Faut-il libéraliser davantage le commerce des produits agricoles entre l'Afrique et les Etats-Unis d'Amérique, au nom de la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) alors que la crise mondiale alimentaire frappe plus le continent africain ? Trois spécialistes de l'AGOA (Daniel Karanja, Jayme White et Likando Mukumbuta) se sont penchés sur la question ont apporté leurs réponses. Mais rappelons d'abord que l'AGOA est une mesure législative adoptée par le Congrès en 2000 et établissant un régime préférentiel de droits pour l'Afrique. Ainsi, ces trois experts ont présenté leurs arguments le 14 juillet dernier, et ce lors de la réunion du Forum de la société civile de l'AGOA qui s'est tenue à Washington et qui avait pour thème cette année «la mobilisation de l'investissement privé pour le commerce et la croissance» (du 14 au 16 juillet).
M. Daniel Karanja (chercheur principal au Partnership to Cut Hunger and Poverty in Africa [Partenariat pour la réduction de la faim et de la pauvreté en Afrique]) est favorable à une intégration accrue du secteur agricole africain dans l'AGOA. Et voici son argument : «Si l'objectif est de réduire la faim et la pauvreté en Afrique et de promouvoir la croissance économique et le commerce, l'AGOA devrait certainement s'intéresser aux moyens de faire profiter de ses avantages les populations rurales pauvres, les petits propriétaires, qui constituent la base de l'économie africaine». Chiffre à l'appui, M. Karanja indiquera 'cette loi avait suscité une extraordinaire croissance du commerce entre les Etats-Unis et l'Afrique, qui dépasse aujourd'hui 80 milliards de dollars par an''.
Pourtant, notre expert pas tout à fait satisfait parce qu'il regrette que « seuls quelques pays et quelques rares secteurs de leur économie aient bénéficié de l'AGOA», notamment les exportations de pétrole et de gaz qui constituent près de 90 % des échanges totaux entre les Etats-Unis et l'Afrique, suivies par les produits textiles avec moins de 5 % et l'agriculture avec moins de 1 % en 2005.
Jayme White (directeur législatif du bureau du représentant de l'Etat de Washington Jim McDermott), tout en rappelant le programme commercial qui précisait le régime des droits de douane pour les produits importés d'Afrique subsaharienne, a souligné à propos de l'AGOA I que «de nombreuses concessions ont été faites, mais qu'en fait, l'AGOA a supprimé les droits de douane appliqués à plus de 95 % des importations en provenance d'Afrique subsaharienne», y inclus certains droits sur les vêtements. «Là où nous avons achoppé, c'est sur la suppression complète de tous les droits sur ce que nous appelons les produits agricoles sensibles : le sucre, le maïs, les arachides et certains produits agricoles à valeur ajoutée tels que le chocolat et certains sirops».
Et pour 'corriger'' cette carence, en quelque sorte, M. White indique que 'depuis cette époque, l'AGOA II en 2002 et l'AGOA IV en 2006 ont porté principalement sur les produits vestimentaires. L'AGOA III a tenu compte du besoin de renforcement des capacités commerciales en Afrique et a prévu que 20 spécialistes seraient envoyés en Afrique subsaharienne pour aider les agriculteurs africains à se conformer aux lois américaines relatives à l'introduction de produits agricoles sur le marché des Etats-Unis''. Conséquence : le spécialiste affirme : «Nous avons assisté en conséquence à certaines améliorations, a dit M. White, mais nous sommes restés bien loin du compte pour l'agriculture étant donné que notre attention portait sur les produits vestimentaires».
Et M. White de reconnaître : 'globalement, nous n'avons pas assisté à l'explosion des importations, des échanges et de l'investissement que les partisans de l'AGOA, je crois, auraient aimé obtenir».
Notre troisième et dernier expert, c'est M. Likando Mukumbuta (président-directeur général du Zambia Agribusiness Technical Assistance Centre [Centre d'assistance technique aux agro-industries de la Zambie](ZATAC Ltd.) ; il a 16 ans d'expérience en matière de développement agricole en Afrique. Pour lui, sans aucun doute, l'Afrique a besoin 'à la fois du commerce et de l'aide'', tout en estimant qu'un élément crucial serait l'implication active des entreprises américaines. «Les transactions et les exportations nécessaires ne se produiront pas au sein de réunions telles que celle-ci, a-t-il dit à son auditoire. Elles n'auront pas lieu dans le cadre de conférences ou de mesures législatives «Il faudra que les entreprises soient effectivement capables de traiter, de négocier et d'exporter entre elles, avec une législation facilitatrice, pour créer une croissance économique et un développement réels», a-t-il soutenu.
(Source : US Department of State - publié dans International Development, TRD Trade Policy, USA)