Après l'immense chagrin et la déception intense, j'ai failli démissionner de mon poste de chroniqueuse, et pourtant, je ne suis pas très bien payée et je n'entraîne personne ; et mon patron, en bon fédérateur, devant mon chagrin intense, m'octroya une prime et une semaine de vacances que je devais utiliser pour assécher mes larmes de dépit et calmer cette rage qui me rongeait les entrailles devant la faillite de cette équipe nationale, si on peut dire. Et je pris le large, cherchant un refuge ou un espace pour m'éclater si j'ose dire, et comme nous sommes un pays touristique avec plus de 1200 km de côtes, je me suis dirigée indubitablement vers la mer ; d'abord vers de belles plages situées à 60 km de la capitale où, comme un chapelet, plus de 1000 unités touristiques sont là pour recevoir le touriste que je pensais être. Mais là encore une autre déception, l'accès de ces unités était interdit à ma petite voiture, ma petite famille et mon petit budget, et ce à l'image du ¼ et du 1/8 de finale de la World Cup eux aussi interdits aux petites bourses. Je me suis dit que peut-être dans toute cette zone, ils jouent au foot sur la plage qui, elle, est censée faire partie du DPM réputé être inaliénable et imprescriptible, mais allez le dire aux arbitres hôteliers Je continuai mon bonhomme de chemin à la recherche d'une plage qui voudrait bien de moi et de mon petit mari et ma petite famille quand une idée lumineuse jaillit : et pourquoi pas aller à Kerkennah, et ainsi fut-il ; et là un autre univers kafkaïen nous attendait, celui de la traversée sur des bacs antédiluviens rachetés à des armateurs grecs semble-t-il et dont l'accès est on ne peut plus problématique entre parenthèse pour ces vieux rafiots et vieux tacots nos amis Sénégalais qui ne manquent ni d'humour ni d'esprit ont créé une marque : ADIEU LA France. Mais oublié ce triste moyen de transport, la magie s'opère dès qu'on prend le large et là, le vent du large vous fouette l'esprit et le corps pour vous faire oublier les déboires d'une triste coupe. Et l'approche de l île est féerique, et le spectacle brumeux de cette excroissance jaillie en pleine mer et peuplée de palmiers est aussi beau qu'un but de Zidane. Et l'île a gardé à travers les siècles son cachet et ses caractéristiques socio-humaines avec 14 villages aussi dissemblables que nos joueurs et que le développement toutes les infrastructures existent- a permis de sortir de l'ombre. Cette île reste un miracle de la nature : si durant la période estivale sa population passe de 12.000 à 120.000 habitants soit plus de 2 millions de nuitées qui ne sont comptabilisées nulle part ; ensuite, avec l'hiver ... la pauvre retombera dans l'oubli comme cette équipe- et ne restent que les vieux et les vieilles qui survivent grâce aux enfants restés sur le continent. Enfin, dans cette île, où on vous reçoit avec plaisir, il y a 2 caractéristiques bien spécifiques : - c'est le seul endroit en Tunisie voire au monde où les gens ont des titres de propriété de zones en mer plus de 2000 ha, je crois, - et aussi, c'est une zone où les femmes, quel que soit leur âge, quand elles vous croisent vous disent bonjour et demandent de vos nouvelles, surtout si vous êtes «étranger». Avec cette chaleur humaine, le vent du large et malgré le peu de poisson que j'ai pu y manger, j'ai fini par oublier les déboires de Lemerre et je dis à chacun, quand ça ne va pas où vous vous dites 'y en ammar'', allez a bord de l'eau ou osez la traversée, vos neurones flétries comme nos 23 se raviveront comme un Zidane transcendant contre le Brésil, lui qu'on avait enterré trop tôt.