et à sa promotion; ils sont de plus en plus nombreux, enthousiastes, et c'est sans doute là un signe positif. Il y a aussi ceux qui sont réticents face au changement, attachés avec frilosité aux cultures du passé et peu sensibles au caractère irréversible de cette révolution qui s'accomplit sous nos yeux et à laquelle nous devons participer car, de toutes façons, elle se fera avec nous ou sans nous. Parmi ceux que la presse électronique effraie au point qu'ils tentent de la limiter et de réduire ses progrès, certains sont poussés par des considérations de conservatisme, qu'il soit politique, culturel ou social. Ceux-là se situent en dehors du mouvement du progrès. L'évolution de la presse électronique est rapide et irréversible. Un chiffre pour l'illustrer : les médias classiques qui ont créé leurs éditions on line ont vu leurs recettes publicitaires provenant du site augmenter de plus de 140% par an les cinq dernières années, ce qui représente 10% du total de leurs revenus. Face à ce mouvement, ceux qui lui sont opposés pour une raison ou pour une autre veulent utiliser les moyens de la législation pour limiter les progrès et l'extension de la presse électronique. Ils légifèrent dans le sens de la restriction et de la limitation, démarche qui a peu de chances d'aboutir et d'atteindre ses objectifs. Il est évident que si un pays parvient à faire adopter des lois dans ce sens, elles s'appliqueront seulement à l'intérieur et ne pourront en aucun cas empêcher l'accès à la presse électronique hébergée à l'étranger. Dans d'autres pays, les frontières ont été abolies dans ce domaine depuis des années et pour toujours. La presse électronique pose certaines problématiques qu'il convient de souligner et de résoudre dans un esprit moderne, de progrès et qui considère que le droit à l'information doit être assuré à tous les citoyens car, sans cela, la démocratie à laquelle nous sommes toujours attachés demeurera inachevée. Au lieu de recourir aux mesures législatives, il serait plus logique et plus conforme à l'évolution du monde dans lequel nous vivons, d'établir par exemple un cahier de charges que les intéressés doivent respecter. On fait souvent à la presse électronique le reproche de menacer la presse écrite, de lui prendre ses lecteurs et de la condamner, à terme, à la régression. Ce reproche n'est pas fondé nous le verrons plus loin et même s'il l'était, ce serait là une occasion pour les pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour soutenir et encourager la presse écrite. Ces mesures ont été prises dans certains pays et ont eu les effets escomptés. En fait, la presse électronique, intégrée dans une approche globale de la communication, peut contribuer au développement et à la promotion des autres médias et notamment la presse écrite. A ce propos, il m'a été donné, lors de ma participation au Congrès mondial de la Publicité qui s'est tenu dernièrement à Paris, de constater la percée de deux secteurs : celui de la presse gratuite et celui de la presse électronique. Concernant le premier secteur, de nombreuses idées ont cours dans le monde des médias; elles ont tendance à faire croire que la presse gratuite constitue une concurrence déloyale à la presse quotidienne écrite qui est vendue en kiosque ou par abonnemens. En fait, cette idée est significative d'une conception limitative et partielle de la situation et qui n'est pas fondée sur des données concrètes de la réalité. Au contraire, la presse gratuite est d'un apport important pour les autres journaux et les médias des pays où elle est autorisée, qui n'ont pas vu leurs ventes diminuer et leur audience réduite pour cette raison. Et même si cette concurrence existait effectivement, ne serait-ce pas là un aiguillon pour que les organes de la presse écrite sortent de leur suffisance, née d'une sorte de situation de rente et cherchent les moyens qui leur permettent de se développer, de s'améliorer et de pouvoir affronter la concurrence. La Tunisie, qui a opté pour l'ouverture, le progrès et la modernité, ne peut pas rester en dehors de ce mouvement qui finira, tôt ou tard, par atteindre tous les pays. Plus rapidement nous l'intègrerons, plus grandes seront nos chances de relever ces défis historiques. On avance souvent comme argument que la presse électronique constitue une menace pour la presse écrite. Cela ne nous semble pas fondé. La presse écrite fait partie de toute une culture qui n'est pas près de disparaître et qui a créé des comportements et des habitudes qui font que la presse écrite a de beaux jours devant elle. S'il y a menace, elle ne provient pas de la presse électronique, il faut la chercher ailleurs. Les problèmes que connaissent les journaux dans de nombreux pays, dont le nôtre, se situent au niveau du soutien qu'ils doivent trouver auprès des pouvoirs publics, des moyens techniques, de la formation, des ressources financières, de la publicité et de l'environnement. La presse électronique n'est pas toujours une menace pour les autres médias parce qu'elle ne constitue pas une référence pour confirmer telle ou telle information. A ce propos, dernièrement Le Parisien, un quotidien, a annoncé la vente du club de Football le Paris Saint-Germain sur son site internet. et la chaîne d'information LCI, reprenant l'information, a déclaré qu'elle attendait la confirmation de cette information dans l'édition sur papier; c'est dire que cette dernière demeure la référence et que la course vers la recherche du scoop induit à des dérapages. Il faut éviter ce genre de dérive si on veut que notre presse électronique soit de référence.. La problématique posée par la presse électronique ne doit pas être située dans une logique de menace, de confrontation ou de danger. Il s'agit plutôt d'une évolution positive, d'un progrès qui apporte à l'individu davantage d'opportunités d'exercer ses droits à l'information et au savoir et lui permet ainsi de s'assumer en tant que citoyen d'une société démocratique. C'est aussi un acquis qui empêche le verrouillage à l'accès à l'information et qui contribue par-là même à la promotion et au développement de la démocratie. Cependant, ces avancées doivent être organisées dans un sens qui ne touche pas à l'essentiel mais préserve les équilibres nécessaires. Par la formule du cahier de charges plutôt que par la législation, on peut intégrer la presse électronique et les autres innovations futures dans notre vie, et leur offrir les moyens et l'environnement capables de leur permettre de jouer leur rôle et de répondre aux attentes des citoyens. (Site web : www.realites.com.tn / [email protected]